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affiche Foxcatcher

Foxcatcher

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Un film de Bennett Miller ,
Avec Channing Tatum, Steve Carell, Mark Ruffalo,

Genre : Biographique
Durée : 2h14
États-Unis

En Bref

Primé à Cannes pour sa mise en scène, plusieurs fois nominé aux Oscars, Foxcatcher,sous ses allures de film sportif,est résolument l'un des grands drames de cette année.

Comme à son habitude Bennet Miller porte à l'écran une histoire vraie : celle de deux frères, Mark et Dave Shultz (Channing Tatum et Mark Ruffalo), champions de lutte et médaillés olympiques qui rentrent dans l'univers excentrique d'un étrange et manipulateur milliardaire, John Du Pont (Steve Carell), héritier d'une grande famille qui a fait sa fortune dans le commerce de la poudre à canon.

Entretenant une relation conflictuelle avec sa mère, John Du Pont, sportif raté, est persuadé qu'il peut entraîner les meilleurs lutteurs des USA pour les jeux olympiques de Séoul à venir.

Persuadé que tous les rêves s'achètent, l'homme propose à Mark Shultz de venir s'entraîner et vivre dans sa propriété contre une jolie somme d'argent.

D'abord heureux d'être le centre d'attention du milliardaire, Mark Shultz entrevoit vite l'homme sinistre et torturé qui se cache derrière son bienfaiteur et, lorsque son frère accepte enfin de devenir coach de l'équipe Foxcatcher, les illusions de Mark s'effondrent, en même temps que la santé mentale de John du Pont.



Difficile de décrire le choc cinématographique offert par Foxcatcher, trop rares sont les films qui arrivent à traiter avec tant de finesse les méandres de la psychologie humaine.

Bennet Miller joue sur le malaise, les silences lourds et les répliques malsaines du personnage de John Du Pont pour instaurer un climat malsain. L'immense propriété perdue dans la nature de l'Iowa devient la prison dorée des deux frères.

Ici le drame s'écrit en pointillé, s'épargnant les longs discours sur le passé des personnages et les passions qui les animent, l'inquiétude prend naissance dans les regards et dans les longues séquences lourdes de sous-entendus.

La force de Foxcatcher est également d'aller au-delà du fait divers, d'ouvrir la folie d'un homme à celle de tout une nation, empreinte de violence et du désir d'être toujours meilleure, quel qu'en soit le prix.

Les deux frères orphelins cherchent le bonheur à travers l'accomplissement sportif pour l'un, à travers la construction d'une famille aimante pour l'autre or, dans une Amérique opportuniste qui mise tout sur les apparences, il apparaît difficile de rester honnête.

Poussé par un John du Pont manipulateur, Mark commence à se détester, à détester son frère plus équilibré sans pour autant parvenir à exprimer sa haine. Le camp d'entraînement de l'équipe Foxcatcher devient le théâtre glaçant de l'illusion d'hommes à la dérive.

Homme frustré, John du Pont vit par procuration sa passion pour la lutte à travers son équipe et tente tant bien que mal de vivre dans l'illusion qu'il est un coach de talent. Steve Carrel, d'habitude cantonné aux rôles comiques est méconnaissable. Il offre une interprétation terrifiante du milliardaire philantrope. Lunatique et malsain, il est le portrait parfait d'une Amérique menteuse qui se berce d'illusion.

Film coup de poing, jouant sur les silences, Foxcatcher est une belle illustration du mal être tragique qui ronge les hommes et l'Amérique toute entière. Un drame fort et haletant.

Sarah Lehu

L'avis de Clément


A Palo Alto, Mark Schultz voyait sa vie régie par son sport et une certaine pauvreté, tant affective que financière. Pourtant champion olympique de lutte, il n’a que son frère également vainqueur de cette compétition, Dave. Sa vie semble à l’image de son sport, solitaire, douloureuse… Le manque de reconnaissance de sa fédération comme celui de son pays est un sentiment partagé par Mark avec un homme. Cet homme le contacte une nuit : il s’agit de l’héritier de la famille milliardaire américaine du Pont, patron de Foxcatcher, John E. du Pont. Passionné de lutte, il lui propose de venir s’entrainer dans ses infrastructures à la pointe de la modernité.

