Le troisième Reich n’aura pas duré mille ans, la guerre est finie et le temps de la paix s’annonce difficile et fragile pour les vaincus. Hambourg n’est qu’un champ de ruines à reconstruire. C’est la mission de Lewis, colonel anglais responsable de la restauration de la ville. Il prend ses quartiers chez les Lubert. Stefan, le père architecte et sa fille sont les derniers survivants d’une famille disséminée par la guerre. La mère est morte dans un bombardement comme le fils de Lewis et Rachel. Vainqueurs comme vaincus possèdent en commun les douleurs issues des entrailles de la guerre qui n’épargne personne. Rachel rejoint son mari dans un monde qui ressemble à l’enfer. La bonne société anglaise tente de reconstruire un semblant de vie. Le couple est marqué plus qu’il ne le pense par la mort de leur fils. Peu à peu des liens se tissent entre Rachel et Stefan qui les conduiront aux portes d’un autre chaos, celui des cœurs, que personne ne domine. À la fin, il faudra bien trouver sa place au risque de se perdre et de nouveau détruire la promesse des jours heureux.
Cœurs ennemis prend les couleurs de la romance, sur fond de reconstruction d’un pays vaincu et meurtri. L’histoire d’amour est assez convenue dans une mise en scène classique. Nous aurions aimé retrouver le ton frondeur du réalisateur de Mémoires de jeunesse à l’aube de la guerre de 14/18. Le spectateur se laissera malgré tout emporter par ce récit de deux cœurs brisés sur fond de chaos intérieur et extérieur. Cœurs ennemis doit sa bonne tenue à sa reconstitution d’Hambourg tas de cendres à reconstruire et à ses acteurs jouant la partition sans faille. C’est l’occasion d’aborder la fin d’un monde qui tente de se prolonger encore, avec des îlots de nazis accrochés à leur idéologie infernale.
Les attentats rendent la paix difficile, avec en toile de fond les horreurs que découvrent les vainqueurs. Le film trace sa trame entre les effets miroirs entre gagnants et perdants. C’est, par exemple, la perte d’une mère pour les uns et d’un fils pour les autres. Il s’avère que rien n’est simple et que le noir et blanc se pare plutôt de gris. Stefan Lubert ne cautionne pas l’idéologie du Reich mais construit ses immeubles et temples de folie. Sa fille, en révolte contre l’occupant de sa maison, s’éprend d’un jeune garçon nazi ignorant les conséquences de ses actes. La frontière entre vainqueurs et vaincus est ténue. Rachel succombe au charme de Stefan. La perte d’un fils qui meurtrit le couple, peine à retrouver la passion du passé et s’effiloche, explique peut-être cela.
Lewis cache au fond de son cœur la part noire et les frontières de ténèbres franchies qu’il paye pour la victoire. Chacun est dans une tempête que la reconstruction, avec son aube pleine de promesses d’un monde différent, n’efface pas. Ainsi se joue le jeu du mari, de la femme et de l’amant sur une toile de fond chaotique. Si le chemin est prévisible, sans être naïf, les choix de la fin restent une bonne surprise. Il manque juste un peu plus de noirceur et de profondeur sur les thématiques secondaires pour le sortir du lot.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : The Aftermath
Titre français : Cœurs ennemis
Réalisation : James Kent
Scénario : Joe Shrapnel et Anna Waterhouse, d'après le roman Dans la maison de l'autre de Rhidian Brook
Photographie : Franz Lustig
Montage : Beverley Mills
Musique : Martin Phipps
Production : Jack Arbuthnott, Malte Grunert et Ridley Scott
Sociétés de production : Amusement Park Films et Scott Free Productions
Sociétés de distribution : Fox Searchlight Pictures
Pays d'origine : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne
Langue : anglais
Format : couleur
Genre : drame
Durée : 108 minutes
Dates de sortie : 1er mai 2019
Distribution
Keira Knightley (VF : Sybille Tureau) : Rachael Morgan
Alexander Skarsgård : Stefan Lubert
Jason Clarke : Lewis Morgan
Flora Thiemann (VF : Cécile Gatto) : Freda Lubert
Martin Compston : Burnham
Alexander Scheer : Siegfried Leitmann
Anna Katharina Schimrigk : Heike
Jack Laskey (VF : François Santucci) : Wilkins
Fionn O'Shea (VF : Gabriel Bismuth-Bienaimé) : Barker
Kate Phillips (VF : Bénédicte Bosc) : Susan
Rosa Enskat : Greta
Frederick Preston : Michael Morgan