Desierto

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Un film de Jonás Cuarón ,
Avec Gael García Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h34
États-Unis

En Bref

Quelque part entre le Mexique et les États-Unis sur le bord de la frontière, un groupe de clandestins s’apprête à franchir le Rubicon pour l’Eldorado. Sam, un Texan du cru, chasse dans les parages, fusil au poing, accompagné de son chien. Quelle proie traque le chasseur dans la nudité crue des sables et des roches ? Notre petite troupe échoue au milieu du désert suite à une panne de véhicule. Il ne reste plus que la marche à pied pour traverser la zone la plus dangereuse et toucher le rêve américain. Qu’importe, c’est l’argent pour les passeurs et la dernière ligne droite pour les émigrants qui motivent le risque. La troupe suit le guide dans ce méandre où errent le chasseur et les trafiquants, maitres des cartels. Les paysages étirent leur longue ligne de fuite vers l’horizon où le ciel d’azur tranche sur la couleur des roches et du sable jaune.

Le soleil tape au-dessus de leurs têtes, les trainards devront faire fissa pour rattraper le groupe ou, comme Dédale, errer dans le labyrinthe de roches et de buissons sauvages. Moïse, Adela et trois autres oubliés tentent de raccourcir la distance entre eux et le groupe. Ils possèdent tous une bonne raison de rejoindre la terre promise. Tout bascule quand le chasseur dévoile clairement le choix de ses proies. La route pour certains s’achève au cœur du désert, dans la poussière du néant où personne ne priera pour leurs âmes. Le chasseur et son chien n’ont plus de limite. Personne ne marche sur leur territoire et surtout pas une bande de peones en quête d’un monde meilleur. Moïse et son groupe de retardataires devront apprendre très vite à fuir les crocs et les balles. Ils ne peuvent compter que sur leur instinct de survie. Personne ne les entendra crier dans l’immensité aux couleurs du soleil.

Écrit avant Gravity, Desierto peut se voir comme le pendant terrestre de ces humains perdus dans l’espace. Lorsque Jonás Cuarón montre le scénario à son père, Alfonso Cuarón lui propose d’écrire une version spatiale différente et le soutient dans son projet. Pawel Pawlikowski, réalisateur d’Ida lui dira : « Ce duel, il faut que tu l’envisages comme la confrontation de Jésus avec Satan dans le désert ! ». Alejandro Gonzalez Inarritu aborde les problèmes techniques et narratifs comme les distances. Une fois de plus, le principe d’une bonne histoire simple suffit à créer la tension et en dire beaucoup plus sur notre société qu’un complexe traité. Effectivement le film se lit à plusieurs niveaux, d’abord comme un film social sur l’émigration dans sa première partie et un thriller tendu dans la seconde, voire un film de survie sur sa totalité.

Jonás Cuarón, sans doute inspiré par les réalisateurs cités plus haut et le travail de son père, s’en sort très bien. Dans la première partie, nous ressentons la chaleur, la difficulté de ce groupe à atteindre son rêve, le pays de la liberté, le Paradis. Puis le diable s’invite dans la danse, un type au premier abord rugueux, lié à l’espace et au désert comme à une femme. L’histoire commence entre ce Texan, accro à sa terre et les émigrés, petits points perdus dans l’horizon. Peu à peu, le chasseur dévoile ses vraies intentions et le film bascule sur un récit plus tendu. Il explose sur sa fin dans une course-poursuite haletante propre au thriller. Il propose une seconde lecture liée à l’actualité sur l’émigration et les profiteurs que sont les passeurs. En quelques phrases, dans un film assez silencieux, jouant sur l’image, le réalisateur aborde le sujet avec finesse et profondeur.

Lors de la sortie de Gravity, nous évoquions avec Alfonso Cuarón la possibilité d’une métaphore qu’il nous confirmait de l’histoire des origines. En raccourci, la vie venait de l’espace pour échouer dans un lac et sortir de l’eau en rampant, dernière image de Sandra Bullock. Si nous prenons Desierto comme le pendant terrestre dans le prolongement de notre analyse, il devient la métaphore des premiers pas de l’homme debout et sa confrontation à la fois à la nature sauvage et à ses congénères. Il nous renvoie aussi à l’image de notre propre nature profonde, diable ou démon, comme le chasseur ou homme de bien comme Moïse au nom prédestiné. Le petit groupe doit en effet lutter à la fois contre le chasseur diabolique, sans pitié et l’espace naturel entre chaleur et aridité. Jonás Cuarón souhaitait renouer avec le cinéma de genre des années 70 qui réussissait à jongler avec différents thèmes et plusieurs niveaux de lecture. Desierto nous passionne autant, car il éveille en nous de nombreuses questions liées à nos origines ou notre actualité.

Patrick Van Langhenhoven