Si Hungry Hearts débute comme une comédie romantique, le virage est radical à partir du moment où le couple apprend qu'ils vont être parents.

La mise en scène devient étouffante, la caméra scrute le basculement vers la folie de Mina et filme l'appartement du couple comme une prison hors du temps et hors du monde.

Persuadée que son bébé est particulier, Mina se met en tête de le protéger coûte que coûte des agressions extérieures, allant même jusqu'à le nourrir uniquement de légumes.

Jude fait au début confiance à l'instinct maternel de sa compagne mais se rend vite compte qu'elle met en danger leur enfant qui peine à grandir et prendre des forces.

Commence alors un combat silencieux entre le couple, chacun étant persuadé de faire le mieux pour le bébé sous le regard lointain de la mère de Jude (Roberta Maxwell) qui juge de plus en plus négativement le comportement de sa belle-fille.

Le film s'épargne de longs discours et des tunnels d'explications sur la psychologie des personnages et c'est ce qui fait définitivement sa force : chacun pourra voir la détresse de Jude et Mina de la façon dont il l'entend.

Les acteurs portent réellement le film, Adam Driver s'offre un premier grand rôle au cinéma, convaincant alors que l'on ne le connaissait avant tout pour son rôle dans le série Girls. Quant à Alba Rohrwacher, elle incarne Mina avec justesse et parvient à éviter de rendre son personnage totalement antipathique. Les deux acteurs ont d'ailleurs été récompensés pour leur prestation au 71ème Festival de Venise.

On ne pourra s'empêcher de penser au Rosemary's baby de Roman Polanski tant la forme et le sujet s'en approchent mais, Hungry Hearts possède sa problématique propre sur la violence du monde et la solitude qui peut vite gagner chacun d'entre nous à l'heure de la mondialisation. Notre sensibilité est mise à rude épreuve heureusement, Saverio Costanzo parvient à garder une certaine poésie qui sauve le film d'une dureté insoutenable.

Sarah Lehu