Monsieur s’éprend d’une jolie blonde pendant que Madame s’amuse à mettre en scène des pièces pour son cercle d’amis. Monsieur voudrait bien vendre le journal, héritage de Madame, pendant qu’elle soigne, en cette période de grippe espagnole, les nécessiteux. Madame est comme une âme morte que Monsieur délaisse pour d’autres fariboles. Il n’existe plus rien dans ce couple, que l’absence d’un homme pour courir la chimère. Madame croit encore en ce monde qui, au sortir de la guerre, change. Elle sait que les dernières monarchies s’écroulent comme des châteaux de cartes. Elle comprend que le temps des seigneurs et petits bourgeois, nouveaux maitres, tremble devant l’anarchie et les nouvelles idées envahissant le monde. Madame ne veut pas vendre son héritage, elle ne supporte plus ces tromperies remontant à si longtemps que le cœur ne s’en souvient plus. Elle rendra la monnaie de sa pièce à un époux oubliant les premiers jours de l’amour. Le monde change, mais le vieil ordre moral est encore tenace. Elle lutte contre un monde qui doit quitter les feux de camp matriarcaux pour un autre horizon. Elle dit non aux prisons morales, non à un fils qui abuse des bonnes et regarde leur âme mourir sans sourciller. Elle est déjà dans une autre époque face à ce vieux monde qui s’évanouit.
« Ce projet est né d’un désir : filmer une actrice. Les expressions d’une actrice. Le regard d’une actrice. Le visage, les mains, la peau d’une actrice. Le corps, surtout le corps d’une actrice. L’actrice Maria de Medeiros. » Mário Barroso
Le réalisateur s’inspire de la vraie vie de Maria Adélaïde Coelho da Cunha qui, à cinquante ans, s’enfuit avec son chauffeur de 22 ans. C’est une époque et un ordre moral en chute à l’aube de la lutte des classes. L’ordre moral nous parle d’un temps que certains voudraient voir de nouveau refleurir. C’est celui des imbéciles tout puissants qui pensaient que la ménopause conduisait à la folie, à l’époque où l’on enfermait sa femme pour voler son héritage dans les temples de la démence. Quand un prix Nobel, en 1949, Egas Moniz, à l’aube de la psychanalyse, militait pour la lobotomie. C’est grâce à Egas Moniz, Júlio de Matos, et Sobral Cid qu’elle est reconnue comme atteinte de folie lucide. L’ordre moral développe plusieurs sujets, hélas encore d’actualité pour certains, violence domestique, machisme, corruption, intimidation, liberté d’expression, liberté de la femme. La reconstitution met en lumière la différence de classe, la condition des domestiques et les mouvements anarchistes.
Nous la retrouvons aussi dans le souci du décor et des costumes qui nous plonge au cœur d’un monde ancien. Il aborde la lutte d’une femme pour sa liberté d’être et des choix de sa vie. Elle ne subit plus et décide de prendre son destin en main. En cela elle est en avance sur son temps et annonce déjà les mouvements féministes qui s’élèvent à la fin de la Première Guerre mondiale. L’ordre moral est bien plus qu’une lubie, une fuite amoureuse, il annonce déjà la liberté et l’égalité entre les sexes. Il apparaît très moderne dans son propos. C’est aussi un film sur le théâtre, passion de Maria qui, selon les historiens y excellait. Entre histoire et éveil des idées nouvelles, avec une interprétation remarquable de Maria de Medeiros, il nous rappelle combien le monde a progressé. Il nous conte aussi le chemin qu’il nous reste à faire.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Ordem Moral
Réalisation : Mário Barroso
Scénario : Carlos Saboga
Photographie : Mário Barroso
Montage : Paulo Milhomens
Musique : Mário Laginha
Son : Ricardo Leal et Pedro Góis
Décors : Paula Szabo
Costumes : Lucha D'Orey
Producteur : Paulo Branco
Producteur exécutif : Ana Pinhao Moura
Sociétés de production : Leopardo Filmes et APM Produçoes
Sociétés de distribution : Alfama Films
Pays d'origine : Portugal
Langue originale : portugais
Format : couleur
Genre : Drame historique
Durée : 101 minutes
Dates de sortie : 30 septembre 2020
Distribution
Maria de Medeiros : Maria Adelaide Coelho da Cunha
Marcello Urgeghe : Alfredo da Cunha
João Pedro Mamede : Manuel Claro
João Luís Arrais : José Eduardo
Albano Jerónimo : Cicero
Júlia Palha : Sophia de Azevedo
Ana Padrão : Berta de Morais
Vera Moura : Idalina
Isabel Ruth : Avó