            C’est cette rencontre que va conter Bennett Miller, le réalisateur de Truman Capote et de Stratège. Mark Schultz va trouver en lui le coup de pouce qu’il attendait dans sa vie et entendre les mots qu’il voulait entendre. Plus qu’une relation professionnelle, avec la mise à disposition des infrastructures énormes du très riche homme d’affaires, va se coupler à cela un lien étroit et étrange. Son frère le suivra et cela aboutira à un évènement marquant, où l’explosion d’une froide tension et de violence passive toujours plus présente à l’écran. Là où le sport est toujours plus difficile à filmer et où la lutte n’apparaît pas comme ce qui est le plus gracieux en la matière, le réalisateur américain met sa touche personnelle et livre un thriller psychologique où surnage un Steve Carell métamorphosé et simplement incroyable.

            Les doutes suite au visionnage de Leviathan courant septembre sur sa réelle capacité à mériter le Prix du Scénario au festival de Cannes alors que la mise en scène était un bijou disparaissent soudainement. Oui, si ce dernier n’a pas remporté le prix, c’est simplement qu’il avait à ses côtés un sérieux concurrent. Primé donc dans cette catégorie, Foxcatcher ne doit rien au hasard. Le jeu avec le cadre est parfait, la mise en scène un modèle et cela donne des scènes mémorables, s’enchainant sans rupture sur un rythme pourtant lent et posé. Une entrée dans l’intimité de ces personnages, de véritables portraits et un décryptage d’un geste de folie. C’est là que devient intéressant le genre, proche du thriller, avec en tête John, cet atypique personnage prêt à exploser à chaque instant sous ses airs calmes.

            Le point central est l’histoire d’une relation, de l’entourage d’un champion et sa malléabilité, un homme consacrant sa vie entière à sa passion et son travail et de son « mentor », ou du moins ce qu’il aimerait. Mark ne peut régir véritablement sa vie, qu’il consacre à son sport et la confie à cet homme qu’il ne connait pas. L’un a la reconnaissance du milieu quand l’autre a celle l’argent.

            Une véritable tension des clans semble se produire. L’influence de l’entourage sur le sportif est portée à l’écran et on sent le tiraillement du lutteur à merveille. Le ressenti de sa distanciation avec John par la suite, au-delà de la gifle, n’est pas dans la démonstration mais en subtilité, bien qu’un peu rapide à l’écran. Les sentiments humains se font et se défont aussi dans les silences et cela Miller le capte très bien. La famille et la sûreté d’un côté et la nouveauté et les risques de l’autre. Le dilemme n’en est pas un, puisque Dave le rejoindra. La convoitise dont fait attrait Mark est pourtant là. Constamment est en jeu le sentiment de mainmise sur le champion. Jusqu’où cela ira-t-il ? Une brève scène vient poser la question de la sexualité du richissime homme et de sa relation avec ses lutteurs, notamment Mark. Cela reste dans la tête et les non-dits et petits détails mettent un doute qu’a démenti le véritable Mark Schultz, mais dont personne ne sait exactement la véracité.

            La notion de héros est très présente. Miller a une vision très lucide sur les Etats-Unis et tourne presque en dérision leur attachement à des valeurs bien définies. De l’amour du drapeau, le besoin constant de s’attacher à des héros, la reconnaissance… C’est ce qui, à la base, les relie, cette volonté de mettre la lutte au premier plan. Un parallèle est dressé par ailleurs par John avec les soldats, et leur vertu de servir la liberté. Mais la perversité et le jeu de la manipulation ne sont  pas loin, et si du Pont fait tout cela pour aider son lutteur, ça n’est pas par pur altruisme. Comme dans le récent Gone Girl, de Fincher, maîtrise de manipulation, le stratagème fin du milliardaire apparaît peu à peu. La spirale des mensonges de du Pont met la lumière sur la capacité à faire parler les images différemment de la réalité, une métaphore du cinéma et éloge du montage. Finalement par moments Foxcatcher paraît comme ce dernier trop maitrisé et un peu convenu.

