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affiche Dogman

Dogman

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Un film de Matteo Garrone ,
Avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce, Alida Baldari Calabria,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h42
Italie

En Bref

Marcello, toiletteur pour chien et dealer à ses heures perdues, mène une petite vie tranquille dans une station balnéaire oubliée de la Campanie. La vie de Marcello est rythmée par sa passion pour ses chiens et sa fille qui lui rend visite régulièrement. C’est avec elle qu’il touche au paradis dans les profondeurs de l’océan, amoureux de la plongée tous les deux. Entre les récifs perdus dans le silence bleu, il oublie cette petite vie de misère à laquelle il faut bien s’accrocher. Il trouve sa place au cœur du quartier avec ses amis commerçants et ses clients satisfaits. La vie défile, tranquille, sans troubler ses petits bonheurs, ces riens qui la rendent plus souriante. L’équilibre instable se brise avec la sortie de prison de son ami Simoncino, une brute épaisse, uniquement guidée par ses instincts primaires. Marcello, brave homme entre peur et amitié sincère, se retrouve de nouveau embarqué dans des coups à la petite semaine. Dans le quartier, la présence de Simoncino devient une menace pour les braves commerçants harcelés par la montagne de muscles. Ils envisagent même le pire, surpassant leur peur moins terrifiante. Emporté par son ami néfaste, Marcello franchit une ligne qui le conduit en enfer, mais jusqu’où ?


Après Gomorra Grand Prix du jury en 2008, Reality Grand Prix du jury en 2012, Tale of Tales en compétition en 2015, il revient sur la Croisette avec Dogman cette année. Souvent réduite à la mafia à cause de son premier succès, Gomorra,  son œuvre est diverse et multiple. Elle est parcourue par des gens ordinaires, en général marginaux, emportés par la tourmente qu’ils provoquent souvent. Dogman n’échappe pas à cette règle avec son personnage central Marcello, petit homme au passé brisé, qui tente de retrouver le respect au sein du quartier. Il réussit à trouver sa place dans un monde simple au cœur d’une Italie oubliée. Pour ma part, même si le réalisateur s’en défend, comme pour Il figlio, nous pourrions voir une métaphore de l’Italie d’aujourd’hui. C’est celle qui souhaite échapper à son image mafieuse pour gagner le respect de tous. Simoncino représenterait la mafia, les petits gangsters encore présents, la part sombre de la botte.

C’est aussi le parcours d’un homme qui demandait juste un peu de respect. Il finit par craquer et devenir le monstre qui le harcèle. Dans la séquence finale, il comprend que le cercle est sans fin. Il n’hésite pas à pénétrer en enfer pour retrouver sa vie d’avant. Le film doit beaucoup à l’interprétation de Simoncino en brute épaisse, incroyable, proche de certains personnages de la mafia. C’est Marcello Fonte, récompensé par le prix d’interprétation à Cannes qui nous surprend le plus. Il donne à son homonyme de cinéma toute la délicatesse et la profondeur de la tragédie. C’est une grande figure de ce cinéma italien, parsemé par celle des plus humbles, confrontés à la rudesse du monde. Du Voleur de Bicyclette à la Strada de Fellini, c’est le mauvais destin qui frappe les plus démunis. Le cinéma de Matteo Garrone emprunte presque toujours le même chemin, celui du rire dans une première partie pour s’achever de façon plus noire. L’humanité finit par plonger dans l’âme de la bête pour se transformer en monstre. Le métier de Marcello n’est pas innocent.

De la première image, face à ce dogue qu’il soigne avec amour à la fin, où les chiens regardent l’animal humain en cage. Ils se demandent peut-être qui de l’homme ou de l’animal est le plus terrifiant. On aura beau avoir emprisonné le mal, il ne reste qu’une solution pour l’anéantir, plonger comme les héros antiques en enfer. De ce combat, le petit homme ne peut pas revenir indemne, car plus que la montagne de violence, il affronte ses propres terreurs. La mise en scène choisit le parti de la lumière directe, souvent semblable à ces fonds marins où se réfugie Marcello. Le paradis est ailleurs, dans un monde caché au fond de l’océan. L’enfer est ici et il possède la même couleur. En conclusion, Dogman nous en dit plus sur nous-mêmes que nous voudrions bien le penser.

