La Loi de la jungle

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Un film de Antonin Peretjatko ,
Avec Vincent Macaigne, Vimala Pons, Pascal Légitimus,

Genre : Comédie
Durée : 1h39
France

En Bref

Le doux job de stagiaire vous convie à effectuer des gentils voyages dans des pays lointains et exotiques. C’est ce qui arrive à Marc Châtaigne, au nom comme un violent coup de poing à la face du système ou si vous préférez, ce fruit qui crépite dans la cheminée en hiver. Il est stagiaire dans le prestigieux ministère de la norme, aux allures de 1984 d’Orwell. Son patron l’envoie au fin fond de la jungle pour un projet gigantesque digne des pyramides aztèques. L’état souhaite réaliser une belle piste de ski avec fausse neige en prime au pays des piranhas, des chercheurs d’or et des Indiens réducteurs de tête.

Notre Tintin, globe-trotter, code sous le bras, se retrouve en pleine fournaise où Tarzan version féminine le guide dans les infâmes dangers de la jungle. D’où lui vient ce surnom, Tarzan ? De la forêt profonde qu’elle étudie ou sa propension au coup de poing. Les deux stagiaires se lancent dans l’inspection du chantier en pleine nature pour valider la norme européenne, paumé à des lieux du vieux continent. Il est à parier que, comme le magnifique pont entre le Brésil et la Guyane, il connaisse le même sort. C’est à dire l’appel du néant, l’inutile splendeur de la civilisation occidentale accro à la norme comme les piranhas à la bonne chair (chère !).

Avant de valider ce merveilleux concept, ils devront retrouver leur route. Égarés en pleine jungle, Tarzan, sans cri et sans boussole sera fort utile. Ils affronteront mille dangers sournois, tapis dans les sous-bois, toute une galerie d’insectes, le fameux serpent, des drogues douces et dures, des marais, des fleuves azur aux eaux sombres grouillant de petites bestioles affamées, etc. Ils trouveront l’aide de légionnaires oubliés mais perspicaces, un préfet se prenant pour César, un chef de chantier allumé, une Marianne et un paresseux perdu dans le décor.

La loi de la jungle au sens propre et figuré est une aventure exotique des lambris de la République aux jungles de Guyane. Ce film loufoque est emporté par une paire de pieds nickelés et de doux rêveurs qui nous gouvernent. Derrière sa douce folie, son surréalisme vrai se cache un regard satirique sur la république et nos sociétés occidentales maîtresses du progrès. Tout commence au sein de nos institutions ou institut con c’est selon. Où l’on voit que la norme n’est point négociable et porte parfois du bon ou une vaste propension à la connerie. Comme dit le poète, la règle est parfois faite pour être transgressée, ce qui ne lui ferait pas de mal. Elle donnerait une réalité plus locale et utile que des projets vite oubliés par l’équipe suivante. Comme vous le verrez dans le film, la suivante n’est pas en reste de projet stupide.

Notre brave stagiaire après le chaud si le film connaît un succès à plusieurs millions d’entrées devrait passer au froid. Après la moiteur et le corps lascif et langoureux d’une belle en Guyane, le Groenland et ses Esquimaux attendent notre aventurier de la norme. Le film glorifie avec ironie le nouveau job des trentenaires, la belle vocation de stagiaire. Le travail précaire sous-payé, petite porte d’entrée du monde des études à celui du travail devient la nouvelle norme. Il vous promet mille petits emplois dans de grandes entreprises ou institutions qui se garderont bien de finaliser votre contrat.

Antonin Peretjatko croque des figures inénarrables de la comédie loufoque dans la lignée de la Commedia Del Arte, Arlequin facétieux ou Pierrot lunaire comme Châtaigne rencontre une Colombine au coup de poing facile et au cœur fragile. Ce voyage dans la jungle est à la fois celui des sens et de la quête de l’âme sœur. Les corps comme les insectes y jouent un grand rôle. Antonin Peretjatko parsème la route de tout un tas de petites bestioles à l’image du film, délurées improbables à mille et sans pattes. Il glisse dans ce bestiaire des petites fragrances de poésie, vers luisants aux yeux de bathyscaphe ou des papillons aux couleurs du ciel caressant la chair d’un sein nu. Les corps joueront aussi leur rôle dans cette sarabande. Celui de Vimala Pons rappelle ces

femmes immortalisées par les vers du poète ou les pinceaux du peintre. Ce sont les corps parfaits appelant à l’amour et la maternité d’une Ève et d’un Adam perdus dans l’océan émeraude d’un monde vierge. Lui répond en écho le corps gauche de Châtaigne comme une promesse du grand tout des origines retrouvées. Dans cette jungle un nouveau cinéma, de Belmondo L’homme de Rio, Yves Montand Le grand escogriffe à Vincent Macaigne La loi de la jungle, il n’y a qu’un pas. Antonin Peretjatko s’inscrit dans ceux de ses aînés pour mieux s’émanciper et tracer sa propre folie douce et joyeuse. Il se montre surréaliste à l’image du cinéma belge, mâtiné non pas d’onirisme, mais d’une réalité qui nous échappe. Il la détourne ou la caricature parfois ce qui est plus marrant. Comment nos sociétés dans leur désir d’ordre créent l’inverse un doux chaos de joyeux dingues !

Patrick Van Langhenhoven