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affiche Florence Foster Jenkins

Florence Foster Jenkins

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Un film de Stephen Frears ,
Avec Meryl Streep, Hugh Grant, Simon Helberg,

Genre : Biographique
Durée : 1h50
Royaume-Uni

En Bref

Florence aime la musique et plus particulièrement l’opéra. Elle soutient les jeunes cantatrices ou barytons, donnant à l’envi quelques concerts privés. Sa maison est un lieu couru du Tout-New York pour apprécier la bonne et belle musique et les belles voix enivrantes des artistes célèbres de l’époque. De temps en temps, elle se livre même au doux plaisir de l’art vocal et lyrique pour des concerts en comité très restreint. Il existe juste un petit problème, sa voix n’a rien à voir ni à envier à celle des professionnelles. Elle monte vers les cieux dans un désaccord des plus surréalistes et parfois à la limite du supportable. Elle est mariée à un acteur sans talent St.

Clair Bayfield devenu son impresario et protecteur. Il la protège des quolibets et des fous rires de la foule devant une voix qui n’est pas douée pour la musique. Elle est bien la seule, avec quelques opportuns profiteurs, à croire qu’elle a raté sa vocation de cantatrice. Après un silence pour les oreilles de son public dû à la maladie, un cancer qui ne pardonne pas, elle décide de reprendre ses concerts privés et engage un jeune pianiste pour l’accompagner dans ses cours de chant. Le jeune homme est d’abord saisi par tant d’imperfection et finit, par l’appât du gain et peut-être le charme de Florence, par suivre la danse. Tout se passe pour le mieux et reste dans un comité restreint jusqu’au jour où sa voix redonne la joie de vivre aux militaires blessés.

Nous sommes en 1944, ailleurs la guerre fait encore rage et un peu de soulagement est le bienvenu. Elle décide d’offrir à ces pauvres soldats un concert privé au Carnegie Hall, la salle la plus prestigieuse qu’elle loue pour une soirée. Cette fois, c’est à un public venu de tout New York qu’elle affronte et la vérité risque d’éclater. Comment la pauvre Florence Jenkins supportera-t-elle la réalité d’une voix qui n’est faite que pour le miroir de sa salle de bain ? Il faut le reconnaître, pousser la chansonnette est parfois mieux dans son boudoir.


 Laissant au loin le bruit des canons, le rire envahit la salle et le cœur gagne la partie, car il n'existe pas plus noble cause que suivre son cœur. Chanter faux ou juste, qu'importe quand c’est l'âme qui chante.

 Les gens pourront dire que je ne savais pas chanter, mais personne ne pourra dire que je n'ai pas chanté.

 Après Marguerite, de Xavier Giannoli, version romancée, Stephen Frears reprend le personnage de Florence Jenkins et colle à la vraie histoire. Xavier Giannoli construisait une fable sur les apparences, le mensonge, la folie et l’usurpation. La vraie Marguerite était new-yorkaise et s’appelait Florence Foster Jenkins. Certains diront qu’elle possédait la voix d’un marin ivre dans une tempête. «Elle chante comme un million de porcs», renchérit Robert Rushmore, auteur du livre La voix chantante. Elle se produit devant le Tout-New York et les critiques en 1944 au Carnegie Hall. Deux jours plus tard, ironie du sort, elle meurt d’une crise cardiaque dans un magasin de musique. Hergé s’en inspire pour sa Castafiore et Orson Welles dans Citizen Kane. Si la version française montrait un personnage au bord de la folie excentrique, celle-ci est plus sage mais tout aussi passionnée.

 C’est bien cet engouement pour l’art lyrique qui relie les deux, pour le reste, Frears nous propose un autre regard, plus proche de la réalité. La blessure de l’âme pourrait être le fil conducteur de cette histoire d’une femme malade renouant avec sa passion pour le chant lyrique. C’est ce qui la tient debout, la motive pour la conduire au dernier coup d’éclat et mourir. Elle finit emportée par sa maladie, symbolique que l’on retrouve dans ces soldats revenus du front, blessés. En écoutant cette voix improbable, par le rire moqueur qu’elle soulève, ils reprennent le chemin de l’existence. La blessure court en fond du récit et sans doute que le personnage de St. Clair Bayfield en souffre aussi. L’autre thématique est la passion. On peut reprocher à Florence Jenkins une voix de crécelle, mais pas son engouement et tout le soutien qu’elle apporte à l’art lyrique.

