Cine-Region.fr
affiche Le dernier loup

Le dernier loup

___

Un film de Jean-Jacques Annaud,
Avec Feng Shaofeng, Shawn Dou, Ankhnyam Ragchaa,

Genre : Film d'aventure
Durée : 1h55
France

En Bref

1969. Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie-Intérieure afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c’est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre – sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes – le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l’apprivoiser. Mais la relation naissante entre l’homme et l’animal – ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu, et l’avenir de la terre elle-même – est menacée lorsqu’un représentant régional de l'autorité centrale décide par tous les moyens d’éliminer les loups de cette région.

Coproduction franco-chinoise, Le Dernier Loup s’inspire du livre Le Totem du Loup (Jiang Rong, 2004), l’un des plus gros best-sellers en Chine avec plus de 20 millions d’exemplaires vendus à travers l’empire. Aussi surprenant soit-il, c’est la Chine qui est venu proposer à notre metteur en scène occidental, Jean-Jacques Annaud, la réalisation de cet ambitieux projet. Et pour cause, le réalisateur des récents Or Noir et Sa Majesté Minor et de Sept ans au Tibet avec Brad Pitt retrouve dans cette histoire bon nombre de ses thèmes de prédilection dont en pôle-position, la complexité du rapport homme/animal déjà abordé dans L’Ours (1988) et Deux Frères (2004). Avec cette nouvelle aventure épique, le cinéaste signe un récit initiatique brulant, terrifiant et terriblement émouvant en tenant, en filigrane, des discours fascinants sur le rapport à l’environnement et la politique, tout en interrogeant en chacun de nous les croyances mystiques.


Sur fond de steppes grandioses, situées en Mongolie-Intérieure, Jean-Jacques Annaud va donc s’approprier le récit de ce jeune étudiant pékinois qui va développer une passion pour les loups en plein conflit territorial. Avec la Chine à la production, on aurait pu craindre un propos dilué et des messages sous-jacents aseptisés mais le film de Jean-Jacques Annaud est passé à sa grande surprise entre les mailles de la censure. Car comme la plupart des films du cinéaste, Le Dernier Loup ne se contente pas de relater une relation naissante entre un jeune homme avec un loup mais mène également une charge politique et sociale assumée (présente également dans le livre, étrangement non censuré non plus). La cible est pourtant claire en ces temps de révolution culturelle où la Chine de Mao envoie ses « jeunes instruits » au sein des populations nomades de Mongolie et en profite pour prendre le pouvoir sur les activités agricoles (mise en place de quotas, répression économique, violation des traditions…). Le constat est sans appel. Directement visée, la politique environnementale de l’empire qui mène ses colonisations sans respect ni pour le peuple mongol ni pour les animaux de la steppe, signe un bouleversement écologique et démographique catastrophique.   

Maintes fois traitée au cinéma, cette période de l’Histoire de la Chine sert ici de toile de fond solide à ce récit initiatique. En effet, le réalisateur va astucieusement utiliser le prisme de l’attachement intime pour conter les grandes lignes contextuelles. Il évite ainsi les saillies politiques aux gros sabots qui viennent entacher la fable romanesque. Moins sur le drame humain causé par l’époque, Annaud va donc se concentrer sur Chen Zhen, dont l’adoption de ce louveteau va être le catalyseur. Dans le fond, la trame scénaristique ne brille pas par son originalité, la consistance dramatique est très faible et on frôle par moment le mélodrame, mais le récit arrive à garder assez de recul. Aucun manichéisme à déplorer, pas de jugement à la hâte et pas d’anthropomorphisme. Car l’intelligence du traitement d’Annaud réside dans sa propension à nuancer son propos. Ainsi, les personnages ne sont jamais cloisonnés dans des moules immuables et s’accordent même une certaine évolution. Même le “méchant“ montre un autre visage. En face, le loup est craint et vénéré par les populations mongoles, mais réduit à son simple rôle de prédateur par les envahisseurs chinois. Heureusement, Annaud a préféré mettre au placard sa tendance à humaniser les animaux et laisse les loups à leur place de créature vivante sauvage dotée d’intelligence, sans empêcher le spectateur d‘y projeter ses émotions pour autant (petit bémol sur la scène où un loup préfère se jeter d’un falaise plutôt que de périr par les coups des hommes). A l’image, il donne une ampleur en relief impressionnante à ses prédateurs mystiques qui se reflètent dans la majesté de leur lieu de vie. Plans rapprochés sur des paires d’yeux expressives, plans larges sur la steppe, le réalisateur varie les échelles et les points de vue pour offrir au spectateur une immersion implacable. Mention spéciale à cette scène spectaculaire, magnifiquement mise en scène dans une pénombre angoissante, où la meute de loup organisée mène un troupeau de chevaux vers un lac gelé, stratagème intelligent pour se garantir un garde-manger conséquent. Les loups sont tour à tour éclairés par les lampes-torches, révélés dans le coin d’un regard par la lumière de la lune, réduisant le spectateur à son simple rang de témoin impuissant.

Très académique en apparence (paysages naturels splendides, beaux sentiments, créatures vivantes), Le Dernier Loup s’offre donc quelques fulgurances sombres et ténébreuses absolument magistrales comme cette scène où les carnassiers massacrent un troupeau de mouton dans un enclos protégé, mettant leur intelligence de tueur à l’épreuve. Derrière une simplicité narrative évidente, Jean-Jacques Annaud mêle habilement dramaturgie épique et initiatique avec une fable animale spirituelle tout un menant un message écologique, ode au rapprochement des peuples. Il renoue ainsi (et enfin !) avec ses succès des années 80 sans égaler la force de L’Ours mais offre un beau cinéma illustratif aux émotions savamment distillées qui devrait reconquérir son public.

Eve Brousse

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :

Fiche technique

·       Titre anglophone : Wolf Totem

·       Titre français : Le Dernier Loup

·       Réalisation : Jean-Jacques Annaud

·       Scénario : Jean-Jacques Annaud et John Collee, d'après Le Totem du loup de Jiang Rong

·       Montage : Reynald Bertrand

·       Musique : James Horner

·       Photographie : Jean-Marie Dreujou

·       Production : Xavier Castano et William Kong

·       Sociétés de production : China Film Group Corporation, Edko Films et Reperage

·       Société de distribution : Mars Distribution

·       Pays d’origine : France, Chine

·       Budget : 38 000 000 dollars

·       Langue originale : chinois

·       Format : couleur

·       Genre : aventure, historique

Distribution

·      William Feng : Chen Zhen

·      Sean Dou

·      Ankhnyam