Gabriel, ancien flic en bout de course, élève seul sa fille Juliette. Presque à toucher le fond, un ancien indic lui propose un boulot sans risque qui rapporte gros. Le contact se fait par téléphone et dans son nouveau bureau, dans un immeuble vide où il passe son temps à attendre. Chaque jour, une enveloppe l’attend dans la boîte aux lettres, cette manne tombée du ciel à ne rien faire lui permet de retrouver un statut honorable et d’offrir à sa fille un avenir meilleur. La première mission l’envoie à l’autre bout du monde porter une mallette à ne pas ouvrir. L’unique condition du contrat, qui n’est pas dans l’illégalité, ne pas ouvrir la mallette. Au début, Gabriel joue le jeu, mais quand on est flic, le naturel revient au galop. Comme la boite de Pandore, il ignore que dans sa tentative avortée d’ouvrir la valise, il vient de mettre la clef dans la porte de l’enfer. Tout se complique quand on lui vole son colis à livrer, cette fois c’est un nouveau déluge d’emmerdes qui frappe à la porte. Aidé d’une amie flic, il remonte peu à peu la piste de ses commanditaires, mais ce qu’il découvre risque de le meurtrir à jamais.
Jean-Baptiste Andrea, c’était fait connaître avec deux films tournés sur le territoire américain, Dead End un film fantastique découvert à Gérardmer et Big Nothing, comme La confrérie des larmes, un film de genre. L’histoire peut s’apparenter au conte, voir son développement dans l’interview que nous a consacrée l’auteur. Le film s’inscrit dans le film de genre, entre policier et fantastique par certains aspects. Nous retrouvons la figure du flic en bout de course avec une fille à charge, marqué par un passé qu’il n’a pu effacer.
Cette mission au début lui permet de sortir de la tête de l’eau matériellement. Son passé de flic lance la seconde partie du film, il ne peut résister à l’envie de savoir ce qu’il transporte. De là découle toute la série de situations qui l’amène à une rédemption finale. Dans la tradition du conte, il ne faut pas ouvrir la porte de Barbe Bleue, le coffre maudit ou à l’inverse, son aspect bénéfique : savoir c’est mettre un terme à ce qui vous arrive. La fin du film joue sur le thriller fantastique, un genre littéraire en vogue en ce moment. Le film est avant tout une série B avec des personnages caricaturaux, et une trame narrative dans son ensemble maintes fois vue. L’intérêt relève de la façon dont le réalisateur maitrise à la fois le genre et se permet par moments de nous surprendre sur certaines séquences. Nous sentons bien tout le potentiel que nous réserve Jean-Baptiste Andrea. Il lui reste à trouver un scénario plus original ou plutôt à développer certains aspects en délaissant le côté déjà vu pour explorer les bonnes idées dans leurs retranchements.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus
Clip : "Your Fight" par Laurent Perez Del Mar feat. Louise Hayat
Ciné Région : Quel a été votre parcours avant d’en arriver à ce film ?
Jean-Baptiste Andrea : J’ai fait un premier film en 2003, Dead End, qui était en anglais parce que je peinais à faire des films en France alors je suis parti aux Etats-Unis. Je suis allé ensuite en Angleterre, j’y ai rencontré ma femme et j’ai fait un film là bas, Big Nothing. Et puis je me suis dit que c’était quand même dommage de ne pas faire de films en France puisque c’était mon but à l’origine, mais c’est vrai que j’ai toujours été nourri par un univers anglo-saxon, un peu plus large que ce qu’il se faisait en France il y a dix ans. Autrement, côté formation, j’étais un peu le cancre, je voulais faire du cinéma mais dans la famille, ce n’était pas un métier sérieux. Alors j’ai quitté ma belle région pour venir à Paris faire science-po. Quand j’ai eu finit, je suis devenu traducteur de romans sentimentaux pour ne pas avoir un boulot trop prenant et pouvoir écrire des scénarii. J’ai commencé comme ça, écrire, écrire, écrire… et c’est une école super je trouve.
C.R : La confrérie des larmes était lui aussi difficile à vendre ?
