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affiche L'Homme du peuple

L'Homme du peuple

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Un film de Andrzej Wajda,
Avec Robert Wieckiewicz, Agnieszka Grochowska, Iwona Bielska,

Genre : Biographique
Durée : 2h08
Pologne

En Bref

Comment un ouvrier peut-il devenir président de la République de Pologne ? « Quel homme est-ce ? » demande la journaliste italienne venue l’interviewer. Un destin incroyable pour cet homme du peuple, « homme d’espoir » dans le titre polonais. C’était un autre temps, pourtant si proche. Cet homme a redonné l’espoir à tout un pays en incarnant la force d’un leader, dès les grèves de 1970 : c’est Lech Walesa, figure historique des ouvriers.

Dans un souci de mémoire et à presque 88 ans, le réalisateur polonais Andrzej Wajda, considéré comme l’un ou le meilleur réalisateur polonais contemporain, offre sa la dernière œuvre d’une trilogie. Cela après L’Homme de marbre (1977) et L’Homme de fer (1981), portraits de la société et comme des premières pierres à cet édifice. Le premier conte l’histoire d’un maçon stakhanoviste interviewé par une journaliste. Quand le second narre la trajectoire d’un jeune homme pendant les grèves des chantiers navals de Gdansk au début des années 80, qui aboutiront à la création de Solidarnosc. Solidarnosc, ce syndicat dont le leader fut Walesa.


Wajda disait vouloir ne pas oublier ces évènements et instruire cette nouvelle génération qui n’a pas connu cela et ne se sent liée à cela que par ses parents à cette histoire. Un devoir de mémoire donc, une obligation de se souvenir pour construire l’avenir sereinement. Comme un flambeau qu’il passe à l’aube de son retrait cinématographique, c’était son devoir générationnel, mais aussi d’ami.

Le réalisateur et cet ouvrier devenu politicien se fréquentaient, étaient amis. Et logiquement on le ressent dans le film. Le sentiment d’une véritable sincérité se dégage. On voit la trajectoire de cet homme qui se bat, sans arrière-pensée ou envie d’accéder au pouvoir. S’il y arrive c’est que les Polonais en auront besoin, qu’il réussira à les rassembler derrière son emblématique moustache. Il y a chez Walesa de la modestie, de la simplicité et pourtant un charisme et une générosité inépuisables. Wajda dépeint la figure d’un héros national qui a su donner de sa personne pour construire la Pologne de demain et sa psychologie dans son ascension humble. A chaque fois qu’il descendait dans la rue pour suivre ses hommes dans leur combat national, il laissait sur la table son alliance et sa montre, pour que sa femme les vende s’il ne revenait pas. Plus qu’une anecdote, un symbole de son caractère mais aussi du climat de son pays à cette époque.

Et dans cette sincérité et son étroite relation avec le personnage, ressort une place importante de sa femme, Danuta, à ses soins comme un pilier dans sa vie. Elle tente tant bien que mal de gérer la popularité soudaine de son mari, avec plus ou moins de réussite et cette scène drôle où il écrit qu’il y a une épidémie de typhus après une dispute. Pendant l’arrestation de Lech, en pleurs, elle conserve son honneur et répète « Je n’ai pas du tout peur », moment touchant et tendre de ce couple, qui aurait pu être leur dernier. La religion dans cette famille a un rôle primordial, comme dans ce pays, illustré avec la perquisition devant le discours du pape assez burlesque. Ce sont ces anecdotes et cette intimité semblant vraies qui donnent ce côté sincère à l’œuvre.

La forme du film autobiographique est toujours compliquée, il faut retracer l’histoire avec un maximum d’exactitude tout en couplant à cela sa liberté créative. Le point d’ancrage est la venue d’Oriana Fallaci chez lui pour l’interviewer. Cette journaliste italienne très célèbre va,  par ses questions, rappeler les souvenirs chez Walesa. C’est une construction en flashbacks, puis le film continuera au-delà de l’interview, qui a lieu à un moment clé, avant qu’il devienne président.

Les images en couleur alternent avec des images en noir et plan. Et le réalisateur a l’intelligence et l’audace de rejouer quelques-unes de ces scènes pour les intégrer aux images de documentaire. Esthétiquement réussi, on voit une image d’archives des grèves  suivie avec fluidité et sans encombre par une image de l’acteur interprétant Walesa au milieu de ces grèves.

Mais finalement, le côté historique et intime de Walesa est ce qui est le plus intéressant. Car ce biopic est tout ce qu’il y a de plus classique et ne détonne pas d’un trait, ne surprend en aucun point. Bien qu’il ait eu une volonté de parler à son peuple et aux jeunes, Wajda réalise une œuvre très académique, pas à la mesure de cette folle trajectoire et de ce personnage majeur. Pourtant le réalisateur met dans son film l’amour de son pays, du personnage et la sagesse de l’âge, cela ne suffit pas à le rendre grand.

La plongée dans cette chute de l’URSS est quand même intéressante. La répression est totale dans ce régime lorgnant vers la dictature. Si l’on ne voit l’Etat que  sous la représentation de ses chars dans le début du film, les scènes d’interrogatoires sont symboliques. La première pour Lech, le jour de l’accouchement de sa femme, est très musclée. C’est le bal des torturés avec des tapis de sang comme piste de danse. Le jeune leader signe un papier de collaboration sous la pression et l’envie de rejoindre sa femme. La seconde fois, tout cela est fini. Walesa a pris du poids dans le paysage politique et syndical, il répond, s’exclame et s’oppose. Ces scènes se renvoient en miroir. Le peuple est derrière lui et à ce moment précis on sent que le pouvoir a changé de camp. Cela suit l’escapade. Walesa, prisonnier politique de son propre pays, où les moyens de propagande seront poussés à leur paroxysme.

Le côté immersion est renforcé avec la bande-son, aux paroles engagées et avec du sens. L’idée est bonne au-delà du rendu musical et grâce à une interprétation surprenante de Robert Wieckiewicz, tenant avec entrain et charisme ce rôle difficile.

Pas de rôle pour les dernières images, le vrai Walesa apparait dans des images d’archives, devant le Congrès américain conquis. Le pari de de l’ancien électricien polonais est réussi. Cela valait bien un bel hommage d’un grand cinéaste de son pays.

Clément SIMON

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Polonais Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français
Edition : Condor Entertainment

Bonus

Interview exclusive de Lech Walesa (juin 2014)

 Titre : L'Homme du Peuple
   Titre original : Wałęsa. Człowiek z nadziei
   Titre international : Walesa. Man of Hope
   Producteur : Michał Kwieciński
   Photographie : Paweł Edelman
   Montage : Milenia Fiedler
   Son : Jacek Hamela

Distribution

   Robert Więckiewicz : Lech Wałęsa
   Agnieszka Grochowska : Danuta Wałęsa
   Maria Rosaria Omaggio : Oriana Fallaci
   Iwona Bielska : Ilona, voisine des Wałesa
   Marcin Hycnar : Rysiek
   Cezary Kosiński  : Majchrzak
   Zbigniew Zamachowski : Nawiślak, officier SB
   Mirosław Baka : directeur
   Michał Czernecki : vice-directeur
   Piotr Probosz : Czesław Mijak