 Meryl Streep joue cette carte pour nous faire aimer son personnage qui se laisse emporter par son rêve contre vents et marées. Elle compose une femme tout en délicatesse, en nuances, qui tient par son envie d’être cantatrice et son amour particulier pour St. Clair Bayfield. Ils forment un couple amoureux acceptant les sacrifices nécessaires pour que cette flamme ne s’éteigne pas. Elle ignore ses escapades nocturnes et lui la protège des mauvais esprits. De la même façon, la relation entre elle et son pianiste se base sur l’amour de la musique. Ce sont des liens dépassant les mauvais tours que nous joue la vie, comme une une voix qui éloigne Mme Jenkins de ses ambitions.

Stephen Frears se concentre sur ses personnages en explorant les liens qu’ils tissent entre eux. Il démontre qu’un rêve vaut beaucoup plus que les moqueries ou ce haras de profiteurs attirés par l'argent facile. Ironie du sort, à l’époque, les enregistrements de Florence Jenkins se vendaient à prix d’or, explosant les chiffres. C’est entre les lignes qu’il faut lire Florence Foster Jenkins, tout se cache derrière les apparences masquant des personnages qui trouvent leur place dans la galerie de portraits de Stephen Frears au côté des déglingués de la vie de ses premiers films. Nous retrouvons toute l’ironie du rire cachant un drame plus profond de ces délaissés de la société.

 Patrick Van Langhehoven

Note du support : n/a
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Ciné Région : Comment avez-vous découvert ce personnage ? Vous aviez déjà l'idée que ce serait Meryl Streep qui l’interpréterait ? »

Stephen Frears : Au fond pas du tout, on m’a envoyé ce scénario et je l'ai découvert comme ça... On m'avait également envoyé des enregistrements YouTube de la voix de Florence Foster, ils m'ont fait rire. Ils m'ont touché et je me suis dit que cette histoire me plaisait et qu'elle était merveilleuse. Ensuite on m'a proposé Meryl Streep pour le rôle et j'ai évidemment dit oui.

 Ciné Région : Et vous Hugh comment avez-vous découvert cette histoire ? 

Hugh Grant : Moi je connaissais un petit peu l'histoire, car une cousine m'avait envoyé une k7 et j'avais adoré ça, c'était dans les années 70 alors quand Stephen m'a envoyé le script et m'a dit qu'il y aurait Meryl Streep au casting et que c'était lui qui réalisait, j'y suis allé sans hésiter. 

 Ciné Région : Est-ce que vous aviez l'idée dès le début de l'écriture de mettre en écho le personnage qui chante faux et la guerre, une façon drôle de dire que chanter mal, c'est pire que la guerre. 

Stephen Frears : Non. Après, en fait, c'est vrai en un sens que pour Florence et son mari, ce qui les rend étranges et grotesques c'est un peu ce qu'ils ressentent. Mais c'est vrai je n'y avais pas pensé. 

 Ciné Région : Est-ce que ce n'est pas un film plus sur St Clair Bayfield finalement, plutôt que sur le personnage interprété par Meryl Streep ? Son personnage est un peu désabusé sur la célébrité  et justement Hugh Grant, vous aviez dit dans une récente interview que vous réfléchissiez à quitter le monde du cinéma... C'est justement en écho à ces déclarations que vous avez accepté ce rôle ? 

Hugh Grant : C'est vrai que dans le film, aucun des personnages ne refuse la célébrité. C'est vrai que j'ai une réelle sympathie pour ce personnage, quand j'ai fait mes recherches sur lui, j'ai appris à le connaître. Il faut bien l'avouer, c'est un acteur raté, il n'avait pas de famille, c'était un personnage tragique en quelque sorte. Il a eu la chance de rencontrer cette femme très riche qui lui a apporté un statut social. Lorsque j'ai lu ce scénario, j'ai été charmé par ce personnage, l'allure aristocratique de St Clair alors qu'il est en fait sans travail et sans famille en réalité. 

 Ciné Région : Le film est une histoire à trois personnages, celui que vous révélez c'est cet extraordinaire pianiste. Est-ce que sa sélection s'est déroulée comme dans le film ? 