J-B.A : Oui, comme je disais tout à l’heure, c’est sur qu’il y a dix ans en France, on n’aurait jamais fait un thriller comme ça. Après, le thriller français est un genre en soi, dans l’ultra-réalisme, les thermes techniques… Moi j’avais envie de faire un thriller qui embranche à la fin sur d’autres thèmes soit complètements fantastiques ou la religion. J’aime le genre de thriller crépusculaire où tout du long on se demande si ça va balancer dans le fantastique, j’aime l’idée d’être à la frontière de plusieurs mondes. Je veux que ce soit polarisant. Mon défi ultime est d’essayer de faire partager mon univers un peu geek au plus grand public possible.
C.R : Vous vouliez dés le départ faire le suivi du personnage principal ?
J-B.A : Une fois que l’idée de départ était là, le concept, j’ai passé 6 mois à me dire : « je n’arrive pas à l’écrire ». Et avec mon co-auteur, on s’est dit qu’il fallait prendre comme angle l’homme le plus insignifiant qu’on pourra charger de convoyer ce truc. Ca m’évitait de me focaliser sur les enlèvements et l’aspect technique qui pour moi enlevaient beaucoup de poésie. On voulait s’intéresser à un mec qui avait un vrai voyage personnel à faire, qui revient de son propre enfer dans lequel il s’est auto enfermé. Les premières versions du script étaient encore plus noires qu’il ne l’est maintenant, mais je l’ai atténué parque ce que je trouvais que ça aurait marché en bouquin mais pas en film. Dans ce personnage en tout cas, il y a cette relation entre la perte et l’absence de sa femme et toujours une histoire d’amour un peu noire. Je vois ces grands fous à la fin comme des gens qui cherchent une forme d’amour extrême.
C.R : La valise qu’on ne doit jamais ouvrir, c’est un clin d’œil à ces valises de cinéma toujours un peu anecdotiques (le sac de Pulp Fiction…) ?
J-B.A : J’aime tenir en haleine avec le truc le plus sobre et j’aime en écriture la discipline que ça impose de dérouler très loin la pelote d’un petit truc très bête et comment ça fait appel à nos émotions. Si on nous dit : « ne regarde pas là dedans ! », le premier truc qu’on a envie de faire, c’est de regarder.
C.R : La volonté aussi de l’histoire, c’était de montrer que ça ne se passe pas qu’en France, vous le faites voyager beaucoup.
J-B.A : Oui, sans rentrer dans une notion de conspiration, on peut dire que ça peut se passer partout et d’ailleurs, si on veut réunir ne serait-ce que dix mec assez barrés, il faut aller à l’échelle mondiale sinon c’est impossible.
C.R : Comment avez-vous constitué votre casting ?
J-B.A : Il n’y avait aucune contrainte belge. J’avais écrit le rôle à l’origine pour un acteur de cinquante ans et j’avais vu Jérémie dans Cloclo et je l’ai trouvé tellement physique dans son jeu que je me suis dit : « c’est lui ». Dans une approche américaine, il s’est complètement approprié le rôle, transformé physiquement. Audrey, je l’ai rencontré à Marseille, elle était en tournage, je ne la connaissais pas très bien. J’avais besoin de quelqu’un qui puisse tenir tête à Jérémie, qui ait de la stature et non d’une petite midinette transparente. Quant à Bouli Lanners, je l’adorais comme acteur, je trouvais ça super de lui donner un rôle différent de ce qu’on lui donne habituellement. Et Mélusine, je l’ai castée simplement et je l’ai trouvé vraiment magnifique, très naturelle. Tout de suite, tout le casting s’est très bien entendu, il n’y avait plus qu’à filmer.
C.R : Quels sont vos futurs projets de film ?
J-B.A : Ca fait cinq ans que je bosse sur un truc très différent, un film familial pour enfant avec un animal sauvage. Ce n’est pas un film d’animation, ce sera un film réel, toujours dans l’univers du conte mais sans la noirceur. Après, je ne peux pas trop donner de précision pour le moment.
Interview realisé par Patrick Van Langhenhoven retranscrit et corrigé par Eve Brousse