Marseille dans les années 75, la French Connection fait la pluie et le beau temps sur le vieux port comme le dit le proverbe. A sa tête, Tany Zampa, maitre incontestable de la poudre blanche inonde les rues de l’Amérique. La fête risque de s’achever dans le sang et la mort, le nouveau Juge Pierre Michel est bien décidé à clore la boutique. Le laxisme n’est plus de mise, cette fois les flics font leur boulot et la donne change de camp. Le bal est terminé, il ne reste qu’une solution pour que la danse reprenne…
Après un premier film remarqué Aux yeux de tous, il suit les traces du polar des années 70, Verneuil, Boisset et consorts. Nous retrouvons l’esprit des grandes fresques engagées dénonçant un système perverti. C’est plutôt bien réussi pour un deuxième opus avec un duo endossant sans trop de failles les personnages connus. Système corrompu, flics ripoux, parrain coriace, gangsters fous et un juge convaincu du bon droit de sa croisade, « nous ou bien le triomphe du mal ». Pour un temps seulement très vite. Nous comprenons que la ville n’échappe pas à ses vieux démons, encore aujourd’hui.
Quand le juge Pierre Michel met les pieds dans la fourmilière, il découvre une brigade des stups bloquée, désabusée dans sa lutte contre les trafiquants. Pour eux, c’est encore un juge de plus qui se cassera les dents contre le système. Cette fois, les dealers et leur patron commencent à déchanter, les flics à croire de nouveau en une police au service du citoyen et de l’ordre. La première règle, jeter un bon coup de pied dans la nasse pour que les bestioles s’agitent et courent dans tous les sens.
La pègre voit l’étau de la loi se resserrer. Sous l’impulsion du petit juge, c’est un grand bordel qui prend forme. À force de bousculer tout ce beau monde, il perd de son assurance, commence à douter et commet les premier faux pas. Le juge tient bon, il ne lâche pas sa proie. Dans le milieu, on sent que le feu s’élance de ce côté de la colline. Tany Zampa, emporté dans son élan de grandeur, s’emporte, fait les premiers faux pas qui le conduiront à sa chute. Dans les rangs, le Fou, un gangster azimuté, souhaite aussi sa part de butin, voire la première place. On dessoude à tout va, les flingues crachent la poudre et un vent de renouveau souffle sur la colline. Il reste le plus dur à faire, trouver la faille, la pièce qui conduira à mettre le roi échec et mat. La partie n’est pas finie, elle ne fait que commencer. Ils joueront de subtilité, d’adresse, de points perdus et gagnés pour une issue qui rassemble tout le monde dans la même finalité. La grande gagnante reste toujours madame la faucheuse.
Pour son deuxième film, Cédric Jimenez s’attaque à du lourd. Forcément, il existe de la référence, de l’irrévérencieux, du solide, du sordide, Friedkin et Popeye son héros de The French Connection pour commencer, et la vieille garde les maitres du genre Verneuil, Boisset. Ils ne se laissaient pas dicter les conditions du jeu et profitaient d’un genre pour dénoncer un système qui, à l’époque, possédait déjà du plomb dans l’aile. Ils empruntaient la voie d’une histoire réelle pour le faire, avec certaines affaires qui remontent à la surface comme un cadavre ayant perdu son parpaing de béton. On se dit que le monde n’a pas tellement changé. Dans la forme comme dans le fond, on sent l’hommage à un âge d’or où la french touch s’exportait comme le Beaujolais nouveau (à consommer avec modération). Nous retrouvons les figures liées au polar de l’époque, lui-même inspiré par la littérature noire, le truand implacable que rien ne fait fléchir, accroché à l’honneur comme une mariée à sa jarretière. Gabin, Delon, Brando aux Etats-Unis et bien d’autres définissent cette figure incontournable que vient rejoindre Gilles Lellouche.
Il se tient à la frontière, à la fin de ces mentors et le début d’un monde où l’argent importera plus que le reste. Le petit juge Pierre Michel, le shérif capable de sacrifier sa vie pour que la loi et le bien triomphent, plus proche du western comme John Wayne dans Rio Bravo, incarné ici par Jean Dujardin. À ses côtés évoluent les figures emblématiques du genre, le ripou de service, le flic tenace coincé par sa hiérarchie, le gangster fou, la Pénélope au foyer prête à tout pour son Ulysse, le politique sans foi ni loi, etc. Nous retrouvons aussi la pauvre gamine broyée qui met en colère le Juge, sert de catalyseur pour la croisade. Il s’agit bien d’une croisade contre le mal qui fauche nos enfants comme le paysan le blé de la moisson. Cédric Jimenez épouse le genre et le remet en selle comme Olivier Marchal en son temps. Sur le fond, il donne à son film des couleurs et une belle image, due à Laurent Tangy, le directeur de la photographie.
C’est avec plaisir que le spectateur renoue avec un cinéma qui non seulement l’emporte sans que le temps ne compte et lui offre son pesant d’action et de réflexion. De la même façon, il nous interroge sur le présent, qu’est-ce qui a changé depuis le juge Michel ? À en croire le dernier livre d’Éric de Montgolfier et des affaires récentes à Marseille, il n’existe pas grand-chose de différent. Après un premier film gonflé sur l’image et son pouvoir dans notre société, comment elle se niche jusque dans le plus intime de notre existence, nos placards. La French se révèle comme un hommage au genre et à une époque, elle accouche d’un réalisateur prometteur qui n’a pas fini de nous surprendre.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Scènes coupées (10')
Bande-annonce
DVD 2 :
Making of (50')
Titre international : The Connection
Réalisateur : Cédric Jimenez
Scénario : Audrey Diwan et Cédric Jimenez
Photographie : Laurent Tangy
Direction artistique : Patrick Schmitt
Musique : Guillaume Roussel
Producteur : Alain Goldman
Sociétés de production : Gaumont, Légende Films
Distribution : France Gaumont
Genre : policier
Langue originale : français
Distribution
Jean Dujardin : Pierre Michel
Gilles Lellouche : Gaëtan « Tany » Zampa
Céline Sallette : Jacqueline Michel
Mélanie Doutey : Christiane Zampa
Guillaume Gouix : José Alvarez
Benoît Magimel : Le Fou
Bernard Blancan : Lucien Aimé-Blanc
Bruno Todeschini : Le Banquier
Moussa Maaskri : Franky Manzoni
Féodor Atkine : Gaston Defferre
John Flanders : capitaine de la [[Drug Enforcement Administration[DEA]]
Gérard Meylan : Ange Mariette
Éric Godon : L'avocat de Zampa
Pauline Burlet : Lily
Cyril Lecomte : Marco Da Costa
Barbara Cabrita : Dora
Georges Neri : Charles Peretti
Patrick Descamps : Le procureur
Arsène Mosca : Ouvrier Peretti
Éric Collado : Robert