Floride
___
En Bref
Le vieil homme semble n’avoir rien perdu de sa fougue et de sa détermination à ne pas laisser autrui lui dicter sa conduite. À quatre-ving printemps bien sonnés, notre homme embarque pour la Floride où il doit selon lui retrouver sa fille. C’est l’occasion de se remémorer les derniers jours et quelques autres qui l’emportent vers le soleil des Amériques. Il ne lui reste que ses deux perles, l’une promet toujours de débarquer d’Outre-Atlantique et l’autre Carole, veille sur Claude le père. Il faut dire qu’il n’arrange pas forcément la situation avec ses exigences.
Les femmes de ménage jouent la valse des départs comme une part de sa mémoire. Depuis un certain temps, il entretient une large proportion à la restriction d’info, voir l’oubli tout cour. Carole, responsable maintenant de la fabrique de papier familiale, compose avec un père bucolique et plein d’énergie. Il erre le sourire aux lèvres comme un habit de lumière. L’autre face apparaît moins amusante, plus paillarde, taquine, et prête à saisir la première lubie lui passant à la tête. Et toujours revenant comme un mauvais refrain, cette autre sœur plus aimante, mais lointaine.
À ce rythme, la dernière bonne à tout faire a plié bagage et l’on craint que la nouvelle ne suive le même chemin. Difficile dans ses conditions d’avoir une vie amoureuse stable et de construire autre chose que des amants de passage. Le dernier s’accroche, mais pour combien de temps. Il faudra bien se résoudre à placer Claude dans une maison de retraite... Le jour où elle se résoudra à faire ce choix, la vie pourrait bien enfin devenir belle.
Le dernier film de Philippe Le Guay suit un schéma et une mise en scène classiques. Cet air de ne pas y toucher semble la marque de fabrique du réalisateur. Remarquée avec Les femmes du sixième étage et Alceste à bicyclette, toute sa filmographie tourne autour de ses petits riens transformant comme le héros Du jour au lendemain notre quotidien en bonheur. Les sentiments amoureux et d’amitiés, une autre façon d’aimer ne sont jamais bien loin. C’est donc sans étonnement qu’il s’attache à celui d’un père et de sa fille. Il rajoute le problème de la mémoire, qu’est ce qui reste quand peu à peu les souvenirs s’enfuient, s’évanouissent dans les soleils couchants. Le spectateur s’interroge pendant une bonne partie du film sur ce vieil homme et ses neurones.
Le doute s’insinue sur ce qui appartient à l’âge, peut-être un Alzheimer, et la capacité de profiter de cet état de la part de Claude. Peu à peu nous comprenons l’évidence, derrière la joie de vivre et le jeu de la mémoire trouble se cache l’oubli. C’est sans doute ce qui pousse notre homme à embarquer dans l’avion pour rejoindre son autre fille, avant de la perdre complètement de l’album du temps. C’est le point le plus terrifiant du film quand la réalité lève son voile, mais chut… je ne vous en livrerai pas plus, pour ne pas gâcher le plaisir. C’est donc dans ces territoires retranchés, dans son âme que Floride dissimule son vrai plaisir. La trame est assez classique, la mise en scène joue entre la campagne et cette grande maison où se perd le vieux monsieur comme dans sa mémoire. Il y oppose l’appartement de sa fille à l’espace plus restreint.
De la même façon, la Floride c’est le rêve de l’Amérique idéaliséé, comme sa fille perdue. Il vous faudra voir le film pour revenir saisir complètement mon allusion. Le papier, c’est là ou on inscrit la mémoire pour ne pas la perdre. Comme toujours derrière une réalisation sans fioriture, Philippe Le Guay cache beaucoup plus. Enfin le dernier point important et ce pour quoi il faut voir ce film, c’est le duo Sandrine Kiberlain - Jean Rochefort. Jean Rochefort dont c’est le dernier film, et le plus dur nous avoue le séducteur d’un éléphant entre un ou deux "petite Madame" à ma collègue.
Si Claude son personnage semble oublier, lui reste encore l’acteur brillant que nous connaissons, avec ses anecdotes (Voir Interview), un des derniers géants du cinéma français. Nous sentons toute la saveur, le plaisir et le relief qu’il apporte à son personnage. C’est donc dans les regards, le ton des paroles, les échanges humains que Floride dévoile sa saveur. Nous saluerons la prestation d’Anamaria Marinca, révélée dans la Palme d’or 4 mois, 3 semaines, 2 jours. L’intrigue banale s’efface pour de l’ineffable qu’il vous faudra saisir au vol avant que la mémoire ne l’efface.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Making of
- Clip de la chanson "Puisque vous partez en voyage"
- Bande-annonce
Titre français : Floride
• Réalisation : Philippe Le Guay
• Scénario : Philippe Le Guay et Jérôme Tonnerre, d'après la pièce Le Père de Florian Zeller
• Photographie : Jean-Claude Larrieu
• Décors : Françoise Dupertuis
• Costumes : Élisabeth Tavernier
• Son : Laurent Poirier
• Musique : Jorge Arriagada
• Montage : Monica Coleman
• Production : Philippe Carcassonne, Jean-Louis Livi
• Sociétés de production : F Comme Film ; Ciné@
• Pays d'origine : France
• Format : Couleurs - 1,85:1 - Dolby Digital
• Durée : 110 minutes
• Genre : comédie
• Date de sortie : 12 août 2015
Distribution
• Jean Rochefort : Claude Lherminier
• Sandrine Kiberlain : Alice
• Laurent Lucas : Thomas
• Anamaria Marinca : Ivona
• Coline Beal : Juliette
• David Bennett : un passager
• Delphine Bronzi : l'automobiliste gênée
• David Clark : Andrew Newman
• Michelle Rose Domb : un passager
• Ely Feldman : un passager
• Clément Métayer : Robin
• Tommy O'Brien : le conducteur de taxi
• Romain Sandère : un soldat
• Hervé Terrisse : l'interne
• Loise Teyber
