A la fin de la première guerre mondiale, le jeune soldat Ernest Burkhart rejoint son oncle, William Hale et son frère Bryan en territoire osage à Fairfax en Oklahoma. Garçon un peu naïf, il laisse William Hale décider en grande partie de son destin. C'est ainsi que le vieil homme lui suggère d'épouser sa cliente, Molly, une femme osage qu'il promène dans son taxi. Ernest est sans doute amoureux de celle-ci qui le fascine. Il ignore que son oncle a un autre plan en tête. Les Osages, repoussés sur des terres sans intérêt de l'Oklahoma, ont eu la bonne idée d'acheter celles-ci et de réclamer un droit inaliénable sur le sous-sol. La découverte de l'or noir fait d'eux les plus riches au monde. La seule façon de récupérer la manne reste l'héritage. C'est ainsi que de nombreux Blancs et Blanches épousent des Amérindiens. Il reste un long chemin de meurtre pour arriver à toucher le pactole. William Hale, ami des Osages, personnages sympathiques, a tout son temps pour mettre en place son plan diabolique. Les sœurs et la mère de Molly meurent de façon bizarre. La réserve voit s’abattre une épidémie de meurtres qui ne sont pas dus au hasard. Le gouvernement finit par déléguer le Bureau of Investigation créé par Charles J. Bonaparte. Il deviendra sous Hoover le FBI. L'étau se resserre sur William Hale qui apparaît sous son vrai visage.
Nous commencerons par un peu d'histoire. Les Osages appartiennent à la grande nation des Sioux. Ils se nomment « Enfants de l'Eau du Milieu ». Lors de la grande migration, ils se retrouvent au bord du Missouri, horticulteurs, cultivateurs, à l'inverse des autres tribus des grandes plaines. Ils fréquentent assez rapidement l'homme blanc. Certains serviront d'éclaireurs à Custer. Ils finiront par partir de leur réserve de l'Arkansas sous la poussée des colons pour arriver en Oklahoma. Le destin leur jouera un de ses tours dont il a le secret en faisant de cette terre un champ pétrolifère. C'est ainsi les Osages seront les plus riches au monde. Ils abandonneront le cheval pour la voiture et oublieront leur culture ancestrale. Killers of the Flower Moon emprunte son nom au champ de fleurs du mois de mai que les Osages appellent « Le Temps de la Lune Tueuse de Fleurs ». Martin Scorsese s'empare de ce que l'on a appelé le « règne de la terreur » pour tracer un portrait d'une Amérique blanche marquée par la culpabilité et la violence.
C'est aussi la confrontation entre deux mondes, celui de l'homme blanc et celui des Amérindiens. C'est la nature et l'harmonie face à la cupidité et la rapacité des Blancs avides d'argent. Le film forme un cercle, avec la première séquence, cérémonies osages marquant la fin d'un temps et des traditions et qui se boucle sur la fin par une image symbolique, un gros plan des tambours qui, peu à peu, s'élève vers le ciel pour dévoiler le cercle du pow-wow aujourd'hui. Ce qui fut perdu est enfin retrouvé mais le chemin aura été long et douloureux. Dans cette première séquence tout est dit de l'histoire des Amérindiens. Dans l'ensemble, la mise en scène est assez classique, ponctuée de quelques images symboliques pour une parabole contemporaine. Cette histoire fait écho à notre époque qui, de plus en plus, perd la tête !Scorcese choisit le western crépusculaire, la fin d'un monde, la confrontation de deux univers comme dans Gangs of New York, La Dernière Tentation du Christ, Kundun, Silence.
Le réalisateur, souvent urbain, saisit avec majesté les grands espaces de l'Oklahoma où dansent les Amérindiens, pendant que la mort rôde dans les villes. Chaque personnage est une figure de cette Amérique qu'il a longtemps arpentée dans ses films. Le soldat revenu de la guerre, le parrain des westerns grands éleveurs, loin de John Wayne, les flics et Molly coincée entre deux civilisations. C'est un beau portrait de l'Amérique des premiers peuples à travers les Indiens et l’histoire d'une sagesse perdue. Il renvoie l'image d'une Amérique noire et violente provoquée par l'homme blanc. C'est un point de vue dans la multitude des regards et questions que pose le film. Une fois de plus, Martin Scorsese nous livre une œuvre majeure à méditer.
Patrick Van Langhenhoven"Killers of the Flower Moon" est une oeuvre qui commence par un livre signé David Grann, et se poursuit sous la direction du grand Martin Scorsese sur grand écran. Le film nous plonge dansl'histoire peu connue des Osages au début du XXe siècle. Cette tribu, devenue incroyablement riche grâce à des réserves de pétrole sur ses terres, suscite la convoitise des Américains. Le film explore la manière dont les Osages se sont retrouvés encerclés et piégés pour servir les intérêts des États-Unis. Avec une durée de 3 heures et 26 minutes, le film est une épopée qui s'ouvre sur des imageshistoriques des Osages à l'aube de leur prospérité et se termine sur un pow-wow moderne. Cette structure circulaire permet de raconter cette histoire poignante de manière saisissante. Lily Gladstone, dans le rôle de Molly, livre une performance extraordinaire. Sa capacité à exprimer des émotions et des états d'âme par de simples regards ou gestes est l'essence même du jeud'acteur, et elle excelle dans ce domaine.
Le film, à la manière d'Il était une fois dans l'Ouest" ou "Il était une fois en Amérique," plonge les spectateurs au coeur de l'histoire tout en offrant différentes perspectives. On suit Molly, une Osage issue d'une famille fortunée, ainsi qu'un Américain revenu du front qui agit inconsciemment, voire naïvement, au profit d'un oncle américain obsédé par l'argent. Pendant plus de trois heures, le spectateur découvre les Osages, partage leur joie et leurs peines, mais surtout, apprend à les connaître en profondeur. "Killers of the Flower Moon" est un film qui éduque et émeut, tout en révélant une part essentielle de l'histoire américaine souvent passée sous silence. La réalisation de Scorsese, le jeu des acteurs, en particulier celui de Lily Gladstone, et la richesse de la narration font de ce film une expérience cinématographique mémorable, enrichissante et émotionnelle.
Aline Minchella
Martin Scorsese : Le producteur de l'émission True Crimes