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affiche En Guerre

En Guerre

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Un film de Stéphane Brizé ,
Avec Vincent Lindon, Mélanie Rover, Jacques Borderie,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h53
France

En Bref

Ils avaient passé un pacte, fait de sacrifice pour que leur emploi perdure et que l’usine Perrin se relève. Deux ans sur quatre qui ne servent à rien, le PDG allemand du groupe Dimke bafoue la parole donnée. Les actionnaires et l’argent passent avant les 1100 salariés sacrifiés sur l’autel libéral. Laurent, représentant syndical et les autres membres refusent cette mort annoncée et décident de tout faire pour garder l’emploi des ouvriers. Ils commencent par dialoguer avec l’entreprise qui fait la sourde oreille.

Peu à peu, la tension monte, c’est une guerre qui ne dit pas son nom qui commence. Comme dans toute guerre, il y aura des gagnants et des perdants, des trahisons et des mensonges, des actes de bravoure et des jours noirs. La lutte se montre solidaire, le groupe des condamnés fait front et résiste aux premières tempêtes. Viens le temps des trahisons où le patron divise les troupes. Les alliés d’hier abandonnent  la ligne et ainsi  s’ouvre la brèche. C’est le début de la fin, Laurent et les derniers résistants dans un camp retranché pourront-ils encore tenir longtemps ? Les morts ne se relèveront pas, tout comme les âmes brisées laissées dans les charniers de la bataille.


Laurent nous fait penser à Thierry, le personnage de La loi du marché condamné à n’importe quel emploi pour ne pas mourir. Thierry acceptait l’accord de fermeture de l’entreprise, à l’inverse, Laurent refuse cette mort annoncée. Leur histoire s’achève de manière différente. C’est dans le même esprit que Stéphane Brizé tourne cette bataille, un cinéma brut touchant à la vérité. Ne cherchez pas l’histoire de Perrin, c’est une invention de Stéphane Brizé et de son coscénariste, Olivier Gorce. Elle vous rappellera pourtant le gout amer d’autres batailles sacrifiées à la délocalisation et aux licenciements boursiers, comme Goodyear, Continental, Whirlpool, Sanofi, et bien d’autres. Nous les avons découverts dans des documentaires de Wonder autrefois, aux prochaines victimes de la mondialisation.

Le film puise dans le documentaire et la fiction, son immersion dans le cœur des batailles. Il saisit au vif ces moments d’espérances, de trahison, d’une guerre qui ne dit pas son nom. Vincent Lindon, prix d’interprétation à Cannes pour La loi du marché s’empare du personnage et plonge avec sincérité et vérité dans le cœur de la lutte. Autour, les non-professionnels, excellents, sont aussi portés par le récit, incarnant leur propre rôle. Nous découvrons une « vraie » avocate, de « vrais » syndicalistes, un vrai patron… La musique, parfois proche du western avec ces battements de tambour guerrier nous rappelle Alamo et son sacrifice. Le réalisateur, certes, choisit son camp, mais évite dans le récit de prendre parti. Il trouve son équilibre dans un regard juste, développant l’arc dramatique dans ce nouveau genre qu’il a participé à créer.

Il pose les questions de l’intervention de l’Etat, de la rentabilité, de la compétition dans un monde où les ouvriers d’hier deviennent de simples pions sur l’échiquier boursier. Face à la loi de l’argent, l’Etat ne peut que se taire, incapable de défendre ses citoyens. Face au dialogue, c’est souvent la force qui répond et qui finit par faire monter la colère dans le cœur de tous. Il montre des ouvriers se trahissant, alors que le patronat tient bon, malgré ses dissensions. Il balaie tous les aspects de cette guerre, des dommages collatéraux aux derniers cadavres sur le champ de bataille. C’est la mort qui finit par gagner, celle d’une usine et peut-être bien plus. La fin reste saisissante, elle montre bien plus que du désespoir.

