Billi se souvient encore de Nai Nai, sa grand-mère restée en Chine dans la ville de Changchun. Malgré son exil aux Etats-Unis, cette Américaine d’origine chinoise n’a rien oublié de la vieille femme connue toute petite. La famille invente un faux mariage pour rendre une dernière visite à la grand-mère. En effet, il ne lui reste plus longtemps pour profiter de la vie, le crabe dévore ses poumons de l’intérieur. C’est peut-être un ultime au revoir pour ses deux fils et la famille en général. Il ne faut rien dire et profiter des derniers instants de bonheur avant celui des larmes. C’est ainsi qu’ils se retrouvent tous à Changchun pour des retrouvailles émouvantes. Billi devait demeurer aux États-Unis. Elle est trop émotive, un visage trop lisible pour ne pas trahir le secret. Elle décide malgré tout d’emboiter le pas à tout ce petit monde et débarque à la surprise de ses parents. Comment ne pas trahir la douleur profonde de perdre ceux que nous aimons à tout jamais. Le destin est un petit dieu farceur et pourrait bien s’amuser du temps qui reste. En attendant, il faut sourire, rire et chanter face au bonheur qui s’étiole.
Lulu Wang, réalisatrice américaine d’origine chinoise, s’appuie sur sa propre histoire pour son premier film salué par la critique. Elle aborde, dans une première thématique, la difficulté de l’adieu. Profitons du temps qui reste avant que la mort ne nous enlève nos êtres aimés. Elle s’appuie sur une tradition du silence et du mensonge face à une maladie souvent incurable. L’adieu nous rappelle l’importance de l’instant présent chaque jour, avec ou sans maladie. Les aujourd’hui ne reviendront plus qu’affichés dans nos souvenirs. Les lendemains restent à construire. La famille se trouve confrontée à cet instant délicat en masquant sa peine profonde. Chacun à sa façon affronte cette épreuve marquant une vie toute entière. Les larmes du mariage passent pour celle du bonheur pour Nai Nai. Elle ne sait pas, ne veut pas le montrer. Est-ce qu’elle comprend bien plus que l’on en dit ? Il faudra lire entre les lignes, les gestes, pour deviner si elle se joue un autre registre des sentiments et du mensonge.
L’adieu explore sa thématique sous tous les angles, profitant de la tradition pour bâtir son discours. Un autre sujet apparaît, celui lié à l’exil et à la terre des origines. La famille de Billi est devenue américaine et malgré la participation de la grand-mère à la révolution culturelle, a du fuir le pays pour une vie meilleure ailleurs. La Chine d’hier s’efface pour laisser place aux buildings et à la modernité, nouvelle terre de l’Eden. Il n’est pas question de revenir pour les deux frères, l’un en Amérique, l’autre aux Japon. Leur vie est ailleurs mais leurs racines toujours profondes. Nous en revenons tous à la terre du premier cri, aux lieux de notre enfance qui nous ont vus nous épanouir et nous envoler. La mise en scène est plus proche du cinéma indépendant américain que chinois. Elle empreinte des chemins plus classiques avec quelques jeux de lumière et des cadres intéressants.
A New-York, l’éclairage s’appuie sur l’ombre et la lumière pour prendre des couleurs plus vives en Chine. Le décor prend toute son importance en racontant une autre histoire, celle d’une Chine en pleine évolution, encore marquée par son passé. Derrière L’adieu apparaît une autre réflexion abordée par d’autres films chinois comme Vivre et chanter, Séjour dans les monts Fuchun. Comment concilier tradition, passé et modernité, demain ? Il faut saluer la prestation des acteurs tout en délicatesse, et plus particulièrement celles d’Awkwafina, Billi, et de Shuzen Zhao, Nai Nai. Lulu Wang nous offre une belle page sur la famille à méditer en explorant un thème peu conventionnel, celui de l’adieu.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : L’Adieu
Titre original : The Farewell
Réalisateur Lulu Wang
Scénariste : Lulu Wang
Compositeur : Alex Weston
Productrice : Daniele Melia, Marc Turtletaub, Peter Saraf, Andrew Miano, Chris Weitz,
Jane Zheng, Lulu Wang, Anita Gou
Coproducteur : Dan Balgoyen, Joshua M. Cohen
Producteur délégué : Eddie Rubin
Directeur de la photographie : Anna Franquesa Solano
Chef monteur : Matt Friedman, Michael Taylor
Chef décorateur : Yong Ok Lee
Directrice du casting : Leslie Woo, Anne Kang
Directeur de production : Rob Cristiano
Chef costumier : Athena Wang
Ingénieur du son : Gene Park
Concepteur de production : Yong Ok Lee
Attachée de presse : Matilde Incerti
Sociétés Production : Big Beach Films, Depth of Field, Kindred Spirit, Seesaw Productions
Distributeur France SND
Sortie en salle : 8 janvier 2020
Distribution
Awkwafina : Billi Wang (比莉)
Tzi Ma : Haiyan Wang (王海燕), le père de Billi
Diana Lin : Lu Jian (建), la mère de Billi
Zhao Shuzhen : Nai Nai, la grand-mère paternelle de Billi
Lu Hong : Little Nai Nai, la plus jeune sœur de la grand-mère de Billi
Jiang Yongbo : Haibin (海滨), frère aîné de Haiyan
Chen Han : Hao Hao, le fils de Haibin
Aoi Mizuhara : Aiko (子), la petite amie de Hao Hao
Zhang Jing : Yuping, le cousin de Haiyan
Li Xiang : tante Ling, la femme de Haibin
Yang Xuejian : M. Li
Jim Liu : Dr Song