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affiche Juste la Fin Du Monde

Juste la Fin Du Monde

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Un film de Xavier Dolan ,
Avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux ,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h35
Canada

En Bref

C’est juste un retour, un repas de famille pour saluer le fils prodigue écrivain, parti il y a si longtemps. Parti en coup de vent, laissant l’absence, le désarroi et le silence dans son sillage, comme un navire que l’on ne reverra pas. C’est le retour. Les années ne comptent plus, juste sa présence, ses mots oubliés et les souvenirs à jeter sur la table pour renouer le lien défait. Louis ignore quel accueil ils lui réservent, quelle parabole cachent leurs gestes, leur regard. On ne peut partir sans rien dire et revenir pour jeter le mot final, comme une parole qui clôt l’absence. Comment leur dire, leur avouer que demain, le temps ne comptera plus, ne décidera plus.

On pousse la porte, on entre en enfer, au paradis qu’importe. C’est un premier pas, un bonjour, un silence visant à rattraper l’échéance qui les a oubliés dans l’ombre des couchants. La sœur ouvre la parole, comble le silence, raconte le temps perdu à ne plus savoir que faire, que croire. La mère voudrait bien que les années ne sonnent pas, ne résonnent pas, oublier tous ces jours sans le fils. C’est comme s’il revenait d’une course, mais on ne raye pas du cœur le temps voleur. Comment leur dire, leur avouer que demain le temps ne comptera plus, ne décidera plus. C’est la tempête qui gronde et qui risque de tout emporter sur son passage et si c’était la fin du monde  ?


« Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu’ils veulent entendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l’exemple. »

On ne décide de rien, ni des jours, ni des nuits, ni des mots que l’on dit. Est-on maître de sa mort et par extension de sa vie ? Douze années se sont écoulées et Louis revient à la maison familiale, à la terre des origines. Il est parti sans rien dire comme un coup de vent fragile. Il ignore qu’il laisse tant de douleur derrière lui. C’est le bonheur des retrouvailles comme dans la chanson de Félix Leclerc, un autre Canadien. On se dit tout, on ne se dit rien, juste des mots pour combler toute cette absence qui vous désespère. Chacun a souffert de ce départ et ce retour qui devait ouvrir sur des années de bonheur, sur le pardon, finit par nous engloutir. Louis est venu annoncer sa mort prochaine, il repart sans rien dire et pourtant… C’est dans le silence, les gestes, les regards que réside la parole des non-dits. Il faut chercher derrière les mots qui s’élancent, dansent dans le reflet des yeux et se perdent. Chacun sait qu’ils cachent autre chose. Chacun réagit à sa façon au retour de ce frère qui n’était pas là. Il y a la trahison du départ et le bonheur du retour.

« Je te pense – tu m’imagines — je te réfléchis — tu me regardes – on se dira une autre vie. »

Car on s’aime, même si parfois on se déchire. C’est un cri, un requiem d’amour débordant de chaque plan, de chaque regard. C’est aussi un requiem sur le temps d’un instant que l’on voudrait éternel, car chacun connaît l’annonce de Louis. C’est un film magnifique où chaque plan, chaque mot devient une perle précieuse sur le thème de l’amour, la mort et le temps. La dernière scène est un bijou que l’on voudrait garder en son cœur pour toujours. Pour la ressortir comme d’autres moments fragiles, fugaces où la colère et l’amour débordent, explosent et composent la vie. C’est tout ce qui manque, qui n’a pas été ou pas pu être. Les deux frères sont à la fois si proches et si éloignés. Au final, un coucou, gardien du Styx et un oiseau qui vole et se cogne au mur, métaphore de Louis qui n’est jamais parti.

Il était toujours là, quelque part dans leurs cœurs, dans leurs voix, son odeur, ses riens, ses tout qui en disent si long en si peu. Il sera toujours là quand le temps aura volé le dernier souffle. C’est beau, c’est de la poésie de la vie, ce que l’on aimerait dire à ceux que l’on aime, et que l’on comprend quand il est trop tard. Comme cette scène où la sœur se démaquille en même temps qu’elle livre son âme à vif. Le jeu avec le flou qui en dit beaucoup sur les choses d’hier et d’aujourd’hui, à la fois comme ces souvenirs qui gardent une présence, que nous réinventons, mélangeant la réalité et nos impressions. La lumière et les plans se succèdent sans un faux pas, sans redondance, composant une symphonie à la vie. Xavier Dolan touche à l’ultime, saisit dans la pièce du poète Jean Luc Lagarce l’écho de ce qu’il nous avait dit avant et nous dira après.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 1.85, Format DVD-9,
Langues Audio : Français Dolby Digital 5.1
Sous-titres : français
Edition : TF1 vidéo

Bonus

Le discours de Xavier Dolan au Festival de Cannes 2017

  • Entretien avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux et Vincent Cassel

    •       Titre original : Juste la fin du monde

    •       Titre anglophone : It's Only the End of the World

    •       Réalisation : Xavier Dolan

    •       Scénario : Xavier Dolan, d'après la pièce Juste la fin du monde écrite par Jean-Luc Lagarce

    •       Direction artistique : Colombe Raby

    •       Photographie : André Turpin

    •       Montage : Xavier Dolan

    •       Musique : Gabriel Yared

    •       Production : Sylvain Corbeil, Xavier Dolan, Nancy Grant et Nathanaël Karmitz

    •       Sociétés de production : Sons of Manual ; MK2 (coproduction française)

    •       Société de distribution : Les Films Séville (Québec), Diaphana Films (France)

    •       Pays d'origine :  Canada et  France

    •       Langue originale : français

    •       Format : couleur

    •       Durée : 95 minutes

    •       Dates de sortie : 19 mai 2016 (Festival de Cannes) ; 21 septembre 2016 (nationale)

  Distribution

    •       Nathalie Baye : Martine

    •       Vincent Cassel : Antoine

    •       Marion Cotillard : Catherine

    •       Léa Seydoux : Suzanne

    •       Gaspard Ulliel : Louis