Ça commence comme une balade entre amoureux à la campagne chez les parents de la fille. Un petit accident sur la route et un flic un peu obsédé par la procédure gâte l’ambiance idéale. Tout devrait s’arranger avec le week-end dans cette Amérique de la bourgeoisie blanche. Rose oublie de préciser à ses parents que Chris est afro-américain, pas de risque la famille est ouverte et vote Obama. L’ambiance semble parfaite. Une famille antiraciste en lutte contre toutes les idées nauséabondes portées par le Klan, ouverte sur le monde, pleine de compassion et d’amour pour l’autre. Elle prend soin de ses domestiques afro-américains, l’idéal d’un monde où nous serions tous frères. Ça commence à s’envenimer quand le fiston compare les arts martiaux aux échecs.
Peu à peu, par petites touches, des morceaux, des riens, prennent de drôles d’apparences. Ces signes devraient avertir Chris du cauchemar à venir. Le monde bascule ou se dévoile lors d’une garden-party entre amis et ce qu’il montre n’est pas la fête du bonheur parfait. On découvre un loto comme à la maison de retraite, au prix particulier. Est-ce une dinde de Thanksgiving pour un bon petit repas pour la fête des Blancs ou autre chose de plus sournois ? Le monde prend rapidement d’autres couleurs, ni noir ni blanc, peut-être rouge sang. Il existe pire que l’enfer, quand le diable enlève son masque. Il dévoile enfin sa vraie nature, celle de l’immense fange du monde et de nos désirs d’éternité.
Les studios Blumhouse Productions sont depuis longtemps spécialistes de film malins de genre en général fantastique. Get Out commence dans l’esprit de Devine qui vient diner, sorti en 1967, de Stanley Kramer. Katharine Houghton présentait son fiancé, Sidney Poitier, à ses parents, Spencer Tracy et Katharine Hepburn. Elle avait juste oublié de mentionner qu’il était afro-américain. C’est un peu dans le même état d’esprit que Chris débarque chez les parents de sa bien-aimée. Cette fois, au contraire, c’est une famille ouverte et enchantée par ce petit-ami. Autant de bonheur cache forcément de sombres pensées qui très vite quittent le terrain du racisme pour d’autres terres pas très définies. Les objectifs des petits-bourgeois se situent plus dans le corps parfait que dans une revendication de la race.
Le film voyage entre trois styles différents, le fantastique et les bonnes vieilles recettes qui ont fait le succès d’Insidious, Incarnate, American Nightmare, Paranormal Avtivity. C’est tout un tas de ficelles roublardes mises en scène, comme la silhouette impersonnelle aux fenêtres ou passants aux embrasures des portes ouvertes sur la peur, les personnages lobotomisés, limite zombie, etc. Il fera de même avec les clichés du flic raciste, des petits Blancs bourgeois, etc. La recette fonctionne toujours avec autant de succès. Au niveau des dialogues, on retrouve plus le film raciste où les clichés de la condition d’Afro-Américain ont encore de beaux jours devant eux, hélas. C’est plutôt habile et cela montre que dans l’Amérique d’Obama, le sujet est encore loin d’être complètement réglé.
Le spectateur passe donc du film qui fait peur au sujet plus sensible de société. Assez malin sur sa fin, il prend une autre route plus proche de Frankenstein et de la créature parfaite. C’est une belle manipulation des codes des deux genres, masquant une autre réalité. Hélas, Get Out rejoint le thriller et semble chercher la porte de sortie en bâclant en partie le final. Il reste toutefois au-dessus de la production générale et l’on sent, avec la venue de M. Night Shyamalan et la sortie de Split, la volonté de monter la barre. Pour un premier film, Get Out annonce un réalisateur ambitieux qui peut, en peaufinant son travail, nous surprendre dans ce jeu du cinéma de genre.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original, français et québécois : Get Out
Réalisation : Jordan Peele
Scénario : Jordan Peele
Direction artistique : Rusty Smith
Décors : Chris Craine
Costumes : Nadine Haders
Photographie : Toby Oliver
Montage : Gregory Plotkin
Musique : Michael Abels
Production : Seab McKittrick, Jordan Peele, Edward H. Hamm Jr., Jason Blum
Sociétés de production : Blumhouse Productions, QC Entertainment et Monkeypaw Productions
Sociétés de distribution : Universal Pictures
Budget : 4,5 millions de dollars
Pays d'origine : Drapeau des États-Unis États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genres : horreur
Durée : 103 minutes
Dates de sortie : 3 mai 2017 2
Distribution
Daniel Kaluuya : Chris Washington
Zailand Adams : Chris, âgé de 11 ans
Allison Williams : Rose Armitage
Catherine Keener : Missy Armitage
Erika Alexander : Détective Latoya
Bradley Whitford : Dean Armitage
Caleb Landry Jones : Jeremy Armitage
Lil Rel Howery : Rod Williams
Keith Stanfield : Andre "Logan" Hayworth
Betty Gabriel : Georgina
Marcus Henderson : Walter
Stephen Root : Jim Hudson