Spoliée par les nazis, la vieille dame digne entraine dans sa quête, à la reconquête de ses biens, un jeune avocat. Film banalisé avec ses passages obligatoires, La femme au tableau n’en est pas pour autant déplaisant.
Madame Altman n’attendait plus rien de la vie, juste l’achever paisiblement dans sa petite boutique en Amérique, loin du passé. La mort de sa sœur et un testament oublié qui ressurgit des ombres réveille de vieilles douleurs enfouies. Le gouvernement autrichien, avec la montée du nazisme, en acceptant le pacte avec Hitler, ouvrait la porte aux odeurs nauséabondes de la pourriture des idées diaboliques. La famille Altman vivait de la musique et de la pureté de l’art.
La tante Adèle servait de modèle à un certain Gustave Klimt pour un tableau commandé par son riche mari, industriel du sucre. Le souffle de la tempête se lève, un peuple est réduit au rang de paria. Adèle Bloch-Bauer et son mari s’enfuient en Suisse alors que la jeune Maria reste avec ses parents dans le pays où son cœur pensait trouver le bonheur. Elle finit par s’enfuir avec son mari, un chanteur d’opéra, pour rejoindre l’Amérique.
Les biens seront saisis par le gouvernement autrichien et le portrait d’Adèle, renommé La femme en or, devient le symbole de tout un peuple. C’est ce tableau que souhaite retrouver la vieille femme, et pour cela elle devra franchir le Rubicon, retourner au pays maudit et affronter les démons pour reprendre son trésor. Le jeune Randol Schoenberg, avocat tout frais, petit-fils du compositeur, ami de la famille, se lance lui aussi, Don Quichotte des temps modernes, à l’assaut de ses moulins à vent.
Dans une mise en scène classique jouant sur les flashbacks, Simon Curtis raconte l’histoire du vol du tableau et de sa reconquête, d’une société qui n’imagine pas que le pire est à venir. Il montre une capitale, Vienne, une société autrichienne bercée par l’Art Nouveau, mais aussi les débuts de la psychanalyse, la musique nouvelle, une effervescence artistique qui marque l’histoire. Dans cette envolée spirituelle, le portrait d’Adèle prend une place toute particulière. En s’inspirant des mosaïques de l’impératrice Théodora, Klimt évoque la beauté et la gloire de la femme. C’est d’ailleurs le seul modèle qu’il peint deux fois, l’autre tableau est au Metropolitan Museum. Au-delà de la spoliation des œuvres d’art et des biens des Juifs, du génocide, c’est la mort d’une époque, la fin d’une effervescence artistique et spirituelle qui meurt avec le régime nazi.
Le spectateur découvre avec effroi qu’il existait dans cette pensée nauséabonde un deuxième volet au génocide, l’effacement comme les Pharaons maudits de tout un peuple. Les Egyptiens effaçaient le nom du banni des monuments, de la mémoire. En renommant le tableau, on efface tout un peuple, on nie son existence, pas seulement dans le présent, mais dans la mémoire de l’humanité. En filigrane c’est ce que dévoile le film. Helen Mirren est excellente dans un rôle devenu habituel, celui de la vieille dame digne et révoltée. Ryan Reynolds confirme sa capacité à endosser des personnages différents, souvent en quête d’eux-mêmes ou évoluant au cours du récit.
Pour Maria, plus que le combat contre le système et tout un pays, c’est contre ses peurs et ce passé qu’elle finit non pas par nier, mais enfouir loin dans les méandres du temps. Elle devra revenir au paysage de la douleur, marcher sur les traces d’hier pour renouer avec aujourd’hui et enfin profiter du bonheur présent. Il possède un prix inestimable, celui de la vie et du bonheur. Pour Randol, c’est découvrir un passé transmis par les mots et qui devient plus effroyable avec la découverte du mémorial où, gravé dans la pierre, s’inscrit les noms des siens. Le jeune avocat trouve dans cette affaire toutes les raisons de se dépasser et de devenir un ténor pour la restitution des biens aux familles juives. Plus que la forme, c’est tout ce que le tableau ne dévoile pas au premier regard qui devient intéressant.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Woman in Gold
Titre français : La Femme au tableau
Titre québécois : La Dame en or
Réalisation : Simon Curtis
Scénario : Alexi Kaye Campbell
Production : David Thompson, Kris Thykier
Sociétés de production : BBC Films, The Weinstein Company
Sociétés de distribution : The Weinstein Company
Pays d’origine : Royaume-Uni,États-Unis
Langue originale : anglais
Genre : drame
Durée : 107 minutes
Dates de sortie :
France 15 juillet 2015 (sortie nationale)
Distribution
Helen Mirren (VQ : Claudine Chatel) : Maria Altmann
Ryan Reynolds (VQ : François Godin) : Randol Schoenberg
Daniel Brühl (VQ : Nicholas Charbonneaux-Collombet) : Hubertus Czernin
Katie Holmes (VQ : Aline Pinsonneault) : Pam
Tatiana Maslany : Maria Altmann, jeune
Max Irons : Fredrick « Fritz » Altmann
Charles Dance : Sherman
Antje Traue : Adele Bloch Bauer
Elizabeth McGovern (VF : Rafaèle Moutier) : le juge Florence-Marie Cooper
Frances Fisher : Barbara Schoenberg, la mère de Randol
Moritz Bleibtreu : Gustav Klimt
Tom Schilling : Heinrich
Allan Corduner : Gustav Bloch-Bauer
Henry Goodman : Ferdinand Bloch-Bauer
Nina Kunzendorf : Therese Bloch-Bauer
Alma Hasun : Luise
Justus von Dohnányi : Dreimann
Olivia Silhavy : Elisabeth Gehrer
Ludger Pistor : Rudolph Wran
Ben Miles (VF : Mathieu Buscatto) : Ronald Lauder
Christian Dolezal : Felix Landau
Harry Ditson : Stan Gould
Stephen Greif : Bergen
Jonathan Pryce : le chef William Rehnquist
Joseph Mydell : le juge Clarence