 Patrick Van Langhenhoven

L'avis de Françoise

Le coup de maitre de Brizé, c’est de pratiquer l’analyse des mécanismes de la lutte, de sa force et de ses limites. Il est intéressant de constater qu’un film classé dans les œuvres de fiction parvient à décortiquer, pour ainsi dire en temps réel, les différents temps du mouvement. Tout d’abord unis, les ouvriers étranglés par les revenus qui fondent au fil de la grève, épuisés par cette lutte qu’ils doivent conjuguer avec leur vie privée et familiale, finissent par se déchirer. Le nœud coulant de la précarité qui menace est le joker des patrons. Il leur suffit d’attendre, puis de promettre un chèque, le plus petit possible, pour que le mouvement s’effrite.

Brizé rend lisible le ballet des chaines d’info qui font tout pour faire de l’audience et transforment par leur mise en scène sensationnaliste, des actes de désespoir en actions apparentées à la délinquance, au vandalisme gratuit, pour ainsi dire à la barbarie.

Mais qui sont les barbares ? A la bonne foi et aux sacrifices consentis par les ouvriers, une direction sourde et obtuse ne répond que profits et objectifs insuffisants. Ajoutons les larmes de crocodile de circonstance des délégués de la firme et le comportement timoré des représentants de l’Etat qui soutiennent le mouvement mais se retirent dès que la tension augmente…

On retrouve de façon quasi pédagogique les rouages des nombreuses luttes qui ont fait la une des journaux récemment, et ce n’est pas un hasard si le nom de Xavier Mathieu (ex-ouvrier de chez Continental) figure au générique.

Vincent Lindon est impérial. Il fulmine, crie, vitupère, se démène, mais aussi fait en sorte d’éviter les débordements du mouvement avec une rectitude qui force le respect. N’oublions pas les moments d’humour, on peut être en grève et avoir la capacité de rire, ça permet de décompresser et de tenir.

Le film ménage des temps sans paroles avec une musique stridente, à l’image de l’industrie, qui permet au spectateur d’encaisser ce processus inéluctable qu’on pressent destructeur.

En guerre aurait aussi pu s’appeler La loi du marché… Malheureusement le titre était déjà pris par un certain Stéphane Brizé !

F Poul

Note du support :
4
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Français Dolby Digital 5.1,2.0
Sous-titres : Audiodescription (pour malvoyants)
Edition : Diaphana

Bonus:

Lien vers la version numérique de "L'Avant-scène cinéma" consacrée au film

  • Commentaire audio de Stéphane Brizé
  • Bande-annonce
  • Le DVD du filmÀ propos du casting (23 min)
  • Discussion sur le film avec Frédéric Lordon (16 min)

    Titre original : En guerre

    Titre international : At War

    Réalisation : Stéphane Brizé

    Scénario : Stéphane Brizé et Olivier Gorce, en collaboration de Xavier Mathieu, Ralph Blindauer et Olivier Lemaire

    Décors : Valérie Saradjian

    Costumes : Anne Dunsford-Varenne

    Photographie : Éric Dumont

    Son : Hervé Guyader

    Montage : Anne Klotz

    Musique : Bertrand Blessing

    Production : Philip Boëffard et Christophe Rossignon ; Stéphane Brizé et Vincent Lindon

    Sociétés de production : Nord-Ouest Films ; France 3 Cinéma (coproduction)

    Société de distribution : Diaphana Films

    Pays d’origine : France

    Langue originale : français

    Format : couleur

    Genre : drame

    Durée : 105 minutes

    Date de sortie : 15 mai 2018 (Festival de Cannes) ; 16 mai 2018 (sortie nationale)

Distribution

    Vincent Lindon : Laurent Amédéo

    Mélanie Rover : Mélanie, la syndicaliste CGT

    Jacques Borderie : M. Borderie, le directeur d’établissement

    David Rey : le directeur administratif et financier

    Oivier Lemaire : le syndicaliste SIPI

    Isabelle Rufin : la directrice des ressources humaines