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affiche L'Enlèvement

L'Enlèvement

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Un film de Marco Bellocchio,
Avec Enea Sala, Leonardo Maltese, Paolo Pierobon,

Genre : Historique
Durée : 2h15
Italie

En Bref

« J’ai vu une maman éperdue de douleur, le visage ruisselant de larmes » Extrait du témoignage d’un voisin.

Nous sommes en 1858 au cœur du quartier juif de Bologne. C'est ici que vivent les Mortara, une famille paisible. Une nuit pas comme les autres, les soldats du Pape enlèvent le petit Edgardo, réfugié dans les jupes de sa mère. Une bonne pour le sauver de la damnation, à l'approche de la mort, tout bébé, a eu la mauvaise idée de le faire baptiser. L'église est formelle et intraitable. La loi du Pape représentant de Dieu sur terre passe avant le temporel. Le baptême impose une éducation chrétienne à ces enfants devenus fils de l'église. La famille Mortara entame un long périple judiciaire, implorant la loi des hommes. Le combat prend des proportions internationales, toutes les cours d'Europe prennent parti, y compris la Fille ainée de l'église. Pendant toutes ces années, le petit Edgardo, comme d'autres enfants, grandit au sein des institutions papales. Effrayé par ce Christ en croix, le jeune homme finit par embrasser la prêtrise. Cette vocation l'éloigne du judaïsme, la foi de ses parents et de ses ancêtres. Il faudra attendre l'avènement de la République et une église qui vacille pour qu'Edgardo puisse choisir son chemin.


Le film est à l'image de l'œuvre de Marco Bellocchio, mêlant l'intime et les pages obscures de l'histoire de l'Italie que l'on trouve dans sa filmographie comme le Traitre ou pour l'intime Les yeux et la bouche. Il construit une tragédie sombre et baroque sur un évènement qui fit grand bruit à l'époque. On découvre qu'Edgardo n'est pas le seul enfant juif kidnappé par l'Eglise au nom du baptême. C'est une histoire intime au cœur de la grande histoire, entre une église vacillante et la montée des républicains sur toile de fond internationale. C'est une famille meurtrie par l'enlèvement de l'un des siens face à la loi de Dieu. Une lumière froide entre dans les lieux saints où le jeune Edgardo se transforme pour devenir un prêtre. C'est une stratégie pour maintenir la force de l'Eglise dans des temps incertains. Pie IX n'ignore pas que le trône du représentant de Dieu est menacé à l'heure de la montée de l'anarchie, des nouvelles idées et des républicains dans toute l'Europe. Le dogme est plus grand que l'homme et le Pape, représentant de Dieu sur terre, ne peut faiblir.


C'est la règle du « non possumus » implacable, « nous ne pouvons pas ». Peu à peu, nous voyons la transformation d'un enfant qui finira par refuser de revenir au sein de sa famille. Le foyer des Mortara s'inspire des peintres du XVIIe siècle dans la représentation de l'intime, souvent le monde paysan. Les séquences se parent parfois d'onirisme, des caricatures s'animent, des Christ pleurent, chant baroque de la fin d'une société trop accrochée à ses valeurs. Dans son ensemble, le film prend les mêmes couleurs, éclairage à la bougie, jeux de lumière entre ombre, flamme et devenant plus clair dans ses représentations inspirées de la Bible. Marco Bellocchio touche à l'essentiel quand il scrute le cœur des hommes et cette blessure profonde que provoque l'enlèvement d’un enfant à sa mère. On pourrait la comparer au Christ et son sacrifice sur la croix. Il oppose le Christ mort sur la croix, qui effraie le petit, aux bougies du Sabbat. Ce sont deux religions meurtries. Bellochio filme sans jamais prendre parti, laissant le spectateur juge et témoin.


C'est la douleur d'une mère et d'un fils qui finira par renier ses origines. C'est une question profonde déjà présente dans Le traitre, le renoncement à son clan, la trahison. Dans ses mémoires, Edgardo dira « Que reste-t-il de tout cela ? Seulement l'héroïque « non possumus » du grand Pape de l'Immaculée Conception ». Nous sommes bien dans le cœur de la tragédie antique et de ses thématiques profondes, des origines à la trahison ensanglantant le monde. L'enlèvement n'est pas un film anticlérical. C'est la rigidité du dogme et de toutes les religions qui intéresse le réalisateur. C'est l'innocence face à un monde perverti. Marco Bellocchio nous dit « Dans un monde en grande difficulté, toute l’humanité devrait chercher à dialoguer au lieu de se faire la guerre. » Il nous prouve une fois de plus, avec cette fresque, qu'il est l'un des grands réalisateurs du cinéma mondial.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :


Titre français : L'Enlèvement
    Titre original italien : Rapito ou La conversione
    Réalisation : Marco Bellocchio
    Scénario : Marco Bellocchio et Susanna Nicchiarelli
    Musique : Fabio Massimo Capogrosso (it)
    Photographie : Francesco Di Giacomo (it)
    Sociétés de production : IBC Movie, Kavac Film, Rai Cinema, Ad Vitam Production, The Match Factory
    Pays de production : Drapeau de l'Italie Italie, Drapeau de la France France, Drapeau de l'Allemagne Allemagne
    Genre : drame historique
    Durée : 125 minutes
    Date de sortie : 23 mai 2023 (festival de Cannes), 1er novembre 2023

Distribution

    Paolo Pierobon (it) : Pie IX
    Fausto Russo Alesi : Momolo Mortara
    Barbara Ronchi : Marianna Padovani
    Enea Sala : Edgardo Mortara enfant
    Leonardo Maltese (de) : Edgardo Mortara enfant
    Andrea Gherpelli (it) :
    Samuele Teneggi :
    Corrado Invernizzi (it) :
    Filippo Timi : Cardinal Giacomo Antonelli
    Fabrizio Gifuni :
    Aurora Camatti :
    Paolo Calabresi :
    Bruno Cariello :
    Renato Sarti (it) :
    Fabrizio Contri (it) :
    Federica Fracassi (it) :
    Giustiniano Alpi (it) :

    Alessandro Fiorucci : Padre Domenicano