Patrick Van Langhenhoven

Note du support :
3
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9,
Langues Audio : Audiodescription (pour malvoyants) Dolby Digital, Français 5.1
Sous-titres : Français
Edition : Le Pacte

Bonus:

Entretien avec Matteo Garrone et Marcello Fonte (18')

  • Making of (15')
  • Storyboards

C’est un homme humble que nous rencontrons, même si, suite à Cannes, il nous révèle qu’il ne représentait rien avant le film, mais qu’actuellement il est sollicité partout grâce à la Palme.

 

CR : Est-ce que le réalisateur voit le film comme une métaphore de l’Italie aujourd’hui, une ville du sud perdue avec Simone qui représenterait la mafia avec une mainmise sur l’Italie ?

MF : Pour moi, Simone n’est pas un représentant de la mafia mais plutôt un petit délinquant

 

CR : En parlant de métaphore, une comparaison est proposée avec celle de David et Goliath pour connaître le point de vue du réalisateur.

MF : Je pourrais être David. Parlant de l’histoire d’un brave gars victime de la violence, il décide d’être violent à son tour mais n’est pas un partisan de la vengeance. Il sauve sa dignité d’humain. Parfois, on fait des choix que la vie nous impose. Cet homme défend ce qu’il a gagné la tête haute.

 

CR : Pourquoi la cocaïne est-elle aussi présente dans le quartier ?

MF : C’est le moyen le plus facile de gagner de l’argent parce qu’il ne pourrait pas offrir des voyages à sa fille avec son seul maigre salaire. Il lui avait fait la promesse de l’emmener voir la mer Rouge et il veut la tenir. Un père est parfois contraint de voler afin de nourrir ses enfants.

 

CR : Comment avez-vous choisi le quartier ?

MF : Le choix du quartier a été fait pour montrer comment, dans un environnement connu, on peut se retrouver seul quand on a des problèmes. Cela montre comment les gens peuvent changer. Il est carrément un personnage du film.

 

CR : Si le gars, brave, ne voulait pas se venger, pourquoi avoir mis son agresseur dans une cage ?

MF : Il ne voulait pas lui faire de mal, juste le dresser comme le chien au début du film et exiger qu’il s’excuse pour ses actes. Il ne voulait pas le tuer. C’est mieux de tourner avec des chiens qu’avec des acteurs, on s’ennuie moins. Dans ce tournage, il y a Alida, la petite fille qui était merveilleuse et représentait une joie. Elle apporte de l’énergie et le fait se sentir père. Les enfants qui étaient sur le tournage ont été très sages, or, dans le milieu, c’est souvent l’inverse.

          

CR : Sous l’eau, la plongée n’est-elle pas leur paradis ?

MF : Justement, sous l’eau, les deux se retrouvent. C’est une bulle où les autres n’existent pas et la douleur non plus. On y évolue en respirant.

          

CR : Lequel de Benini ou de Toto vous ressemble ?

MF : Aucun des deux. (Il faut préciser que Marcello a une certaine passion pour la musique. L’été il joue du tambour dans un groupe de son village.)

          

CR : Pourquoi le nom de Marcello ?

MF : Au début, ma mère voulait m’appeler Mauricio. On m’a donné le nom de Marcello parce que ce nom fait instruit. C’est-à-dire issu d’une certaine éducation. On est sept dans la famille et un de mes grands frères avait un ami qui se nommait Marcello et qui était très éduqué. Du coup mon père a décidé de m’appeler ainsi car il appréciait cet ami.

 

CR : Vous vous occupez d’un cinéma à Rome ?

MF : Je suis le protecteur, en quelque sorte, du cinéma Pallasso situé à Rome et appartenant au privé. Au début, c’était un théâtre puis c’est devenu un cinéma et, au fil du temps, il y avait un projet pour y faire un casino mais la population s’est opposée à cela en occupant les lieux, ce qui a empêché la poursuite du projet. Aujourd’hui, c’est un lieu de culture grâce aux personnes du quartier qui y ont fait beaucoup de travaux.