Stephen Frears : C'est vrai qu'au départ, Alexandre Desplat m'a dit : « prends un pianiste qui sache un peu jouer la comédie, mais ne prends pas un acteur qui sache mal jouer du piano » et puis au final on m'a dit que la personne que je cherchais c'était Sim Helberg. Je l'ai rencontré et il a un visage tellement expressif que je me suis senti tout à fait en confiance. Au fur et à mesure, le tournage approchant on m'a dit que Florence avait une relation vraiment particulière avec son pianiste, je devais plus travailler sur cette relation. Simon est allé voir Meryl à New York et c'est ce qui a soudé cette relation à l'écran. 

Ciné Région : J'ai lu que vous aviez été très intimidé de jouer avec Meryl Streep au début, quelle est la première scène que vous avez jouée avec elle ? Avez-vous pu parler cinéma dans les coulisses ? Quel genre de cinéma ? 

Hugh Grant : La rencontre a eu lieu lors d'un dîner organisé par un producteur et vous savez, rencontrer Meryl Streep… on a l'impression d'être en face d'un professeur d'université tellement elle est érudite et superbe, en même temps elle est très simple. La première fois que j'ai réellement joué avec elle, c'était lors d'une lecture générale, elle a été incroyable, jouer avec quelqu'un de meilleur que vous vous rend meilleur et c'est fabuleux. J'ai essayé de lui faire dire des trucs pas sympas sur les autres acteurs, etc., mais elle est bien trop sympa et professionnelle. 

 Ciné Région : Votre personnage est un acteur qui fait la distinction entre être un bon acteur et un grand acteur. C'est un homme dont on a le sentiment qu’il peut jouer un rôle auprès de cette femme qui ne l'aime pas véritablement. Pourtant à la fin, on a l'impression qu'il l'aime. Quelle a été votre vision sur ce personnage et ses sentiments envers cette femme ? »

Hugh Grant :  Je pense  que, hélas, la plupart des acteurs sont des bons acteurs, 99,9% des acteurs sont dans cette catégorie, et puis il y a quelques grands acteurs. Meryl Streep en fait partie, Robert de Niro, Gérard Depardieu  également, ils ont une présence à l'écran, quelque chose en plus.

C'est vrai que ce qui m'attirait dans ce rôle, c'est que ce personnage est complexe, il est profondément égoïste puisqu'il ne serait rien sans elle, lorsqu'il la protège il se protège aussi et il le fait jusqu'au bout. Il aime ce rôle d'être le mari dévoué, mais je pense qu'à la fin, il en vient à l'adorer et l'aimer réellement. Ce sont des gens un peu à part qui se sont accrochés l'un à l'autre. 

 Ciné Région : Il fait en sorte de cacher les mauvaises critiques à Florence, est-ce que vous avez des amis qui vous cachent aussi les mauvaises critiques ? Comment avez-vous préparé la scène de danse ? Êtes-vous un bon danseur dans la vraie vie ? »

Hugh Grant : J’espère, c'est vrai, que les bons amis sont les premiers à réagir aux mauvaises critiques. Je les lis et bien sûr, ça me fait quelque chose... Concernant la danse, oui j'aime faire ça, mais je danse généralement devant mes enfants. Pour parler de la scène dans le film, c'était un cauchemar, je me suis entrainé durant 8 semaines, mais j'ai trouvé ça plutôt drôle. 

 Ciné Région : Quels ont été vos pires partenaires ? Et comment réagissez-vous lorsque cela se passe mal ? »

Hugh Grant : J'adorerais vous le dire, la liste est longue ! Il y a une chose un peu étrange, quand on hait un de ses partenaires et que c'est réciproque, à l'écran ça passe comme une relation un peu amoureuse, un peu sexy. 

 Ciné Région : À un moment dans le film Florence dit « les gens pourront dire que je ne sais pas chanter, mais personne ne pourra dire que je n’ai pas chanté», est-ce que c'est aussi un message du film, dire qu'il faut aller au bout de ses rêves mêmes si on le paie cher ? 

Stephen Frears : Oui absolument, ce sont les phrases les plus révélatrices que ce qui se passait vraiment dans la tête de Florence. 

Hugh Grant : Je crois que c'est vrai dans la vie, que la fortune sourit à ceux qui osent, 95% du succès c'est déjà de tenter. Malheureusement pour moi, je n'ai retenu aucune de ces leçons. 

 Ciné Région : Quels étaient vos rapports avec la musique lyrique avant ce film ? 

