Cine-Region.fr
affiche The Giver

The Giver

___

Un film de Phillip Noyce,
Avec Jeff Bridges, Meryl Streep, Brenton Thwaites,

Genre : Science-fiction
Durée : 1h37
États-Unis

En Bref

Bien avant Twilight, The Hunger Games ou Divergente, la tétralogie littéraire de Loïs Lowry a été la première fiction basée sur une dystopie (opposée à l’utopie) destinée aux ados. Sorti en 1993, le roman a depuis été vendu à plus de 10 millions d’exemplaires et fait partie des programmes scolaires dans les écoles anglaises. Du pain béni pour Phillip Noyce (Le Saint, Salt), faiseur en fin de carrière, qui n’a plus qu’à mettre en images texto l’histoire pour garantir un succès commercial. Sauf que la production a décidé de mettre son grain de sel et de modifier légèrement l’intrigue de sorte que le héro, qui n’avait que 12 ans dans le roman, se retrouve à 16 ans dans le film (l’acteur a 24 ans en réalité) pour augmenter les chances d’identification. Un comble pour les fans de la première heure et pour l’auteure elle-même qui aurait préféré cibler le même public qu’Harry Potter plutôt que les « Young Adults » boutonneux de Twilight. Et pour autant, le succès critique et spectateur n’a pas été franchement au rendez-vous aux USA… Allez comprendre.

Dans un futur lointain, les émotions ont été éradiquées en supprimant toute trace d'histoire. Seul "The Giver" a la lourde tâche de se souvenir du passé, en cas de nécessité. On demande alors au jeune Jonas de devenir le prochain "Giver"...


The Giver commence exactement comme Divergente. Dans une ville aseptisée, contrôlée par des Sages, chaque membre de la population, à la fin de l’adolescence, se voit assigner un rôle qu’il devra tenir le reste de sa vie, à l’occasion d’une cérémonie d’orientation. Jonas, qui a le don de voir au-delà, se voit donc attribuer un poste bien spécial, celui de gardien et de passeur de mémoire. Une mémoire qui doit rester secrète puisqu’elle révèle la vie, une vie qui n’a pas toujours été aussi terne et morne qu’est ce monde déshumanisé… Un premier détail de l’intrigue qui frise l’incohérence scénaristique : on comprend mal pourquoi cette société sans souvenir n’a pas éradiqué ce Giver puisqu’il représente tant de danger. Bref. Parti de rien, Jonas va donc découvrir ce qu’est « la vie »  à travers les couleurs, les sentiments, les sensations, etc. A travers ce parcours initiatique, il y avait quelque chose de purement cinématographique qui aurait pu offrir une dimension sensorielle à la besogne mais à la place, Phillip Noyce lui offre des images réac’ parmi les plus ressassées de l’histoire : conflits sanglants, robes légères qui flottent dans décors bucoliques baignés de musique, bébés hilares, le tout en 35 mm façon flash publicitaire. Sorte de métaphore de la société moderne d’abord tournée en dérision avec ses guerres, ses conflits, son totalitarisme, puis transformée en but idyllique avec la joie, la famille, la nature, le soleil, jusqu’à afficher des fausses prétentions philosophiques. Complètement à côté de la plaque, Noyce nous sert un discours naïf sur le passé, le présent et le futur, le monde chaotique et la nature humaine en ne prenant même pas la peine d’aller au bout de son sujet. En empruntant la vision embryonnaire de l’humain à Bienvenue à Gattaca ou au Meilleur des mondes d’Huxley, il fait d’une réflexion noble un prétexte à faire naitre une idylle adolescente fade et sans saveur en prenant soin de fuir toutes autres intrigues sous-jacentes.

Attention, The Giver n’est pas dénué d’intérêt pour autant. Il y a d’ailleurs un réel parti pris narratif retranscrit dans la photographie qui porte l’essentiel du matériau d’origine : ce monde sous prozac où l’humain ne ressent rien, voit en bichromie et surveille son langage est peu à peu perçu différemment par Jonas, en couleur, en sensations de toucher, d’embrasser… (encore une liberté prise avec le roman qui ne laissait pas entrevoir de monde en couleur pour le jeune passeur). Avec cet argument esthétique, le réalisateur ne laisse pas la place au doute et offre à son film d’honorables qualités visuelles. Force est de constater qu’il apporte son pesant narratif à l’adaptation ciné, un petit plus essentiel pour donner un peu de consistance à l’ensemble même si ce principe narratif était plus réussi dans Pleasantville de Gary Ross. Le casting va lui aussi se débattre comme il peut dans ce scénar ramollo, à commencer par Jeff Bridges qui s’est battu pour défendre le projet. L’acteur américain oscarisé, dont on ne remet plus en doute le talent, met toute sa sensibilité et son côté rustre à son personnage de mentor éraflé par la vie sans jamais trouver les arguments suffisants pour emporter le spectateur avec lui. Autour de lui gravite Brenton Thwaites, aperçu notamment dans Maléfique, qui sauve les meubles moyennant un peu de sincérité, Katie Holmes qui manque une fois de plus son grand retour et Meryl Street dont on s’abstiendra de commenter la prestation par respect pour son talent. Sans oublier une brève apparition de la chanteuse américaine Taylor Swift qui n’aura pas suffit pour confirmer ou infirmer ses talents d’actrice.

Comme majorité des films d’anticipation dopés à la dystopie de ces derniers temps, The Giver a lui aussi des atouts et également de sérieuses épines dans le pied mais arrive à offrir un spectacle estimable à son public cible. Cela dit, Le Passeur méritait sûrement un faiseur plus inspiré, plus pointu et plus audacieux que Phillip Noyce qui se contente d’édulcorer le sombre roman de Loïs et d’amoindrir son impact sans laisser grand chose à se mettre sous la dent. La suite au prochain épisode… ou pas.

Eve BROUSSE

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :

Titre original : The Giver

    Titre québécois : Le Passeur1

    Réalisation : Phillip Noyce

    Scénario : Michael Mitnick, d'après Le Passeur de Lois Lowry

    Direction artistique : Ed Verreaux

    Décors : Shira Hockman

    Costumes : Andrew McCarthy

    Montage : Barry Alexander Brown

    Musique : Marco Beltrami

    Photographie : Ross Emery

    Son : Philip Stockton

    Production : Jeff Bridges, Neil Koenigsberg et Nikki Silver

    Sociétés de production : As Is Productions, Tonik Productions, Walden Media et The Weinstein Company

    Société de distribution : The Weinstein Company (USA), Studiocanal (France)

    Budget : 25 000 000 USD

    Pays d’origine : États-Unis

    Langue originale : Anglais

    Format : couleur

    Genre : science-fiction

    Durée : 97 minutes

    Distribution

    Jeff Bridges (VF : Patrick Floersheim) : « le Passeur »

    Meryl Streep (VF : Frédérique Tirmont) : le chef Elder

    Brenton Thwaites (VF : Gauthier Battoue) : Jonas

    Alexander Skarsgård : le père de Jonas

    Katie Holmes : la mère de Jonas

    Odeya Rush (VF : Nastassja Girard) : Fiona

    Cameron Monaghan (VF : Théo Frilet) : Asher

    Taylor Swift : Rosemary

    Emma Tremblay (VF : Pénélope Siclay-Couvreur) : Lilly