En vue de la projection spéciale à la Médiathèque de son film à succès qui date des années 80, Sabor, le réalisateur Salvador Mallo est amené à effectuer un retour sur sa vie. Voilà un bon moment qu’il vit prostré chez lui, assailli par de multiples douleurs dorsales, accompagnées de migraines. Mais surtout, il doute de sa capacité à créer encore. Il voit sa gloire décliner, son inspiration se tarir, et la solitude recouvrir tout son espace.
Il doit, à la demande des organisateurs, reprendre contact avec Alberto, l’acteur principal du film avec lequel il est brouillé depuis de nombreuses années.
Le facétieux Pedro Almodóvar l’annonce. Il s’agit d’une autofiction. Le fameux « mentir vrai » qui permet de livrer un maximum de choses tout en se préservant. Il retrouve Antonio Banderas dont il fait son double à n’en point douter. Et la mise en abyme de la brouille et des retrouvailles entre Salvador et Alberto, toute fictive qu’elle soit, ne trompe pas grand monde. Almodóvar met en images l’automne de sa vie, qui ne représente finalement que 70 printemps, ce qui lui laisse, souhaitons-le un avenir fécond.
L’usure du temps et du corps, le temps des excès qui rythmaient la Movida sont évoqués. Le réalisateur nous balade dans une réflexion géante en forme de puzzle qui nous entraine d’aujourd’hui au temps de la petite enfance. Les scènes s’imbriquent de façon virtuose, nous donnant un aperçu du tournis qui est le sien lorsqu’il absorbe des substances pour soulager son dos.
La tonalité douce-amère est très présente, signant Le film de la maturité. Douleur et Gloire est sans doute moins foutraque, moins flamboyant, mais il y gagne en richesse, en épaisseur. Que devient un auteur qui ne tourne plus ? Il ne vit plus. Il reste l’écriture et les souvenirs. Lorsqu’il sort de sa tour d’ivoire, Salvador reprend un peu de forces. Il est très étonné de savoir que le public acclame encore son œuvre. Petit à petit, il est amené à reprendre langue avec le passé, à purger des blessures anciennes. Les retrouvailles avec Alberto sont à la fois cocasses, mouvementées et touchantes. La rencontre avec son ancien amant, totalement bouleversantes.
Chez Almodóvar, il est toujours un passage par l’enfance idéalisée, empreinte de nostalgie. Une fois de plus, Penelope Cruz crève l’écran dans les paysages bucoliques des alentours de Valence. Elle endosse un rôle de mère battante, pétrie d’amour pour son fils. L’autre temps fort de cette période est nommé « el primer deseo », le premier désir, dans lequel le jeune Salvador est happé par la beauté d’un jeune homme en train de se laver. L’enfance est baignée dans une lumière solaire, dorée, magnifique. Nous noterons que la société de production du cinéaste se nomme El Deseo…
Nous ajouterons que dans le cadre de l’autofiction, l’appartement de l’auteur a été reconstitué en studio et que Banderas porte les vêtements de Pedro.
Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est faux ? Peu nous importe car nous assistons peut-être au plus beau et profond film de son auteur.
Françoise Poul
Titre original : Dolor y gloria
Réalisation et scénario : Pedro Almodóvar
Musique : Alberto Iglesias
Photographie : José Luis Alcaine
Montage : Teresa Font
Direction artistique : María Clara Notari
Décors : Antxón Gómez
Costumes : Paola Torres
Production : Agustín Almodóvar et Esther García
Société de production : El Deseo
Société de distribution : Pathé (France)
Pays d'origine : Espagne
Langue originale : espagnol
Genre : drame
Format : couleur - DTS / Dolby Digital / SDDS
Durée : 113 minutes
Dates de sortie : 17 mai 2019 (Festival de Cannes 2019 et sortie nationale)
Distribution
Antonio Banderas (VF : Bernard Gabay) : Salvador Mallo
Penélope Cruz (VF : Anneliese Fromont) : Jacinta jeune
Asier Etxeandia (VF : Laurent Maurel) : Alberto Crespo
Leonardo Sbaraglia : Federico
Nora Navas : Mercedes, l'assistante de Salvador
Cecilia Roth : Zulema
Julieta Serrano (VF : Colette Venhard) : Jacinta âgée
Raúl Arévalo : le père de Salvador
Susi Sánchez (VF : Anne Plumet) : Beata
Rosalía : Rosita
Pedro Casablanc : le docteur Galindo
Julián López : Présentateur
Eva Martín : Radiologiste
César Vicente : Albañil
Asier Flores : Salvador enfant
Sara Sierra : Conchita
Xavi Sáez : Spectateur
Agustín Almodóvar : Prêtre
Esther García
Alba García
Paqui Horcajo
Marisol Muriel
Neus Alborch