Stephen Frears : Je dois dire que je connais très peu de choses en musique, mais heureusement, autour de moi, je connais des gens qui sont très connaisseurs, notamment Alexandre Desplat. 

Hugh Grant : C'est vrai qu'un des avantages de ce tournage, c'était de découvrir certains morceaux de musique. Alors j'écoutais les vraies chansons, proprement chantées sur iTunes. 

 Ciné Région : Est-ce que c'est elle qui chante ? 

Stephen Frears : Oui, même lors de la dernière scène où elle chante merveilleusement bien. Ç’a été préenregistré, mais c'est bien la voix de Meryl Streep. 

 Ciné Région : Hugh, qu'est-ce que ça vous fait d'avoir tourné avec Donald Trump ? 

Hugh Grant : Je ne me souviens plus beaucoup, mais je suis désolé de dire qu'avec moi il était plutôt charmant, il m'a même fait membre de son club de golf à NY, je n'y suis jamais allé, mais il était plutôt sympa. Lorsque j'ai tourné cette scène avec lui, j'étais loin de m'imaginer que j'avais peut-être en face de moi le futur président des États-Unis. 

Ciné Région : Pourquoi avoir choisi de coller autant à la réalité en faisant un biopic ? 

Stephen Frears : C'est vrai que tous les films, lorsqu'on les commence, sont complexes. Je pars toujours d'une situation réelle, mais après j'insère de la fiction, ma vision des choses. C'est pareil pour mes autres films The Queen et Philomena. A chaque fois je ne pense pas  mes films comme des documentaires. Après, pour ce film, bien sûr, j'ai commencé par m'intéresser à la réalité et en particulier la réalité de sa voix à travers YouTube. Mais pour moi, c'est un film de fiction avant tout. Je crois qu'aujourd'hui, beaucoup de films sont faits à partir d'histoires réelles parce que notre siècle est rempli d'histoires bizarres et c'est pour ça qu'il y a cette tendance à faire des films qui parlent ou s'inspirent du réel. Il y a peu, j'ai rencontré Isabelle Huppert qui est une de ces grandes actrices dont on parlait tout à l'heure, et c'est pareil pour les films qu'elle a tournés avec Claude Chabrol. J'essaye de comprendre le monde dans lequel on vit, ce qui se passe par exemple dans mon pays qui est géré par des fous.  

 Ciné Région : Si on reste sur l'idée des bizarreries de la réalité, c'est la première fois qu'Hugh Grant joue un personnage de son âge. Vous êtes-vous nourri de votre passé, de vos regrets ? »

Hugh Grant : C'est vrai qu'on essaye toujours d'utiliser des choses de notre propre expérience, peut-être qu'à mon âge je suis plus apte à exprimer l'amour, par exemple. Ça a sûrement aidé dans la construction de ce personnage. 

Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven retranscrite par Sarah Lehu et corrigée par Françoise Poul.

Titre original : Florence Foster Jenkins

    Réalisateur : Stephen Frears

    Scénariste : Nicholas Martin

    Décors : Campbell Mitchell et Garry Moore

    Costumes : Consolata Boyle et Marion Weise

    Photographie : Danny Cohen

    Montage : Valerio Bonelli

    Musique : Alexandre Desplat

    Production : Mickael Kuhn et Tracey Seaward

    Sociétés de production : Qwerty Films ; Pathé et BBC Films (coproductions)

    Société de distribution : 20th Century Fox (Royaume-Uni), Pathé Distribution (France)

    Pays d'origine : Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni / Drapeau de la France France

    Langue originale : anglais

    Format : couleur

    Genre : biographie

    Durée : 110 minutes

    Dates de sortie : 13 juillet 2016

Distribution

    Meryl Streep (VF : Frédérique Tirmont) : Florence Foster Jenkins

    Hugh Grant (VF : Thibault de Montalembert) : St. Clair Bayfield

    Rebecca Ferguson (VF : Laura Blanc) : Kathleen

    Simon Helberg (VF : Hervé Rey) : Cosmé McMoon

    Nina Arianda (VF : Véronique Alycia) : Agnès Stark

    John Kavanagh : Arturo Toscanini

    Liza Ross : Mme EE Paterson

    Aida Garifullina : Lily Pons

    David Haig (VF : Renaud Marx) : Carlo Edwards

    Christian McKay (VF : Guillaume Lebon) : Earl Wilson