            Dans cette manipulation, de nombreuses questions reviennent, même banales. La place de l’argent dans le bonheur en est une. John a tout mais au final il lui manque l’affection. C’est en cela qu’il tente d’en obtenir avec ses athlètes, son avidité prenant, malgré tout, trop souvent le dessus. Il ne peut malheureusement pas échanger ses portraits familiaux des riches ancêtres contre des médailles personnelles. Même le sport est pour lui le terrain de la corruption. S’oppose à cela la vie familiale de Dave, respirant la joie et la simplicité,  en curseur de stabilité et normalité, dont ne font pas preuve les deux protagonistes.

            Pour en arriver à ce questionnement, les personnages sont très bien écrits. On ne connaît que peu de choses sur John, mis à part les quelques images d’archives sur Foxcatcher ouvrant le film. En cela réside une part de mystère, accentuée par ces plans où l’ombre de son profil rappelle le profil atypique d’un Hitchcock, avec un nez crochu en plus. Chaque geste envers Mark est sous tension, contrastant avec une tendresse apparente dans de rares moments. Ce dernier en champion peu expressif mais fier et musclé est joué par un Channing Tatum, que l’on n’imaginait pas forcément ici, mais collant au personnage à la façon d’un Matthias Schoenaerts dans Bullhead. Mark Ruffalo complète le trio et apporte la touche attachante, le soupçon de tranquillité dans le déséquilibre mental de ces personnages.

            Une scène est particulièrement évocatrice : un soir, alcoolisé, se livrant pour la première fois, John E. du Pont prend la médaille de champion du monde de Mark. Comme s’il venait de la gagner, il la dépose sur son étagère. De cet instant de solitude, où il jouit presque de son sésame ne lui appartenant pas, suit une effusion collective avec sa bande. Le personnage joué par Carell se met dans la peau du lutteur et feint un combat face à ses poulains, dans des éclats de rire. Il se met dans la peau d’un lutteur adulé par son pays entier, un héros contemporain, non pas reconnu par son argent. Ce qu’il n’aura jamais.

            L’une des réussites dans la mise en scène du réalisateur américain est de ne pas réduire le sport et son intérêt au succès ou non d’un match. Le suspense est en effet ici brillamment déplacé. Ainsi pour sa qualification aux Jeux Olympiques de Séoul, tout le stress n’est pas dans le combat le plus souvent filmé au ralenti sur fond de musique mais dans ses dérives et sa condition physique. Un habile déplacement permettant au combat d’avoir un objet presque exclusivement esthétique.

            C’est de ces petits détails et procédés de mise en scène que Bennett Miller tire d’un fait divers américain presque banal, aux interrogations pourtant nombreuses, le meilleur, le tout porté par des acteurs au sommet. Finalement, le champion olympique a quitté le bourreau familial et la lutte. Dans une salle où tout est permis dans les combats retentit « USA ! USA ! USA ! ».  Face à un Russe, symbole de Guerre Froide, le voilà enfin héros. Impressionnant, c’est la première fois de l’année 2015 que l’on se dit ça en sortant du cinéma, sous le choc et le charme.

Clément Simon

Note du support : n/a
Support vidéo :
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Sous-titres :
Edition :


Titre original : Foxcatcher

Titre français : Foxcatcher

Réalisation : Bennett Miller

Scénario : E. Max Frye et Dan Futterman

Direction artistique :

Décors : Jess Gonchor

Costumes : Kasia Walicka-Maimone

Montage : Jay Cassidy, Stuart Levy et Conor O'Neill

Musique : Mychael Danna et Rob Simonsen

Photographie : Greig Fraser

Production : Anthony Bregman, Megan Ellison et Bennett Miller

Sociétés de production : Annapurna Pictures et Likely Story

Sociétés de distribution : Sony Pictures Classics (USA)

Pays d’origine : États-Unis

Langue : anglais

Durée : 130 minutes

Format : Couleurs - 35 mm - 2.35:1 - Son Dolby numérique

Genre : Drame historique, Thriller

Distribution :

Channing Tatum : Mark Schultz

Mark Ruffalo : Dave Schultz

Steve Carell : John Eleuthère du Pont

Sienna Miller : Nancy Schultz

Anthony Michael Hall (V.F. : Bernard Bollet) : Jack

Vanessa Redgrave : Joan du Pont

Tara Subkoff

Lee Perkins : Caporal Daly