Le Miracle de Berne

___

Un film de Sönke Wortmann ,
Avec Louis Klamroth, Peter Lohmeyer, Paul Greco,

Genre : Historique
Durée : 1h53
Allemagne

En Bref

La famille Lubanski tente de survivre à l’après-guerre et de faire tourner le petit café dans l’attente du retour du père. Le plus jeune, Mathias, roule des cigarettes avec les mégots récoltés et se passionne pour le foot. Il porte le sac d’Helmut Rahn, un joueur prometteur sélectionné pour la Coupe du Monde de 1954. Christa, la mère et Ingrid, la sœur, s’occupent du café et de maintenir la famille unie dans le désarroi d’une Allemagne meurtrie. Bruno, l’ainé, remplace le père et cherche sa voie à travers la musique importée par l’armée américaine, le jazz. 1954, presque dix ans après la fin de la guerre, l’Allemagne redresse la tête et une victoire à la Coupe du Monde pourrait amorcer le retour des beaux jours. C’est cette année où le père est enfin libéré des geôles de Staline. Le retour sur un quai de gare ne se fait pas dans la joie.

C’est une famille transformée qu’il découvre, les enfants ont grandi et sa femme est marquée par les années de souffrance. Les premiers pas s’avèrent difficiles. Il doit retrouver sa place au sein du clan et Richard ne s’y prend pas forcément de la bonne façon. Les enfants comprennent mal cet homme silencieux, maladroit, marqué par des jours sombres. Il ne sait comment nouer des liens avec ce jeune fils de douze ans qu’il n’a jamais vu. Bruno se rebelle, il accepte mal ce père qui lui interdit de jouer du jazz, peut-être un nazi. Seule la mère tente de resserrer les liens car elle sait que la guerre ne peut pas tout dévorer sur son passage. En toile de fond, l’Allemagne s’apprête à remporter une nouvelle victoire sportive avec la Coupe du Monde de 1954.

Dans les années deux mille, le cinéma allemand se penche de plus en plus sur son passé noir. Depuis un certain temps, de jeunes réalisateurs n’hésitent pas à affronter les terribles années de la Seconde Guerre mondiale et après. La chute d’Oliver Hirschbiegel en 2005 est un premier choc pour le cinéma français que la période intéresse peu. Le Miracle de Berne en 2003, que nous découvrons, remporte un immense succès en Allemagne à sa sortie. Il raconte le retour des soldats prisonniers en Russie et leur réintégration difficile dans une Allemagne qui peine à redresser la tête. En parallèle, le réalisateur choisit la Coupe du Monde pour marquer cette année où l’espérance semble de nouveau fleurir au détriment des années sombres. Des maris, des frères reviennent de l’enfer et doivent retrouver leur place au sein de la société.

L’ombre du nazisme plane encore et la jeunesse allemande n’accepte plus ses vieux fascistes. Le film aborde avec talent cette période délicate où l’on se coupe du passé nazi, où l’influence de l’armée américaine et la séparation des deux Allemagnes devient une évidence. Cette toile de fond, plutôt triste, est contrebalancée avec le parcours du jeune Mathias qui tente de trouver un avenir nouveau. Il espère le retour de ce père qu’il n’a pas connu comme une promesse de l’oubli. Il sera dans un premier temps déçu et révolté comme son frère. L’intérêt du père est la route qu’il doit suivre pour retrouver l’amour de ce jeune fils perdu. Le foot et la Coupe du Monde seront des cadeaux qu’il devra saisir au bon moment. Le miracle de Berne montre de façon pertinente cette année charnière où se disputent le pire et le meilleur. C’est un nouveau regard sur le conflit, avec ces hommes entrainés dans une guerre, malgré eux, qui finit par les broyer.

C’est la jeunesse qui s’émancipe des années noires pour bâtir un horizon où le fascisme n’a plus sa place. Sönke Wortmann n’oublie pas d’évoquer la place des femmes avec le très beau portrait de la mère magnifique, Johanna Gastdorf. Elles ne seront plus soumises, mais bien les artisans de ce monde nouveau. La sortie du Miracle de Berne en DVD est un bon moyen de mieux comprendre aujourd’hui en regardant hier.

Patrick Van Langhenhoven