Jon Favreau adapte Le livre de la jungle et lui apporte un nouveau regard, plus sombre et plus proche du récit de Rudyard Kipling. Il se lit à plusieurs niveaux, d’abord comme celui du romancier, une odyssée d’initiation et d’apprentissage. Les rencontres jalonnant le chemin de Mowgli le transforment, le poussent à grandir et s’élever au sein de la meute. Quand il retrouvera les siens, le petit garçon laissera la place à un adolescent responsable et conscient de sa nature. Chaque étape marque un choix, une attitude dont il doit se défaire pour prendre en main son destin. Dans la première phase du voyage, Bagheera le guide sur une route qui semble toute tracée. Rien n’est jamais écrit. Le hasard ou la haine d’un vieux tigre transforment le voyage en fuite éperdue.

Notre existence est tributaire de nos actes et de nos rencontres. Elles façonnent le voyageur. Mowgli apprend beaucoup plus de son monde en le parcourant. Nous retrouvons la vieille idée que pour mieux connaître son peuple, un roi doit parcourir ses terres, aller à sa rencontre. C’est le cas de nombreuses sagas comme Valentin de Majipoor de Sylverberg. La jungle ne se limite plus au territoire du clan mais à tout son espace. Le mythe de l’enfant sauvage rejoint celui de Tarzan. C’est ainsi qu’il apprend que les éléphants sont les seigneurs sages de ce monde. Ils ont créé la forêt en creusant la terre de leurs défenses et en déplaçant les graines. Nous retrouverons la notion des origines tout au long du récit. C’est une des thématiques fortes que développe Jon Favreau, inscrivant le récit dans les pas de Romulus et Remus et de L’enfant sauvage. Qu’est-ce qui détermine ce que nous sommes, notre environnement et la manière dont il nous sculpte ou autre chose de plus mystérieux, gènes inscrits dans notre inconscient ou notre peau ? Mowgli se déplace comme un homme et non, comme pour certains cas réels d’enfants sauvages élevés par des loups, à quatre pattes. Il est intéressant de noter que le mythe garde toujours la nature humaine de ses héros. Mowgli n’ignore pas qu’il n’est pas un loup, mais quoi ? C’est l’une des découvertes qu’il fera lors de son voyage en plongeant au cœur de sa vraie nature.

C’est la rencontre avec le roi Louis renvoyant au singe debout de la préhistoire et à son apparence humanoïde. Là encore, l’enfant ne se trompe pas, il n’appartient pas à ce clan. Le film aborde notre nature humaine et sauvage. Qu’est-ce qui fait de nous des êtres intelligents ? Mowgli domine sa colère, ne se laisse pas emporter par la rage profonde enfouie dans son cœur à l’inverse de Shere  Khan. Est-ce que la domination de la fleur rouge est ce petit plus qui fait l’homme ? Le roi Louis semble convaincu que c’est le cas. Ce qui fait la différence, c’est l’outil, la capacité à construire des objets qui compense les manques par rapport à la meute ou aux autres animaux. Nous en arrivons aux premiers outils, la sédentarisation, la culture agricole, se tenir debout, en gros des questions que discutent encore les spécialistes, mais qui marquent la différence entre nous et l’animal. C’est Baloo qui finit l’éducation de Mowgli en lui apprenant le libre arbitre et la liberté.

Le vieil ours n’est bridé par aucune règle, il se laisse porter par la vie suivant son instinct. Là encore, c’est un autre chemin d’existence, une autre voie. Nous le voyons, le film nous propose un regard sur nos origines en évoquant, derrière les lignes, toutes les idées liées à celles-ci. Il est intéressant de soulever que le cinéma actuel oscille entre la destruction du monde Batman contre Superman, Avengers avec une idée de rédemption et le retour sur nos origines Gravity, Le livre de la jungle. La dernière épreuve est celle de la mort d’un être cher. Elle confronte le petit homme à la notion d’éternité et celle d’un monde éphémère. Il existe un début et une fin. Le livre renoue aussi avec l’idée de l’homme et l’animal en harmonie comme aux premiers temps du jardin d’Eden. Nous retrouvons dans la lignée de Thoreau le retour à la nature, l’homme loin de la société moderne agitée. Il faut saluer la performance technique, les animaux sont hyper réalistes dans les moindres détails, donnant plus de réalisme à l’histoire.

Cette nouvelle version enchantera toute la famille. Du plus petit au plus grand, chacun y trouvera son bonheur et son niveau de lecture. Le film se lit d’abord comme une belle histoire pleine de rebondissements.

 Patrick Van Langhenhoven

Bonus BR:

• "Le Livre de la jungle réinventé" : making of
• 2 mini-reportages :
• - "Je suis Mowgli, ou l'extraordinaire destin de Neel Sethi"
• - "Le temple du roi Louie en détail, ou comment "Vouloir être comme vous" n'a pas été une scène de tout repos"
• Commentaires audio de Jon Favreau

    Titre français : Le Livre de la jungle

    Titre original : The Jungle Book

    Réalisation : Jon Favreau

    Scénario : Rudyard Kipling, Justin Marks d'après le roman de Rudyard Kipling

    Décors : Amanda Moss Serino

    Costumes : Laura Jean Shannon

    Photographie : Bill Pope

    Musique : John Debney

    Montage : Mark Livolsi

    Production : Brigham Taylor

    Société de production : Walt Disney Pictures

    Sociétés de distribution :

        Walt Disney Pictures

    Pays d'origine : Drapeau des États-Unis États-Unis

    Langue : anglais

    Genre : Aventure

    Durée : 1h46

    Dates de sorties en salles : France : 13 avril 2016

Distribution

     Neel Sethi : Mowgli

    Bill Murray (VF : Lambert Wilson ; VQ : Laurent Paquin)3 : Baloo

    Ben Kingsley : Bagheera

    Scarlett Johansson (VF : Leïla Bekhti ; VQ : Ariane Moffatt)3 : Kaa

    Idris Elba  : Shere Khan

    Christopher Walken (VF : Eddy Mitchell ; VQ : Normand D'Amour)3 : King Louie

    Giancarlo Esposito : Akela

    Lupita Nyong'o (VF : Cécile de France)4: Raksha

    Ralph Ineson : Rama

    Emjay Anthony : Grey

    Ritesh Rajan