« Il y a beaucoup de gens dont la facilité de parler ne vient que de l’impuissance de se taire. » Cyrano
Le jeune Edmond Rostand n’est pas encore au sommet de sa gloire, ce serait même le contraire ! Malgré le soutien de la grande Sarah Bernhardt, sa dernière pièce est un four. Il lui faut très vite trouver une nouvelle idée, qui ne vient pas, pour relancer sa carrière. Sur les conseils de sa protectrice, il se rend chez le grand Constant Coquelin pour lui soumettre au pied levé une comédie héroïque, avec un héros au grand panache et au grand nez. Devant l’enthousiasme de l’acteur, il ne lui reste plus que vingt-quatre heures pour écrire les premières lignes.
Il possède déjà un titre, Cyrano de Bergerac. Entre les amours de son meilleur ami, quelques soutiens financiers, un grand acteur et sa femme, il devrait bien trouver l’inspiration en piochant par-ci par-là quelques idées de la vie réelle à transposer au cœur de son histoire. Le temps presse et son collègue au succès fulgurant, Georges Feydeau, le nargue sans vraiment croire à son succès. Le Tout Paris ne croit guère en cette pièce qui n’est ni un drame, ni une comédie. Entre des acteurs impatients et les beaux yeux d’une belle, il a fort à faire pour qu’enfin la gloire s’invite au rendez-vous.
« Ainsi, il y a un chef-d’œuvre de plus au monde », écrit Jules Renard le soir de la générale.
C’est en voyant Shakespeare in Love et en lisant dans un dossier pédagogique les circonstances de la création de Cyrano de Bergerac qu’Alexis Michalik a l’idée de la pièce qui a fait un tabac sur plusieurs saisons dans les théâtres parisiens et récolté 5 Molières, puis du film. Edmond, c’est d’abord une plongée dans une époque foisonnante dans laquelle le cinéma balbutie à peine. Feydeau avec ses vaudevilles, Courteline ses comédies et l’arrivée du théâtre réaliste étranger avec Strindberg, Ibsen enchantent le public. L’époque est à la morosité, la défaite de 1870 se fait encore sentir, l’affaire Dreyfus débute, un attentat anarchiste coûte la vie au président Sadi Carnot. Dans la réalité, Edmond Rostand aide bien son ami à séduire une jeune péronnelle comme Cyrano, Christian.
« Veux-tu me compléter et que je te complète ? Tu marcheras, j’irai dans l’ombre à ton côté : je serai ton esprit, tu seras ma beauté. »
Depuis longtemps, le personnage de Savinien de Cyrano de Bergerac hante l’esprit de notre poète. Il s’inspire des Grotesques de Théophile Gautier pour son physique. Il mélange sa propre histoire à celle du personnage pour accoucher d’une comédie héroïque, comme il le disait lui même. C’est en s’inspirant de tout cela que le jeune Alexis Michalik, porté par la chance de la pièce, écrit cette histoire d’une création mouvementée. Edmond rejoint un peu le théâtre romantique et de nombreuses autres influences comme la comédie à la Molière, l’épique de la comédie héroïque. Elle mélange les genres avec grâce et talent, alternant le registre noble et familier dans ses alexandrins.
« Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non, non c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »
A la sortie de la pièce, certains la trouveront un rien cocardière, d’autres valorisent le culte du héros. Edmond s’appuie sur tout cela, sans alexandrins mais avec délicatesse et subtilité. Il évoque la dépression de l’auteur, puis son enthousiasme, sans trop croire au succès. Nous plongeons surtout au cœur de la création d’un grand classique, le plus joué dans le monde. Apparaissent les affres de la page blanche, l’enthousiasme débordant, le tout sur fond amoureux. C’est une œuvre de passion, une grande déclaration à l’être aimé. Michalik s’en amuse avec les différentes amourettes, passions débordantes et pour finir, l’amour, le vrai, l’éternel chant de l’aurore. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas spolier la fin. Jean Rostand affirme que son père y voyait une symphonie, on y décèle « cinq mouvements musicaux avec chacun son caractère, son thème, son rythme ». C’est sans aucun doute un autre succès que nous invite à découvrir le réalisateur, avec cette alchimie qui devrait se transformer en or. Nous laisserons le dernier mot à Cyrano.
« Un baiser, qu’est-ce ? Un serment fait d’un peu plus près, un aveu qui veut se confirmer, un point rose qu’on met sur l’I du verbe aimer ; c’est un secret qui prend la bouche pour oreille. »
Patrick Van LanghenhovenLes extraits sont tirés de la pièce d’Edmond Rostand.
Bonus:
Making of (34')
Michalik est un illusionniste Après avoir rempli le Théâtre du Palais Royal et remporté cinq Molière, le conteur, acteur et réalisateur transpose son formidable « Edmond » à l’écran. Même verve, même entrain et même plaisir. Rencontre lors du 27 festival du film de Sarlat
D’où est venue cette envie d’adapter votre « Edmond » à l’écran ?Merci à Marie-Aimée BONNEFOY pour la transcription.
Titre : Edmond
Réalisation : Alexis Michalik
Adapté de la pièce homonyme d'Alexis Michalik
Producteurs : Alain Goldman, Benjamin Bellecour et Vanessa Djian
Sociétés de production : Légende Films, Rosemonde Films et Umedia
Société de distribution : Gaumont
Musique : Romain Trouillet
Directeur de la photographie : Giovanni Fiore Coltellacci
Direction artistique : Franck Schwarz
Décors : Franck Schwarz
Costumes : Thierry Delettre
Casting : Michael Laguens
Durée : 1h50
Genre : comédie dramatique, film historique, biographie
Lieux de tournage : Prague
Date de sortie : 9 janvier 2019
Distribution
Thomas Solivérès : Edmond Rostand
Alexis Michalik : Georges Feydeau
Clémentine Célarié : Sarah Bernhardt
Olivier Gourmet : Constant Coquelin
Mathilde Seigner : Maria Legault
Benjamin Bellecour : Georges Courteline
Nicolas Briançon : Jules Claretie
Lucie Boujenah : Jeanne d'Alcie
Igor Gotesman : Jean Coquelin
Tom Leeb : Leo Volny
Simon Abkarian : Ange Fleury
Marc Andréoni : Marcel Fleury
Jeanne Arènes : Jacqueline
Alice de Lencquesaing : Rosemonde Gérard
Jean-Michel Martial : Monsieur Honoré
Dominique Pinon : Lucien
Blandine Bellavoir : Suzon
Guillaume Bouchède : Le Bret
Hélène Babu : Mère Rose
Antoine Duléry : l'arrogant
Olivier Lejeune : le vieux cabot
Lionel Abelanski : l'huissier
Bernard Blancan : le client raciste
Sophie de Furst : la collègue de Jeanne
Marc Citti : le réceptionniste
Dominique Besnehard : le Directeur de la Renaissance