Bruna, esthéticienne, peine à joindre les deux bouts. Trahie par son fiancé et harcelée par un fournisseur sans scrupules, un jour, elle recueille l’ultime confession d’une de ses clientes qui se trouve en prison. Cette dernière, mère d’un célèbre bandit, a caché des joyaux dans l’une des chaises de son salon. Mais son mobilier a été saisi et vendu aux enchères. Aidée par son voisin tatoueur et menacée par un drôle de curé mis lui aussi dans la confidence, elle se lance dans une chasse au trésor qui conduit le trio de Venise aux cimes immaculées des Dolomites.
Pour son dernier film, le Padouan Carlo Mazzacurati, disparu à l’âge de 57 ans en janvier 2014, nous a laissé un petit bijou de grâce et de drôlerie. Sa soeur, étudiante en littérature russe, lui avait fait un jour cadeau d’une nouvelle de deux auteurs soviétiques des années trente, Ilf et Petrov, dont Mel Brooks a tiré une adaptation cinématographique, Le mystère des douze chaises (1970).
Le cinéaste italien, bien que malade, décide à son tour de porter l’œuvre à l’écran, épaulé par ses fidèles complices, Giuseppe Battiston, Roberto Citran, Antonio Albanese, Silvio Orlando, Fabrizio Bentivoglio, Milena Vukotic et deux nouveaux venus, Isabella Ragonese et Valerio Mastandrea. Il en résulte une comédie rocambolesque, une fable un peu folle, placée sous le signe du hasard, où ironie et catastrophes cohabitent, selon les propres mots du réalisateur. C’est en effet accidentellement que Bruna et Dino, deux personnages en difficulté, se lancent dans une chasse au trésor qui devient aussi un road-movie à travers la Vénétie, afin de résoudre les problèmes - y compris sentimentaux - de leurs propres existences.
Mais le Veneto qu’ils parcourent, de Venise aux Dolomites en passant par le Lido de Jesolo, a bien changé et, suite à la crise, présente un nouveau paysage économique et anthropologique à l’intérieur duquel coexistent commerçants chinois, fleuristes indiens, peintres naïfs, faux mages et vrais escrocs. C’est cette région qui est la sienne que Carlo Mazzacurati observe avec tendresse et humanité, un microcosme fait de quelques gagnants et de beaucoup de perdants, un pays qui, à l’image du secret Valerio Mastrandrea et d’Isabella Ragonese, petite fée des Dolomites, a peut-être besoin qu’on lui raconte une jolie fable pour reprendre confiance en l’avenir.
Alain Claudot, Reims-Florence