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affiche  L'astragale

L'astragale

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Un film de Brigitte Sy ,
Avec Leïla Bekhti, Reda Kateb, Esther Garrel,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h37
France

En Bref

Albertine se retrouve en prison après le braquage d’une petite boutique de vêtements avec sa copine.  C’est ainsi qu’elle signe à seize piges son entrée dans la vie active. Elle se retrouve en taule pour quelques années à méditer son mauvais coup. Elle décide de faire le mur, non pas pour une virée d’un soir, mais pour une escapade sans retour. Petite fée des moins que rien, des miséreux qui n’ont pas de chance, le destin joue la belle et place sur sa route un malfrat de province, Julien. I

l n’y a ni citrouille, ni palais, mais ces deux-là comprennent vite que leurs vies se lient à jamais. Il la planque chez une copine et retourne faire ses coups du sort pour tirer un peu de flouze et surfer sur l’existence avant que la scoumoune ne le rattrape. Albertine attend, patiente comme Pénélope, elle sait que son Ulysse reviendra à Ithaque. Pour elle, roule la roue de la fuite en avant, des planques et du seul boulot pour survivre quand on est belle. Elle arpente le bitume, joue les amazones pour deux francs six sous. C’est comme une ritournelle de la môme Piaf, mais en vrai. Dans le Paris des années soixante, elle trace la ligne de fond de clients fidèles, petit messieurs amoureux en secret de la donzelle, milords de passage, son corps résiste.

Il existe dans les bras, dans la voix, dans le regard de Julien. À la fin, lasse d’attendre, elle se jette à la mer à travers les mots du cœur, car Albertine a la plume facile. Elle vole, s’élance, chope les mots à l’âme et crie son amour en silence, en douceur, mais avec ferveur. « Sur la longue route qui menait vers vous, j´allais le cœur fou. Qu´importe ce qu´on peut en dire, je suis venue pour vous dire, ma plus belle histoire d´amour, c´est vous... » C’est ici que s’achève la longue quête, le prélude d’une vie extraordinaire et que commence la belle romance de deux cœurs amoureux.


En son temps, Albertine Sarazin et sa folle histoire d’amour marquent toute une génération et annoncent la libération de 68, la fin d’un temps où les voyous avaient de l’honneur et du cœur. C’est quelques années après la guerre de 1957 à 1958, un an d’une cavale qui s’achève par un retour en prison et l’amour pour l’éternité. L’époque est ultra conservatrice, c’est la fin des maisons closes suite à la veuve qui clôt, la prostitution devient libre, sont interdites son organisation et son exploitation. En 1962 sort La Métamorphose des cloportes d’Alphonse Boudard et en 1965 L’astragale nom de l’os qu’elle se casse en sautant le mur et qui la fera boiter à vie. C’est cette atmosphère que retrouve le film avec sa voix off qui marque chaque passage important, chaque borne de cette longue quête.

C’est cet univers de l’époque que le noir et blanc retranscrit en jouant à la fois sur le cinéma de l’époque, mais aussi sur l’idée d’un univers manichéen. Brigitte Sy démontre qu’il n’en est rien, en jouant sur les nuances de gris et la lumière des réverbères où s’appuient les dames de petite vertu. C’est le sens de l’honneur de la parole donnée, de l’entraide du milieu où la mauvaise fille bénéficie de complicité pour échapper aux perdreaux (flics en argot). C’est une romance. La réalisatrice joue ainsi des attentes, rideau flottant et visage d’Albertine à la fenêtre, ombre des sous-bois où la rencontre avec le loup devient conte de fées. La ville macadam où tape le talon de la fille de joie, l’attente s’égare, mais ne s’étiole jamais, la certitude des retrouvailles éclaire le bout de la route. Elle exprime le détail, chambre de bonnes, hôtels de passe, planques où elle demeure tapie dans l’ombre comptant les jours d’impatience.

Le temps s’étire, joue la montre, traine, batifole, vagabonde avec dans l’air, la ritournelle des incertitudes. Ombres et lumière dansent sur les murs, sur les cœurs s’amusent de la démesure des cœurs, de leurs battements de tambour fou et de leurs silences. La caméra saisit les visages, le noir et blanc leur donne tout le relief, la géographie des contours, le plissement d’un sourire, d’un mot d’amour. On penserait qu’en concentrant le récit sur une année, le film finirait par jouer la redite. Il n’en est rien, c’est bien ce temps qui devient éternité quand l’attente pèse, quand la fugue force au silence, à l’absence. Parler, se dévoiler c’est le retour aux barreaux de fer.

La dernière scène marque la fin de ce temps pesant pour éclater, éclabousser le ciel, et comme au début du cercle, pile ou face, du bonheur et du malheur, d’être aimée en retour et de se retrouver en prison, tenant enfin son Graal. La première mouture avec Marlène Jobert suivait le roman mot à mot. Leïla Bekhti et Reda Kateb composent un couple inoubliable, en se mettant en danger, en choisissant un exercice pas facile ils rejoignent les grands acteurs à suivre. Elle, tout en délicatesse, fantôme, nuage qui passe et finit par s’accrocher à sa montagne, lui en voyou, refusant de s’accrocher, de s’attacher, faisant l’ignorant et finissant par tomber sous la fougue de l’amour partagé.

La ressemblance avec les vrais Julien et Albertine, voir la photo du générique de fin, est frappante. Plus qu’une histoire de malandrins, c’est un de ces romans d’amour comme Roméo et Juliette, Tristan et Yseult. Brigitte Sy évite de rendre glamour leur romance. Inspirée par son sujet, elle ne tombe dans aucune des surenchères, touche avec justesse à l’esprit de l’époque et au roman d’Albertine Sarrazin, à voir absolument.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support : n/a
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Titre : L'Astragale

    Réalisation : Brigitte Sy

    Scénario : Serge Le Péron et Brigitte Sy, d'après Albertine Sarrazin

    Photographie : Frédéric Serve

    Montage : Julie Dupré

    Costumes : Françoise Arnaud

    Décors : Françoise Arnaud

    Producteur : Paulo Branco

    Production : Alfama Films et France 3 Cinéma

    Distribution : Alfama Films

    Pays d’origine : France

    Genre : Drame

    Durée : 96 minutes

Distribution

    Leïla Bekhti : Albertine Damien

    Reda Kateb : Julien

    Esther Garrel : Marie

    India Hair : Suzy

    Jean-Benoît Ugeux : Marcel

    Jocelyne Desverchère : Nini

    Louis Garrel : Jacky

    Jean-Charles Dumay : Roger

    Delphine Chuillot : Catherine

    Brigitte Sy : Rita

    Yann Gael : Étienne le danseur dans la boîte de nuit

    Guillaume Briat : le patron du café Pigalle

    Christian Bouillette : la voix off du juge

    Béatrice de Staël : une prostituée au commissariat

    François Négret : un homme