Un train file le long de la côte longeant les petites maisons où la vie paisible des âmes innocentes construit le petit bonheur parfait. Rachel, le nez collé à la vitre, attrape au hasard un petit couple, un enfant, image d’une Amérique idéale fantasmée. Depuis sa séparation avec Tom, elle se nourrit de chimères et d’alcool à bon marché. Elle quête un idéal de vie qu’elle n’atteindra sans doute jamais. Quand le bonheur éclate en mille comètes de douleur, il ne laisse dans le cœur que des souvenirs qui s'égrènent au rythme du train qui défile. Un jour, il ne reste que la mauvaise bouteille où s'accrocher, comme à une bouée, pour ne pas couler.
Et la fureur monte et gronde comme une mauvaise tempête rasant tout sur sa route. C'est le trou noir, la vague de l'oubli, le vide, la sombre certitude d'un geste diabolique, quand la femme de ce couple idéal embrasse un autre homme. Ce petit rien où s’accrocher explose et la vérité apparaît sans fioriture. Autrefois lui l’aimait et ils vivaient heureux dans cette maison qu’elle regarde défiler par la fenêtre du train. Aujourd’hui elle le trompe et peut-être qu’il est temps de revenir à la maison perdue. La disparition d’une jeune femme, Megan, baby Sitter de Tom et Anna, jette un doute sur les visions de Rachel. Alors se dénoue la trame de trois femmes, trois histoires déroulant le fil d'une réalité mélangeant le faux et le vrai. Ce que nous pensons connaître de nos fables personnelles. Ce que nous arrangeons dans la valse des mensonges pour rendre la vérité plus supportable. Du vrai ou du faux, Rachel devra en démêler le fil d’Ariane si elle ne veut pas sombrer dans le labyrinthe où dort la bête.
Devenu un succès en librairie dès sa sortie La fille du train se retrouve rapidement sur la table des projets incontournables. Tate Taylor, réalisateur de La couleur des sentiments, et Get On Up semble un bon choix dans sa manière de saisir le cœur de ses personnages. Emily Blunt tenait absolument à interpréter le rôle de Rachel, renforçant notre premier sentiment d’un bon pari. L’histoire est transposée de Londres à New York. Sous Gone Girl, le film peine déjà dans sa narration complexe en choisissant sans doute par rapport au roman un seul regard. Il repose sur ce que Rachel nous livre de cette histoire qui peu à peu, se dévoile et livre des pans d’une réalité différente. Le jeu subtil de la vérité et du mensonge se perd dans la trame narrative et ne trouve jamais assez de force pour nous accrocher.
La mise en scène reste sobre, sans exagération ni anticonformisme. Dans Gone Girl, le réalisateur jouait sans cesse avec son récit, le manipulait dans tous les sens pour égarer le spectateur sur des fausses pistes. Il est vrai que tout le cinéma de Fincher repose sur ce que nous percevons du monde. Tate Taylor reste trop sage. Il ne brise pas les codes pour emporter le spectateur dans cette réalité trouble. Rachel s'accroche encore à ce train qui passe, à une vie perdue. Le personnage est plutôt bien réussi, sauvé par l’interprétation d’Emily Blunt qui lui évite le naufrage. Megan est une jeune femme obscure aux sentiments troubles masquant un secret enterré profondément. Anne, la nouvelle femme de l'ex-mari de Rachel, enceinte, se dévoue à sa famille. La première représente la putain, la deuxième la matriarche des temps anciens et Rachel serait l’ombre qui les guette, la Pythie de mauvais augure.
Elles rêvent toutes du bonheur idéal, celui du foyer parfait comme Ulysse et Pénélope. Tout s'entremêle, joue la danse des morts où le néant accouchera de la vérité. Une fois de plus, les apparences sont trompeuses, ce que nous appréhendons cache une autre vérité, manipulation diabolique d'un être pervers, jeux des relations intimes? Comme ce que nous voyons à travers la vitre du train n'est qu'une infime partie du monde. Toute la question est de savoir de quoi nous sommes capables au fond de notre âme sombre, qui peut franchir le Rubicon et porter la violence au pays des vivants. La fille du train oublie les symboles du miroir, de la vitre, du tunnel pour ne pas les transcender et étoffer la structure du récit. De la même manière, leur pendant masculin reste sans relief assez commun et peu exploité, comme Scott, le mari de Megan et le psychiatre Kamal. Le film ne fait rien de ce puzzle de la vie où les apparences explosent et dévoilent une tout autre vérité sur chaque individu.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : The Girl on the Train
Titre français : La Fille du train
Réalisation : Tate Taylor
Scénario : Erin Cressida Wilson, d'après le roman La Fille du train (The Girl on the Train) de Paula Hawkins
Photographie : Charlotte Bruus Christensen
Montage : Michael McCusker
Direction artistique : Deborah Jensen
Décors : Kevin Thompson
Costumes : Michelle Matland et Ann Roth
Musique : Danny Elfman
Production : Marc Platt et Jared LeBoff
Coproducteurs : Holly Bario et Deb Dyer
Productrice déléguée : Celia D. Costas
Sociétés de production : Amblin Entertainment, DreamWorks SKG, Marc Platt Productions et Reliance Entertainment
Sociétés de distribution : Universal Pictures (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France)
Pays d’origine : Drapeau des États-Unis États-Unis
Langue originale : anglais
Durée : 112 minutes
Genre : thriller
Dates de sortie : 26 octobre 2016
Distribution
Emily Blunt : Rachel Watson
Haley Bennett : Megan Hipwell
Rebecca Ferguson : Anna Watson
Justin Theroux : Tom Watson
Luke Evans : Scott Hipwell
Édgar Ramírez : Dr. Kamal Abdic
Laura Prepon : Cathy
Allison Janney : sergent Riley
Lisa Kudrow (VF : Rafaèle Moutier) : Martha