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affiche Gemma Bovery

Gemma Bovery

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Un film de Anne Fontaine,
Avec Gemma Arterton, Fabrice Luchini, Jason Flemyng,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h39
France

En Bref

Gemma Bovary nous raconte une chose. Comment un homme, vraisemblablement malheureux et seul dans sa vie familiale, retrouve un certain intérêt à projeter dans sa nouvelle petite voisine ses chimères littéraires, ses fantasmes et sa conception de la vie et du bonheur. 

Martin est un ex-bobo parisien reconverti plus ou moins volontairement en boulanger d'un village normand. De ses ambitions de jeunesse, il lui reste une forte capacité d'imagination, et une passion toujours vive pour la grande littérature, celle de Gustave Flaubert en particulier. On devine son émoi lorsqu'un couple d'Anglais, aux noms étrangement familiers, vient s'installer dans une fermette du voisinage. Non seulement les nouveaux venus s'appellent Gemma et Charles Bovery, mais encore leurs comportements semblent être inspirés par les héros de Flaubert. Pour le créateur qui sommeille en Martin, l'occasion est trop belle de pétrir - outre sa farine quotidienne - le destin de personnages en chair et en os. Mais la jolie Gemma Bovery, elle, n'a pas lu ses classiques, et entend bien vivre sa propre vie...

Après l’impétueux Perfect Mothers, l’année dernière, Anne Fontaine (Coco avant Chanel, Mon pire cauchemar) choisi d’adapter assez librement le roman graphique de Posy Simmonds du même nom. Gentil, beau et divinement bien joué, il manque cependant quelque chose à Gemma Bovery. Peut-être un peu d’éléments suggérés ou de piquant auraient suffit à nous offrir le même plaisir que prend Martin à se faire un film.


A bien des égards, Gemma Bovery pourrait se limiter à la trame académique inhérente à son genre et analyser péniblement les motifs de l’amour, de la lassitude, du couple et de la circonstance. Mais Anne Fontaine apporte à cette induction une toute autre dimension. D’abord en créant un parallèle avec Bovary de Flaubert, distillant une dynamique inattendue de suspense, puis en développant un pion inopiné, le personnage de Martin. Ce dernier va devenir notre guide durant toute la durée du film, celui à côté duquel on s’assiéra pour contempler le film, celui qu’on écoutera digresser sur l’amour et sur la direction qu’il doit prendre et celui qu’on croira lorsqu’il énoncera sa version de l’histoire. A la fois passionné, intrigué et secrètement attiré, notre boulanger normand va aller même jusqu’à comploter et manigancer pour voir ses personnages évoluer comme il l’aimerait et, in fine, les sauver de la fin tragique du bouquin. Cette façon qu’a Martin de se prendre pour Flaubert et de manipuler ses voisins comme des marionnettes pendues à ses mains est aussi touchante et passionnante qu’elle n’en devient par moment niaise et sotte. Evidemment, Anne Fontaine va mettre les pieds dans le plat et jouer avec la bêtise de la plupart de ses personnages, plus ou moins subtilement. Il faut dire aussi que Flaubert ne faisait pas franchement preuve de finesse quand il était question de bêtise humaine et de naïveté.

Dans un coin de Normandie idéalisée se débattent alors des Normands qui vendent sur le marché des produits aux senteurs épouvantables aux touristes, une française vaniteuse qui veut pour son intérieur une déco « mi-japonaise, mi-Versace », un chérubin fils à papa (Niels Schneider) aussi apathique et veule que Rodolphe, son double littéraire… Tout ou presque dans Gemma Bovery est foncièrement caricatural : la sensualité soulignée avec laquelle Gemma pétrit la pâte à pain dans l’arrière boutique de la boulangerie, laissant échapper par moment des petits gémissements et des répliques comme « il fait chaud ici » en retirant son pull, renforcée par des réflexions creuses énoncées par Martin telles que « Toucher le pain, c’est toucher la terre, la croute originelle d’où est sortie la vie »… Derrière ce ronronnement, on découvre dans le fond un traitement réservé aux femmes assez trivial. Tandis que Gemma n’est qu’un accessoire autour duquel se cristallise un désir de possession profondément misogyne, la femme de Martin est une femme froide, spectatrice de sa vie, qui n’a pas grand chose à espérer dans la vie de plus qu’un mari perdu dans ses pensées et d’un ado pas très fin. La palme revenant à la voisine bourgeoise (Elsa Zylberstein), à la fois hystérique et terriblement superficielle. Heureusement, la réalisatrice va avoir le talent de saisir, au cœur même de leurs vices et failles, des lueurs qui humanisent ses héros et qui les rendent plus beaux. Au hasard d’un plan, d’un éclairage, d’un regard, d’une expression, ils retrouvent une élégance et une dignité superbes. Pourtant, derrière son esthétique très lumineuse et ses plans resserrés troublants, Anne Fontaine ne va jamais jouer des enjeux posés par la confrontation réel/fantasme et avec la construction filmique qui va avec. Si bien que la grammaire cinématographique employée dans la mise en scène devient pauvre, se limitant à un éternel champs/contrechamps, symbole simpliste de la fracture entre la projection de Martin et le déroulement effectif des évènements, tout en occultant complètement le hors-champs.

Cela dit, on arrive à trouver notre régal ailleurs. Principalement dans le casting, inhabituel pour une production française, qui met face à face un Fabrice Luchini intelligemment balisé et un duo britannique équilibré, le flegmatique Jason Flemming et la sulfureuse Gemma Arterton. Tout ce petit monde se livre à un jeu de mots “franglais“ délicieux, peut-être trop rare. A la fois sensuel et indolent, Gemma Bovery est cependant passé à côté de la comédie féroce du roman. De même, on aurait aimé que le scénario s’intéresse davantage à la pente glissante de la manipulation perverse à laquelle se livre Martin, traitée de façon trop superficielle. Sans prétention, Gemma Bovery demeure un film fin et intelligent qui distille insidieusement l’irrésistible envie de se replonger dans le bouquin. Quand le 7ème art rend hommage au 5ème art avec charme et sobriété, non sans quelques futilités.

Eve BROUSSE

Note du support :
4
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 1.85, Format DVD-9
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Dolby Digital 2.0, 5.1 Français
Sous-titres : aucun
Edition : Gaumont vidéo

Bonus:

"Sur les pas d'Emma..." (20')
Teaser et bande-annonce

 Titre : Gemma Bovery
    Réalisation : Anne Fontaine
    Scénario : Anne Fontaine et Pascal Bonitzer, d'après le roman graphique de Posy Simmonds
    Photographie : Christophe Beaucarne
    Son : Brigitte Taillandier
    Montage : Annette Dutertre
    Casting : Andy Pryor
    Décors : Arnaud de Moleron
    Costumes : Pascaline Chavanne
    Musique : Bruno Coulais
    Directeur de production : Frédéric Blum
    Production : Philippe Carcassonne et Matthieu Tarot
    Sociétés de production : Albertine Productions, Ciné@ et Gaumont
    Société de distribution : Gaumont
    Pays : France
    Langue : français et anglais2
    Durée : 99 minutes3
    Genre : Comédie
  
Distribution

    Gemma Arterton : Gemma Bovery
    Jason Flemyng : Charlie Bovery
    Fabrice Luchini : Martin
    Elsa Zylberstein : Wizzy
    Mel Raido : Patrick Large
    Kacey Mottet Klein : Julien
    Niels Schneider : Hervé
    Isabelle Candelier : Valérie