Marianne a l’impression de vieillir plus vite quand elle s’endort à ses côtés. Victor se retrouve dans la chambre d’amis. Ce couple prometteur est à bout de souffle. Le temps ne semble pas arranger les choses, au contraire. C’est ainsi qu’il se retrouve à la porte, le cœur en berne. Un cadeau d’Antoine, un ami de son fils, bouleverse les lambeaux d’une vieille histoire d’amour. Antoine considère Victor comme son mentor et ne lésine pas sur la surprise. Il dirige une entreprise de voyageurs du temps. Elle vous propose de replonger à l’époque de votre choix, Moyen-Âge, Seconde Guerre mondiale, les mousquetaires du roi, etc. Victor s’accroche à cette idée de retourner dans le passé pour revivre, 40 ans plus tard, son grand amour. Cet amour si beau, si fort, dit la chanson qu’il nous imprègne l’âme à jamais. Il souhaite revivre cette semaine inoubliable quand Marianne est entrée dans sa vie. Dieu que Marianne était jolie ! Il se retrouve à squatter les années soixante-dix, revivant comme un jour sans fin cette promesse d’éternité à deux. L’expérience est tellement bluffante qu’il n’hésite pas à s’endetter, faire des compromis pour elle. Il existe juste un petit hic quand Victor s’éprend du modèle de Marianne.
Une fois de plus, Nicolas Bedos et Doria Tillier jouent avec le temps et plus particulièrement les années soixante-dix. Nous trouvons dans cette excellente comédie des constantes à vérifier sur les prochains films. C’est encore un couple en bout de course qui se retourne sur son passé pour renouer avec le présent. Le temps semble laminer les sentiments, effacer les souvenirs d’hier pour ne retenir que la difficulté d’aujourd’hui. C’est en revivant ces moments des premiers émois que l’on prend conscience de la valeur et de la force de ce que l’on a construit. Marianne voudrait bien changer pour des sensations nouvelles, rester désirable. Victor a bien du mal avec l’époque des portables et autres technologies. Comme pour Monsieur et Madame Adelman nous retrouvons la création, l’écriture en seconde lecture. Monsieur Adelman et son roman, il doit beaucoup à Madame.
Victor, dessinateur de BD, doit beaucoup à sa muse. La difficulté de créer, de ne pas sacrifier aux sirènes du succès et de l’argent. C’est la réalisation avec le personnage d’Antoine et sa société de voyageurs du temps. Il nous rappelle que le cinéma est parfois artisanal dans sa fabrication. Antoine aussi est un petit Pierrot amoureux d’une Colombine qui finit par comprendre combien elle lui manque. Cette valse des cœurs, toute en douceur et en tendresse, avec des femmes fortes, est l’âme du film. Chacune à sa façon ne se laisse pas faire ni emporter par « c’était mieux avant ». Elles n’ont pas besoin d’un retour en arrière pour accepter le présent. Chaque personnage à sa façon est une parcelle d’aujourd’hui. Guillaume Canet utilise hier pour s’enrichir. Son comportement excessif le coupe d’une belle histoire d’amour à sa porte. Victor, plus passif, se laisse porter par les souvenirs d’hier, refusant le présent. Au final, chacun accepte que le temps passe, que la mémoire sert à ne pas oublier la fougue amoureuse des premiers jours.
Fanny Ardant, plus cynique et mordante cherche ailleurs le temps perdu. Margot est bien la seule à rester ancrée dans son époque. Comédienne, elle incarne un personnage et nous ramène au métier d’acteur et à la construction d’un rôle. Le cinéma est omniprésent en toile de fond. Nicolas Bedos, pour son deuxième film, nous enchante avec un scénario touffu et des gueules comme dans les films de papa. On retiendra dans cette galerie secondaire Pierre, joué par Arditi. Il résume une autre interrogation du film : du mensonge ou de la réalité, lequel des deux finit par l’emporter ? Le titre, La belle époque, à l’image du récit, peut se lire de plusieurs façons, à vous de trouver la vôtre.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : La Belle Époque
Réalisateur et scénariste : Nicolas Bedos
Décors : Stéphane Rozenbaum
Costumes : Emmanuelle Youchnovski
Photographie : Nicolas Bolduc
Son : Rémi Daru
Montage : Anny Danché
Musique : Anne-Sophie Versnaeyen
Production : François Kraus et Denis Pineau-Valencienne
Sociétés de production : Les Films du kiosque ; Orange Studio, Pathé Films et France 2 Cinéma (coproductions)
Sociétés de distribution : Pathé Distribution (France) ; Alternative Films (Belgique)
Pays d’origine : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : comédie dramatique
Durée : 110 minutes
Dates de sortie : 20 mai 2019 (Festival de Cannes) ; 6 novembre 2019
Distribution
Daniel Auteuil : Victor
Guillaume Canet : Antoine
Doria Tillier : Margot
Fanny Ardant : Marianne
Pierre Arditi : Pierre
Denis Podalydès : François
Jeanne Arènes : Amélie
Michaël Cohen : Maxime
Bertrand Poncet : Adrien
Lizzie Brocheré : Gisèle
Thomas Scimeca : Freddy
Bruno Raffaelli : Maurice
Christiane Millet : Sylvie / Josiane
Tobias Licht (de) : Général allemand
Frédéric Sandeau : Jean-Claude
François Vincentelli : Lionel
Urbain Cancelier : Villemain
Claude Aufaure : Le père de Pierre
Élisabeth Vitali : La baronne
Éric Frey : Napoléon III
Pierre Forest : Le réceptionniste de l'hôtel
Emmanuel Ménard : le sosie d'Hitler