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affiche The Immigrant

The Immigrant

___

Un film de James Gray,
Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h57
États-Unis

En Bref

Décidemment, Cannes a quelque chose contre James Gray. Après The Yards, La Nuit nous appartient et l’excellent Two Lovers, c’est au tour de son dernier film, The Immigrant, d’être boudé par le jury cannois. Et pour cause, brillant et bouleversant d’un côté, d’un classicisme vain de l’autre, le film loupe le coche quelque part entre le « déjà vu, arrêtez-ça ! » et le « on en veut plus ! ». Gageons qu’il aura le même sort que ses prédécesseurs, réévalués peu de temps après…ou pas.

1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance et l'espoir de jours meilleurs. Mais c'est sans compter sur la jalousie de Bruno...

Même s’il a le chic pour diviser la critique, James Gray ne renonce pas pour autant à ses thématiques habituelles que sont la filiation, la famille, l’amour inavoué et le devoir moral imposé par la société. Il va même jusqu’à s’inspirer de son histoire personnelle – ses grands-parents russes étant arrivés à Ellis Island dans les années 20 – pour explorer encore un peu plus, film après film, une Amérique nourrie de cultures diverses à travers le prisme de la tragédie antique. Ici, Gray poursuit le virage sentimental entamé par Two Lovers, laissant ainsi de côté le polar, point central de ses précédentes réalisations, pour se concentrer sur un triangle amoureux nourri d’affections inconscientes et inavouées.


Décidemment, Cannes a quelque chose contre James Gray. Après The Yards, La Nuit nous appartient et l’excellent Two Lovers, c’est au tour de son dernier film, The Immigrant, d’être boudé par le jury cannois. Et pour cause, brillant et bouleversant d’un côté, d’un classicisme vain de l’autre, le film loupe le coche quelque part entre le « déjà vu, arrêtez-ça ! » et le « on en veut plus ! ». Gageons qu’il aura le même sort que ses prédécesseurs, réévalués peu de temps après…ou pas.

1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance et l'espoir de jours meilleurs. Mais c'est sans compter sur la jalousie de Bruno...

Même s’il a le chic pour diviser la critique, James Gray ne renonce pas pour autant à ses thématiques habituelles que sont la filiation, la famille, l’amour inavoué et le devoir moral imposé par la société. Il va même jusqu’à s’inspirer de son histoire personnelle – ses grands-parents russes étant arrivés à Ellis Island dans les années 20 – pour explorer encore un peu plus, film après film, une Amérique nourrie de cultures diverses à travers le prisme de la tragédie antique. Ici, Gray poursuit le virage sentimental entamé par Two Lovers, laissant ainsi de côté le polar, point central de ses précédentes réalisations, pour se concentrer sur un triangle amoureux nourri d’affections inconscientes et inavouées.

Dés le premier plan, qui navigue d’un flou à un autre sur un aspect granuleux, on découvre la direction que veut prendre Gray, à mi-chemin entre néo-clacissisme et académisme fourbe d’une reconstitution exhibée. Rapidement, les personnages de cette fresque baroque du New-York des années 20 vont venir bousculer les préjugés du spectateur à leur encontre pour l’enfermer dans un horizon bas et brouillassé. En ce sens, le film s’amuse à brouiller les pistes, suggérant en permanence la possible éclosion d’une romance, mais aussi d’un événement tragique nourrit par le désir, la jalousie, la trahison qui règne à l’étage d’Ewa. Dans la tourmente, tout un chacun, caché derrière de fausses apparences, constitue une victime. Car dans la temporalité de The Immigrant, on n’ose pas encore rêver ni même s’intégrer, simplement d’entrer sur le sol et de s’octroyer un espace de vie et un minimum de dignité. C’est dans cet espace temps charnière, peu exploité au cinéma, entre la survie de l’immigrant et la conquête du territoire, que Gray aurait pu faire des étincelles.

Au lieu de ça, on sent que le réalisateur n’est pas forcément à l’aise dans son mélodrame et cherche en permanence ses personnages et son intrigue. Tout a beau être en place, on peine à mettre la main sur l’essentiel : une émotion qui ferait éclater la vérité sur des individus en proie aux tentations contradictoires. Tant et si bien que, malgré les tentatives formelles de dramatisation, la tragédie qui se joue à l’écran devient pâle, tiède, en demi-teinte, à l’image de la scène de déchirement introductive, pour laquelle le réalisateur ne montre qu’un intérêt mesuré. Après ce sacrifice, Gray semble ainsi écouler son scénario sagement, mettant bout à bout les pièces du récit et les motifs tragiques.

Derrière cette tiédeur narrative s’affère une photographie époustouflante signée Darius Khondji (Seven, My Blueberry Nights, Amour), écrin à la patine et à la structure chromatique bluffantes d’authenticité. De même, malgré les perches de son scénario, Gray ne se laisse pas aller à des élans dégoulinants de mise en scène mais préfère des plans intimes, volés, à de longs travelings et des constructions de plans complexes (miroir entre l’ouverture et le plan final, magnifique) aux raccourcis dramatiques. Une mise en scène au service de ses personnages, qui va s’immiscer au sein de la confrontation/cohabitation entre Ewa et Bruno et dresser un portait de deux survivants tenus de marcher à l’unisson malgré le reflet de dégoût qu’ils se rendent l’un l’autre. Dans ce qui s’avère être sa meilleure composition dans un film américain, Marion Cotillard est figée, vulnérable, abattue mais toujours battante et terriblement juste dans son interprétation. Pour autant, sa performance est voilée par un Joaquin Phoenix impérial dans un rôle d’écorché vif torturé sur le chemin de la rédemption. 

Dans une ampleur qui se déploie sournoisement, James Gray réussit à monter un mélodrame classique à l’élégance formelle et l’exécution authentique indiscutables sans tomber dans le piège de la reconstitution historique. En posant des questions passionnantes sur l’immigration, le déracinement et la valeur de la famille, le cinéaste rend toute son ampleur à la fresque et insuffle à The Immigrant une authenticité salutaire. Mais malgré une belle facture et un sens du rythme sans pareil, l’ambiance poisseuse de l’ouvrage en arrive à nous engluer dans une attente, un espoir. C’est beau, c’est bien foutu mais quelque part, c’est décevant.


Eve BROUSSE

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