Hanna possède un cœur grand comme ça ! Elle ne sait pas dire non et c’est avec beaucoup d’amour et de sexe qu’elle console les pauvres types que son boulot de DRH l’oblige à foutre à la porte. Elle tient cette maladie - ou cette qualité c’est selon - de ses parents émigrés venus d’Algérie chercher le bonheur en France. Madame Belkacem, psy à domicile, soigne les petits bobos de l’âme des habitants sans le sou. Pour elle, c’est une vocation. Pas question de s’engraisser sur le dos des braves gens malheureux. Monsieur Belkacem est un épicier qui ne dit jamais non, contrairement à la poupée de la chanson. Dans sa petite boutique de quartier vous trouverez tout et s’il ne l’a pas, il fera des pieds et des mains pour vous le procurer.
Cela déborde même du cadre ! Un robinet qui fuit, un service, un rien, un tout, il est toujours présent pour ne pas vous décevoir. Tout le monde il est heureux, l’allégresse dégouline comme la confiture de la tartine ! Pour le fils, c’est même trop. Ce dernier revendique fortement ses racines dans un esprit religieux et communautaire poussé à l’extrême. Dans la petite famille au grand cœur, personne ne lui en veut, mais on aimerait bien un peu plus de fleur bleue et moins de suppliques. Ce petit se trouve bousculé par deux événements importants. Hanna croise la route de Paul, un toubib qui en pince pour la belle. Il accepte même qu’elle soit la Maman et la Putain ! Hakim, le frère d’Hanna, doit recevoir un rein de toute urgence.
Ça tombe bien, Hanna est compatible avec son frère. Il existe juste un petit hic, dans ce climat de revendication extrême un brin fâché avec sa famille, ce dernier s’exile pour le paradis des origines, sa terre natale, l’Algérie. Est-ce que pour une fois, toute la famille ne pourra pas dire oui, contrainte et forcée par l’attitude de l’un de des siens qui refuse toute aide.
A l’image de son film, Baya Kasmi a le cœur grand comme ça, généreux pour sa première réalisation comme le monsieur plus de la pub, elle ne lésine pas sur le trop-plein. C’est bien le seul défaut que l’on trouve à ce premier film qui séduit malgré tout. Comme une guirlande de Noël, il clignote et aborde de nombreuses thématiques. La gentillesse est-elle un sentiment galvaudé, la religion, le sexe, la pédophilie, les apparences, etc. Remarquée comme scénariste pour son travail à la télé et plus tard avec Le nom des gens, Hippocrate, Clash où elle ausculte déjà l’âme de ses personnages et leurs rapports aux sentiments, elle choisit pour son premier film un sommaire à une œuvre qui sans doute reviendra sur chacune des thématiques.
Derrière le rire du clown se cache une réflexion plus pertinente sur comment une petite fille meurtrie devient une adulte pleine de bonté. Elle choisit à la voie de la haine et la vengeance, celle du cœur gros. Sur cette même fracture, le frère et la sœur empruntent des chemins différents. Hakim se réfugie dans l’extrémisme religieux que Baya Kasmi traite avec ironie et humour sur le thème « qu’est-ce qu’un musulman ? » Par exemple, sur sa terre d’origine, l’Algérie, il comprend que le costume ne fait pas le moine ni la djellaba le bon musulman. Son propriétaire aura cette réflexion pertinente, « mais je suis musulman ». Qu’est-ce qui définit donc un musulman, et au-delà, un bon croyant, chrétien, juif, protestant, etc. C’est bien le comportement qu’il adopte et non le costume.
Comme dit le précepte bouddhiste, nous changeons le monde en nous changeant nous-mêmes. C’est bien la voie que choisit Hanna celle de la bonté et du corps, le sexe devient, comme chez Drukpa Kunley, un moyen d’éveil. Elle le renforce par le regard que nous portons sur les prostituées, déjà abordé dans son court C’est quoi une pute ? Elle finit par ce beau sentiment, l’Amour. C’est bien lui qui aura raison de tout et rétablit l’équilibre de tous. L’amoureux d’Hanna se fout qu’elle soit péripatéticienne ou pas, comme il le dit lors d’un repas familial. « C’est une pute, mais je l’aime. » Elle rajoute dans ce plat de choix des personnages comme le travesti, la prostituée du quartier, la mère psy qui mériterait un film à elle seule, le père épicier qui souffre de dire non, etc.
Ce trop-plein passe, car le film possède un atout de poids, son grand cœur et ne jamais jouer la carte du sérieux. Pourtant, comme nous l’avons vu plus haut, il nous interroge sur nous-mêmes et sur pas mal de sujets qu’il n’est pas mauvais de méditer de temps en temps. Dans ce portrait familial, les acteurs trouvent des rôles sur mesure qu’ils poussent avec bonheur dans leurs retranchements.
Patrick Van Langhenhoven
Titre : Je suis à vous tout de suite
Réalisation : Baya Kasmi
Scénario : Baya Kasmi et Michel Leclerc
Photographie : Guillaume Deffontaines
Montage : Monica Coleman
Décors : Jean-Marc Tran Tan Ba
Costumes : Mélanie Gautier
Musique : Jérôme Bensoussan
Producteur : Antoine Rein, Fabrice Goldstein, Caroline Adrian et Antoine Gandaubert
Société de production : Karé Productions et Delante Films
Distributeur : Le Pacte
Pays d'origine : Drapeau de la France France
Genre : Comédie dramatique
Durée : 100 minutes
Date de sortie : 30 septembre 2015
Distribution
Vimala Pons : Hanna Belkacem
Mehdi Djaadi : Hakim Belkacem
Agnès Jaoui : Simone Belkacem
Ramzy Bédia : M. Belkacem
Laurent Capelluto : Paul
Claudia Tagbo : Ébène
Camélia Jordana : Kenza
Anémone : la grand-mère
Zinedine Soualem : Omar
Hindiya Elkassmi : la fille d'Hakim
Carole Franck : la sœur de Paul
Bruno Podalydès : un amant
Christophe Paou : un amant
Jérémie Covillault : le deuxième frère de Paul
Lyes Salem : le douanier algérien
Nicolas Beaucaire : Dr Girard
Michel Leclerc : le client de l'épicerie
Xing Xing Cheng : la client au jacquier