Gloria est une femme mûre que le temps n’a pas érodée. Divorcée, elle préfère s’étourdir le soir venu dans les clubs de Los Angeles plutôt que tricoter. Elle respire encore le parfum des jeunes années malgré le temps qui passe. Libre, elle suit son instinct, portée loin du chagrin. S’étale une petite existence sans histoire quand les corps et les cœurs existent encore pour jouer de la vie. Un jour, elle croise la route d’un célibataire un peu perdu, Arnold. Un rien, un moment de partage en osmose les rapproche et tisse une étoile les liantpour un bout de route. Leur histoire prendra les couleurs de leurs désirs et de leurs choix. Loin des premiers regards, des premiers émois, des corps qui dansent et s’enlacent au-delà de la piste, existe le pays du quotidien. Le temps de se démasquer et de livrer le fond de son âme, de choisir et d’ouvrir les portes de l’avenir est arrivé. Arnold est-il prêt pour une autre vie ? C’est bien la question que devra résoudre Gloria qui depuis longtemps choisit le chemin de la liberté.
On n’est pas sérieux quand on a presque soixante ans pourrait dire le poète. Gloria Bell appartient à ces portraits de femmes libres. On pense forcément à une autre Gloria, mais surtout àA la recherche de Mister Goodbar dans sa quête de se perdre dans les plaisirs de la vie. Sebastián Lelio adapte son propre film pour ses premiers pas en Amérique du Nord. Il apporte le deuxième Oscar à son pays pour Une femme fantastique. En huit films, il compose une partition autour de la femme, la famille, bourgeois et libertaires (La Sagrada Familia, 2007), ados blessés (Navidad, 2009), divorcés (Gloria, 2013), transgenres (Une femme fantastique, 2017), fille reniée par son père rabbin pour l’avant-dernier film (Désobéissance, 2018).Il explore ces univers avec justesse, souvent dans un cinéma réaliste, parfois minimaliste. Paulina Garcia obtient l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour son jeu dans l’original.
Si le film suit le même parcours que le premier, il permet de voir que, d’une actrice à l’autre, il prend d’autres couleurs. Il trouve en Julianne Moore l’actrice parfaite pour ce portrait de femme tout en douceur et tendresse. Elle apporte une note poétique à l’univers plus rude du réalisateur. Le film s’attache aux pas de cette femme libre, lors des soirées quand elle s’enivre sur les pistes de danse. Quand elle soutient sa fille et son fils avec son nouveau-né et une femme partie ailleurs. Sebastián Lelio s’attache avant tout à la vie coulant comme une rivière immuable que le temps n’atteint pas. Les corps fragiles, bercés par le temps, se transforment, prennent les allures du temps qui lamine le quotidien.
Le cœur de Gloria ne change pas, il garde la foi en l’avenir, même si les rencontres ne sont plus que celles d’un soir. Quand Arnold arrive, elle croit que la vie à deux est de nouveau possible. C’est bien ce qu’ils sont incapables de construire à deux qui les mène à la fin d’une histoire. Face à la liberté de Gloria, dans le miroir, se reflètent la peur, les incertitudes d’Arnold. C’est une ode à la femme libre, mère, fille de, que déploie Gloria Bell. C’est une belle balade dans le temps qui passe et nous transforme malgré tout. Sebastián Lelio regarde chaque personnage de la même façon, sans le juger.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original et français : Gloria Bell
Réalisation et scénario : Sebastián Lelio
Photographie : Natasha Braier
Montage : Soledad Salfate
Musique : Matthew Herbert
Production : Juan de Dios Larraín, Pablo Larraín et Sebastián Lelio
Pays d’origine : États-Unis, Chili
Genre : Drame
Langue : anglais
Durée : 102 minutes
Dates de sortie :1er mai 2019
Distribution
Julianne Moore : Gloria Bell
John Turturro : Arnold
Michael Cera : Peter
Sean Astin : Jérémy
Jeanne Tripplehorn
Holland Taylor
Brad Garrett : Dustin Mason
Caren Pistorius : Anne
Tyson Ritter
Cassi Thomson : Virginia
Rita Wilson
Alanna Ubach : Veronica
Chris Mulkey : Charlie
Barbara Sukowa : Melinda
Cristobal Tapia Montt : Adam
Aileen Burdock : Jane Wingel
Derrick Redford : Dr. Steve
Jesse Erwin : Theo