Après trois ans de vie commune, Marianne annonce à Abel qu’elle est enceinte… mais pas de lui. Elle envisage d’épouser le père, Paul, et lui demande donc de quitter les lieux. Rien ne presse, il a … dix jours.
Seulement, Paul meurt. Et les retrouvailles de Marianne et Abel ont lieu au cimetière, le jour de l’enterrement. Le petit Joseph a bien grandi, il a 10 ans. La sœur de Paul aussi. Elle est devenue une femme désirable qui est folle amoureuse d’Abel depuis toujours. Comment les liens vont-ils se nouer, se défaire ou se retisser ?
Louis Garrel prend plaisir, durant l’heure et quart de ce marivaudage, à balader le spectateur et lui donner complètement autre chose que ce qu’il attend. Faussement prévisible, L’homme fidèle s’applique à déconcerter. L’ouverture sur fond de Tour Eiffel évoque le cinéma germanopratin, spécificité française typique de la lignée dont est issu Louis Garrel. Mais en deux tours de manivelle, il bouscule les enjeux. L’homme fidèle, Abel, se retrouve sur le trottoir avec ses valises. Et à peine se demande-t-on ce qui va lui arriver qu’on est propulsé sur fond de funérailles dix ans plus tard. Et là, l’histoire semble recommencer. Mais se dessine un autre triangle amoureux.
Louis Garrel joue sur le décalage entre la forme et le fond. Les ruptures se font en sourdine, les rivalités sont ouvertes mais deviennent une guerre au sens stratégique. Objet du désir de Marianne et Eve, Abel se laisse finalement balloter d’un foyer à l’autre, obéit en quelque sorte aux prescriptions de ses compagnes. Souvent le sourire apparait dans les scènes dramatiques, et on ne peut retenir un petit pincement au cœur dans les instants qui se voudraient de pur bonheur.
Laetitia Casta est à l’aise dans le rôle de la femme mûre, accomplie, qui mesure ce qu’elle a à perdre. Lily-Rose Depp incarne bien la jeune fille en fleur à l’appétit amoureux débordant. Mais celui qui fait bouger les lignes, c’est surtout Joseph, le fils de Paul et Marianne. Avec son visage d’ange pervers au regard liquide, il prend un malin plaisir à manipuler les adultes (qui ne le sont d’ailleurs pas tant que ça). Il illustre parfaitement le fait qu’un enfant bien dirigé peut être un acteur talentueux et pas un produit de spot publicitaire (« Papa c’est quoi cette bouteille de lait ? » de sinistre mémoire)
Le dispositif de L’homme fidèle s’appuie sur les différentes voix off des personnages qui rythment l’intrigue et donnent le point de vue de chacun d’eux. Les ellipses et la gestion surprenante de l’espace-temps contribuent à rendre ce récit inédit quand tout laissait à penser qu’il s’agirait d’un film parisien de plus. Le mélange des genres rend L’homme fidèle piquant, voire un petit peu irritant mais toujours intrigant. Signalons que Louis Garrel a co-écrit le scénario avec Jean-Claude Carrière, pas exactement un débutant si l’on ose se permettre.
Françoise Poul
Bonus:
Entretien avec le réalisateur Louis Garrel
Titre original : L'Homme fidèle
Titre international : A Faithful Man
Réalisation : Louis Garrel
Scénario : Jean-Claude Carrière et Louis Garrel
Photographie : Irina Lubtchansky
Montage : Joëlle Hache
Décors : Jean Rabasse
Photographe de plateau : Shanna Besson (en)
Production : Pascal Caucheteux
Société de production : Why Not Productions
Société de distribution France : Wild Bunch Distribution
Pays d'origine : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : fiction, comédie, romance
Durée : 75 minutes
Date de sortie : 26 décembre 2018
Distribution
Louis Garrel : Abel
Laetitia Casta : Marianne
Lily-Rose Depp : Ève
Joseph Engel : Joseph
Bakary Sangaré : Patron du restaurant
Vladislav Galard : Docteur Pivoine