L’histoire commence dans les années sombres de 1933, la famine touche une partie de la population et c’est dans ces conditions que se croisent les routes d’un jeune orphelin et d’un officier russe. Nous retrouvons Leo Démitov quelques années plus tard, il occupe une place importante au sein du MGB, la police secrète. Il obéit aveuglément à sa hiérarchie, le communisme ne tolère pas le désordre ou la désobéissance. Le meurtre de l’enfant de son ami et collègue se transforme en accident. C’est un mal du capitalisme, on ne tue pas au paradis. La pilule amère passe jusqu’au jour où, obligé de dénoncer sa femme, il se retrouve exilé dans un coin perdu de l’amère patrie.
Rétrogradé au rang de simple soldat de la milice, il se retrouve rattrapé par les meurtres de ces enfants perdus. Un cadavre découvert dans les bois éveille son attention et pousse Démitov sur la piste du tueur. Cette fois il ne lâchera pas et malgré la suspicion, la paranoïa, le risque de dénonciation, il continue sa traque du meurtrier. Il dénombre 44 enfants et, loin de l’ombre de Moscou, espère démasquer la bête qui se cache dans les environs de Rostov. Il reste peu de temps à notre homme pour débusquer la bête ou se faire rattraper par le pouvoir qui ne souhaite pas étaler au grand jour cette réalité.
« Il n’existe pas de serial killer ou de tueur au Paradis ! »
Enfants 44 se perd dans le trop-plein de points de vue, variations autour d’Andrei Romanovich Chikatilo, surnommé l’ogre de Rostov. On l’exécutera le 14 février 1994 après avoir recensé 53 victimes reconnues. Enfants 44 raconte toute la traque avec une variation du monstre en prenant le point de vue de Démitov, un jeune orphelin. Leurs routes se croisent à l’orphelinat, se pose la question de la naissance d’un monstre ou d’un héros. Ils possèdent les mêmes origines, mais leur destin est différent. Qu'est-ce qui fait de vous un héros ou un salopard, votre entourage, le soin que l’on prend de vous ou est-ce dans vos gènes ? L’histoire joue du sensationnel avec ces corps d’enfants découpés aux organes dérobés. Il consommait ses victimes. Tom Hardy compose un flic qui finit, par son obstination et ses questionnements, à remettre en cause les décisions de ses supérieurs.
Face à lui le tueur est une pâle figure de ce que nous avons déjà vu dans Le silence des agneaux, Seven ou autres serial killers. Il manque du relief au méchant de l’histoire, pas de regard sur son parcours, ni sa montée en puissance. Le sujet du film n’est pas dans la confrontation du bien et du mal, mais plutôt du mensonge et de la vérité. Le sujet se trouve dans un Etat qui manipule l’histoire pour en donner une version qui serve ses intérêts. C’est sans doute le côté le plus passionnant. Il rend sa diffusion en Russie interdite. La question du monstre se pose sous un autre angle : un pays qui déporte ses populations, envoie au goulag, déporte et massacre des ethnies comme les habitants de l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Tchétchénie, tout ce que dévoile le système stalinien aujourd’hui interroge forcément.
« Il n’existe pas de serial killer ou de tueur au Paradis ! » dans cette phrase tout est dit de la négation du criminel, de la paranoïa. Il n’existe que des ennemis de l’Etat. D’ailleurs il reprend la théorie sur les déviations de l’ogre de Rostov, elles viennent de son passé dans l’Allemagne nazie. La suspicion est portée à son comble, on soupçonne, sa femme, ses amis. Les dénoncer devient une question de survie et peut aller jusqu’à créer des complots de toute pièce. Cette thématique se perd dans le trop-plein du film. Quelques coupes et des ellipses sur la vie des personnages n’auraient pas nui à la construction et au dynamisme du film. Thriller politique ou serial killer policier finissent par se gêner dans le bon déroulement du récit. Le film reste agréable, malgré tout, pour les questions qu’il soulève.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus :
Coulisses
Bande-annonce
Titre original : Child 44
Titre français : Enfant 44
Réalisation : Daniel Espinosa
Scénario : Richard Price, d'après Enfant 44 de Tom Rob Smith
Direction artistique : Jan Roelfs
Décors : Erik Polczwartek
Costumes : Jenny Beavan
Photographie : Philippe Rousselot
Son :
Montage : Dylan Tichenor
Musique : Jon Ekstrand
Production : Michael Schaefer, Ridley Scott et Greg Shapiro
Sociétés de production : Scott Free Productions, Summit Entertainment, Stillking Films et Worldview Entertainment
Sociétés de distribution : États-Unis Summit Entertainment, Drapeau : France SND
Budget : 50 millions de $
Pays d’origine : États-Unis, Royaume-Uni et République tchèque
Langue originale : anglais
Format : couleur -
Genre : Thriller
Durée :2h17
Distribution
Tom Hardy (VF : Jérémie Covillault) : Leo Demidov
Gary Oldman (VF : Gabriel Le Doze) : le général Timur Nestorov
Noomi Rapace (VF : Julie Dumas) : Raisa
Joel Kinnaman (VF : Thibaut Lacour) : Wasilij Nikitin
Jason Clarke (VF : Boris Rehlinger) : Anatoly Brodsky
Vincent Cassel (VF : lui-même) : Dr Zurabin
Paddy Considine (VF : Guillaume Lebon) : Andrej / Vlad
Fares Fares (VF : Serge Biavan) : Alexeï Andreyev
Nikolaj Lie Kaas (VF : Patrick Mancini) : Ivan Sukov
Charles Dance (VF : Féodor Atkine) : le major Gratchev
Josef Altin : Alexander
Agnieszka Grochowska (VF : Élisa Bourreau) : Nina Andreyeva
Sam Spruell : Docteur Tyapkin
Anna Rust : Sasha
Michael Nardone : Semyon Okun
Xavier Atkins : Pavel