L’impression de copier/coller que donnent les comédies, et notamment les françaises, est dans l’air : mêmes acteurs, mêmes pitchs, mêmes gags, mêmes procédés etc. Il nous faut du renouveau !
Alex Lutz, humoriste interprétant un rôle quotidien dans Catherine et Liliane diffusé pendant Le Petit Journal sur Canal + et auteur d’un one man show réussi, avait les cartes en main pour allier originalité et drôlerie. Le Talent de mes amis n’ira pas bouleverser l’ordre en place, malgré un sujet et des acteurs qui créent quelque chose : la réussite n’est que partielle et peut-être surprenante.
La crise de la trentaine passée n’est pas quelque chose de foncièrement original. C’est le point de départ de cette comédie, la terre où pousseront les rires et les larmes. Dans la comédie d’Alex Lutz, cela semble être surtout orchestré pour interroger le sens à donner à sa vie d’homme, l’épanouissement personnel à travers l’amitié. Double constat : audacieux, dans une période où les choix semblent de plus en plus difficiles à prendre compte tenu du contexte, mais rébarbatif dans l’histoire des comédies et ses trios amicaux.
Le trublion de l’histoire se nomme Thibault (Tom Dingler), ou comment la dualité amicale passionnelle entre Jeff (Bruno Sanches, son compère dans Catherine et Liliane aussi) et Alexandre (Alex Lutz), génère une jalousie avec l’apparition du meilleur ami de collège d’Alexandre. La routine du boulot est corrélée ici à la routine amicale - et conjugale d’ailleurs -, où les blagues les plus bêtes les font marrer et les silences les complaisent. C’est une fuite de la médiocrité dans tous les niveaux, une relance de leur vie pour ces différents duos, où Thibault leur vend du rêve ou leur fait croire en leur rêve.
Les blagues justement ne fonctionnent pas véritablement, embêtant pour une comédie - et on peut y voir une explication, dans le développement précédent -. Les deux sourires arrachés laissent rapidement place à plusieurs soupirs, pour des « - T’es vraiment une bite ! - Toi t’es une couille ! » ou encore des photos de soirées apparaissant sur un PowerPoint, vues mille fois…Le côté potache a un allié dans les différents procédés propres aux comédies. Tantôt explicites comme cette transformation de leur taille pour insister sur le fait qu’ils se sentent enfants et bêtes aux procédés plus implicites tels que la voix-off commentant sa propre histoire ou encore l’alternance longs moments musicaux/courts moments dramatiques constante. Ces procédés ne renvoient pas qu’à des choses péjoratives et sont parfois bien en place, nécessaires au récit. Le récit justement se dilate quand même par ces moments de « trop ».
Cette formule trouvée et plus jamais abandonnée - ces deux séquences types - de blagues et moments musicaux au rythme rapide et de moments dramatiques plus posés n’est pas rare et le propre même d’une comédie. Le montage accentue ici la sensation de sujets « survolés » et ce rythme se ralentissant comme un zoom sur les moments d’émotion à ne pas manquer est dans la dramatisation…
L’idée simple, atteignant une visée générale, aurait pu convaincre si la réalisation avait été telle que l’on y croyait véritablement et de bout en bout. Qualités et défauts s’entrechoquent : des excuses sont décelables pour ce premier film et nuancent les critiques, mais cela en fait-il pour autant un bon film ?
Il en est de même pour l’étiquette « comédie réalisée entre amis », ça se ressent à l’écran - et c’est souvent le cas - et en ressort une certaine sincérité. La frontière entre un groupe d’acteurs qui s’amusent et un petit délire cinématographique entre potes est encore fine. La scène dans les bars en atteste et n’est au final qu’un concept de l’amusement, de l’amitié retrouvée, auquel nous ne participons que de façon lointaine… Il y a quand même un air « dansant », une légèreté, une fraîcheur ne tombant pas l’idiotie et les femmes participent au virage familial du film, s’éloignant de la simple comédie. Et c’est peut-être là que Le Talent de mes amis tient sa salvation, dans la longueur et pas la spontanéité de la comédie, des blagues et leur enchainement qui n’a pas grand chose de surprenant. Mené par des acteurs se donnant- le déjà-vu ne gangrène pas tout le film - certaines scènes apportent un plus. Le film aux ficelles trop larges donnent un « après-coup » sur ce qu’est la vie, et les instants dramatiques réussissent à convaincre par moments.
Inconstante, la comédie burlesque n’en est pas une finalement, et le côté dramatique pourrait être celui qui reste - lorsqu’il n’est pas trop accentué -. Constamment, comme dans beaucoup de comédies, les gags trouvent un parallèle avec ces scènes dramatiques, et une réflexion presque imprévue en ressort sur cette vie qui nous échappe, l’idée de bonheur. Alors nous contenterons-nous aussi de nos vies ? Ce qui touche le plus est de voir Jeanne Moreau, dans une maison de retraite dans cette comédie sur la vie, cela évoque le cinéma, son histoire, le temps… Cette ode maladroite a de l’ambition, une ode au vivre heureux, et c’est en cela que l’expérience pourrait être l’alliée d’Alex Lutz, trop imprécis dans son premier coup d’essai.
Clément SIMON
Réalisation : Alex Lutz
Scénario : Alex Lutz, Tom Dingler
Dialogues :
Producteur : François Cornuau, Vincent Roget
Photographie : Giovanni Fiore
Musique : Vincent Blanchard, Romain Greffe
Son : Stéphane Bucher
Décors : Jacques Rouxel
Montage : Vincent Zuffranieri
Costumes : Carine Sarfati
Directeur de Production: Ludovic Douillet
Régisseur Général: Nicolas Ploux
Société de production : Same Player, Cinéfrance 1888, StudioCanal
Pays d’origine : France
Budget :
Langue : Français
Genre : Comédie
Distribution
Alex Lutz : Alexandre Ludon
Bruno Sanches : Jeff Cortes
Tom Dingler : Thibaut Redinger
Audrey Lamy : Cécile
Anne Marivin : Carole
Sylvie Testud : Stéphane Brunge
Julia Piaton : Helen
Jeanne Moreau :
Stéphane Bucher : cousin d'Alexandre
Kamel Laadaili : Sofien
Karine Valmer : Cécile Réjouat