« Il y a 1000 façons de pleurer. Je pleure avec dédain. » L’incomprise est cette fille portant sur elle le fardeau de l’enfance avec ses problèmes et ses craintes. L’apprentissage de la vie dans un contexte compliqué, se retrouvant confrontée au rejet parental et une solitude forcée. Cette incomprise peut ramener à la figure de la réalisatrice, Asia Argento dans ce film personnel où le placement d’éléments biographiques, au-delà des prénoms très proches, est clairement identifiable, elle, la fille de Dario Argento, réalisateur italien reconnu. Mais ce personnage d’incomprise est plus largement le symbole de l’enfant en général, se sentant forcément incompris du monde adulte, de ce monde qu’il voit comme injuste.
La réalisatrice italienne plonge dans l’enfance et la chaleur de l’Italie de façon dynamique et pourtant contemplative. Avec quelques fulgurances punks et sans véritablement insuffler de nouveautés, un panel de souvenirs se dessine tantôt teinté d’une joyeuse mélancolie, tantôt d’une triste jouissance.
Aria est au cœur de sa jeunesse, perdue entre enfance et adolescence, perdue entre un père absent semblant ignorer son existence et une mère privilégiant la recherche de nouveaux partenaires. Elle vagabonde dans un Rome à la splendeur évaporée. C’est une critique de ces artistes, de la vie excessive et inaboutie qu’ils mènent, alternant la procrastination et la décadence, à l’image cette société. La protagoniste est alors avec son chat façon Inside Llewyn Davis, bercée par l’envie de découvrir une stabilité et se raccrocher au moindre amour qu’elle rencontre, souvent balayé. Illustration de son père l’emmenant à ce concert en guest star avant de la chasser de chez lui.
Le refuge est l’amour imaginaire, la création d’un double avec Dac, son chat, qu’elle se prend à faire parler. Et il y a aussi l’amitié, très présente entrecoupée de la naïveté de l’enfance et des sentiments qui se font et se défont. Inséparable de sa meilleure amie, elle est à tour de rôle moquée ou admirée par les gens de sa classe. Oui, nous étions comme cela, et il y a forcément une part d’Aria en nous. La cruauté et la violence qu’on n’imagine pas chez ces petits êtres, sont par exemple représentées par ces poupées avec lesquelles la jeune Aria simule un viol. C’est la complexité de l’esprit enfantin.
Il y a un côté Antoine Doinel chez cette fillette. Brillante par son intelligence, même à l’école contrairement au personnage joué par Léaud dans Les 400 coups, livrée à elle-même à côté elle va apprendre de la vie, touchant à tout, de la cigarette dans les toilettes avec son double amical à ces bêtises qui font penser à cet enfant mémorable et l’apprentissage solitaire de la vie, portée par un côté rebelle.
Il y a un trop plein dans ce film. Les rôles antipathiques du père (Gabriel Garko) et de sa fille deviennent tout bonnement insupportables. Cet homme star de cinéma dans des navets, s’énervant constamment et superstitieux à souhait. Le personnage de Charlotte Gainsbourg respire aussi l’antipathie, métamorphosée en artiste sensuelle enchainant les conquêtes. Pour ce rôle, elle utilise la langue de Visconti et oublie son côté persécuté, avançant dans un intéressant registre où elle ne s’aventure que trop peu. Idée ingénieuse, étant elle-même fille de star. L’effet de ces rôles est d’accentuer le côté attachant d’Aria et de faire ressentir de la compassion pour elle, faible et désabusée. Le charisme et l’impressionnante maturité de Giulia Salerno, 13 ans, est le pilier permettant au film de rester à la surface quand l’impression de noyade et le côté brouillon semblent rôder.
Le film se décrit aisément comme punk, mais au-delà du jeu d’acteurs, la sensation d’excès est ressentie et la question de la vraisemblance se pose. Comme lorsqu’elle fume de l’herbe avec les punks à chien et se sent enfin estimée à une valeur qui lui semble juste. Il y a une rapidité assimilable à l’enfance, et ce goût de liberté de ton.
Cette liberté participe à l’ambiance chaude de ce film. Une palette de couleurs chaleureuses, jouant sur la symbolique, comme lorsqu’elle lit son discours après avoir gagné la meilleure dissertation ou ce rouge rappelant le sang à la fin. La musique a un rôle similaire, comme la beauté de cette Italie.
La fin est touchante, sincère avec ce face-caméra après un rêve laissant présager le pire. Mais encore une fois, reste ce sentiment entremêlant une fragilité et un manque d’originalité dans la thèse de la réalisatrice à une dose de charme et de sincérité.
Clément SIMON
Aucun
Fiche technique
Scénario
Scénariste Asia Argento
Scénariste Barbara Alberti
Soundtrack
Compositeur Brian Molko
Compositeur Asia Argento
Compositeur James Marlon Magas
Compositeur Gilles Weinzaepflen
Compositeur Justin Pearson
Compositeur Luke Henshaw
Compositeur Gabriel Serbian
Production
Producteur Lorenzo Mieli
Producteur Mario Gianani
Producteur Eric Heumann
Producteur Maurice Kantor
Producteur exécutif Guido De Laurentiis
Equipe technique
Directeur de la photographie Nicola Pecorini
Monteur Filippo Barbieri
Décoratrice Eugenia F. di Napoli
1er assistant réalisateur Simonetta Valentini
Costumière Nicoletta Ercole
Ingénieur du son Tullio Morganti
Coproduction Wildside Media
Coproduction Paradis Films
Coproduction Orange Studio
Coproduction Rai Cinema
Distributeur France (Sortie en salle) Paradis Films
Distribution
Charlotte Gainsbourg : la mère
Gabriel Garko : le père
Gianmarco Tognazzi : Dodo
Giulia Salerno : Aria
Anna Lou Castoldi : Donatina
Max Gazzè : Manuel Ginori
Alice Pea : Angelica
Carolina Poccioni : Lucrezia
The Penelopes : The Penelopes (groupe musical)