Mon but est d’aider, d’être à la disposition des autres et non de m’approprier un théâtre. L’important c’est d’apprendre, de transmettre. Je suis un homme polyvalent touchant à beaucoup de choses dans la vie. J’ai été mécanicien, coiffeur, boucher, musicien, électricien, etc. J’ai même construit une maison.

          

CR : Quand on reçoit un scénario comme celui de Dogman, qu’est-ce qui donne le plus envie et qu’est-ce qui fait peur ?

MF : Il y a vraiment eu un contact avec Matteo. J’ai lu le scénario plusieurs fois. Ce qui était important, c’était l’histoire racontée par l’auteur et non le descriptif écrit du film.

          

CR : Qu’est-ce que Matteo vous a dit pour susciter chez vous l’envie de jouer ?

MF : Il m’a beaucoup parlé de sa façon de travailler. Etant donné que c’est lui qui a la caméra, il est donc le premier spectateur.

 

CR : À quel moment avez-vous parlé des personnages ?

MF : A tous les moments. Que ce soit en mangeant (ou pas), nous avons découvert le personnage ensemble. Je m’imaginais rencontrer un homme âgé, mais grande a été ma surprise de voir un jeune en pleine forme, sportif et très humble.

 

CR : Comment le contact s’est-il fait ?

MF : Il y avait un assistant de Matteo qui était venu voir un spectacle dans lequel je jouais, et j’ai été appelé pour faire un essai. Dans celui-ci, j’ai apporté de la douceur à ce personnage, notamment l’amour pour les chiens, le quartier, l’envie d’être père. Je ne pensais pas devenir acteur. Cela s’est produit par pur hasard. J’ai commencé dans le cinéma par l’envers du décor, des petits postes comme accessoiriste, peintre sur les plateaux et après j’ai été appelé pour faire de la figuration. Quelqu’un m’a repéré. Au départ, c’était pour trois jours de figuration, mais j’ai fait trois mois de doublure.

CR : Est-ce que vous alliez au cinéma étant enfant ?

MF : Non car cela représentait un luxe pour ma famille. On avait une télé qui ne fonctionnait pas bien et, étant donné que j’étais le plus petit, je devais tenir l’antenne pour que mes frères puissent la regarder. Au fil du temps, j’ai pu réparer celle-ci et ai gagné le droit de m’asseoir avec mes frères, mais un parmi eux m’obligeait à lui gratter le dos.

 

CR : Est-ce que ces divers emplois vous ont aidé à construire le personnage ?

MF : Le métier de barbier et coiffeur m’a beaucoup servi dans le film. Une fois arrivé en prison, il coupe les cheveux des détenus, mais cette scène a été coupée car elle adoucissait trop mon personnage. J’ai été aussi choriste dans ma paroisse. A l’âge de dix ans, je ramenais de l’argent à la maison en jouant du tambour dans la fanfare, ma mère le plaçait dans une tirelire.

 

CR : Quels sont vos désirs d’acteur du point de vue professionnel ?

MF : Je ne suis pas intéressé par les diverses sortes de décadence dans le cinéma. Je suis un partisan du travail bien fait, pas du tout un homme attiré par le luxe. Je garde mon intégrité et ne recherche pas la gloire.

  Marcello Fonte est aujourd’hui reconnu en Italie, même dans sa voiture. Le plus important pour lui, c’est le partage. 

 

Interview réalisée par Patrick Van Langhenhoven, retranscrite et mise en forme par Adeossi Facia et corrigée par Françoise Poul.

    Titre original : Dogman

    Titre français :

    Réalisation : Matteo Garrone

    Scénario : Matteo Garrone

    Photographie : Nicolai Brüel

    Montage : Marco Spoletini

    Musique :

    Pays d'origine : Italie

    Langue originale : italien

    Format : couleur

    Genre : dramatique

    Durée : 120 minutes

    Dates de sortie: 16 mai 2018 (Festival de Cannes 2018), 11 juillet 2018 (sortie nationale)     

    Interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en France

Distribution

    Marcello Fonte : Marcello

    Edoardo Pesce : Simoncino

    Alida Baldari Calabria : Alida

    Nunzia Schiano : mère de Simoncino

    Adamo Dionisi : Franco

    Francesco Acquaroli : Francesco

    Gianluca Gobbi : commerçant de quartier