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affiche Cinquante Nuances de Grey

Cinquante Nuances de Grey

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Un film de Sam Taylor-Johnson,
Avec Jamie Dornan, Dakota Johnson, Jennifer Ehle,

Genre : Drame psychologique
Durée : 2h05
États-Unis

En Bref

Dire qu’il y a eu du battage médiatique autour de la sortie Cinquante Nuances de Grey serait un doux euphémisme. Cadenassé jusqu’à sa sortie ce mercredi 11 février – il était interdit aux journalistes de dire quoi de ce soit du film, bon ou mauvais, avant sa sortie – l’adaptation du sulfureux roman de E.L. James avait su mettre en haleine les fans.  D’abord la bande annonce puis la bande originale, quelques extraits, quelques photos volées… on allait assister à du sulfureux ! Du moins, c’est ce que nous promettait la promo. Pourtant, sans la moindre surprise, la projection de ce mercredi matin s’est révélée bien décevante… A quoi pouvait-on s’attendre après tout ? On ne peut décemment pas reprocher à la réalisatrice, Sam Taylor-Johson, d’avoir dénaturé le roman, et c’est bien ça le fond du problème. Tout ça pour ça.

Lui est beau, riche et mystérieux. Elle est jeune, maladroite, naïve et vierge. Pourtant Christian Grey et Anastasia Steele vont vivre une romance passionnelle, pimentée par les goûts très singuliers de Christian.


Annoncé comme l’évènement pseudo-érotique de l’année, Cinquante Nuances de Grey n’est donc pas aussi torride qu’escompté. A vrai dire, le classement du film PG12 nous avait déjà mis la puce à l’oreille quant au traitement de l’érotisme par la réalisatrice. Universal n’allait pas parier sur un Abdellatif Kechiche ou un Lars Von Trier pour adapter son mummy porn vendu à plus de 100 millions d’exemplaires à travers le monde. A la place, ils misent sur la britannique Sam Taylor-Jonhson (Nowhere Boy), qui s’est empressée de déclarer que sa mission première serait de filmer des scènes d’amour sans cul-cul ni trop de cul. Qu’à cela ne tienne.

Un des premiers défis de la cinéaste, et pas des moindres, était de rendre l’écrit original, largement inadaptable en l’état, représentable et digeste à l’écran. Sur ce plan, le pari est plutôt réussi. Les scènes clés sont là, les personnages sont bien décrits et l’enchainement des évènements suit scrupuleusement l’avancée du bouquin. Là où le bât blesse – et on ne peut pas franchement lui en vouloir au vu de la vacuité de la matière première – c’est lorsque la caméra commence à se centrer sur le couple et sur l’établissement de leur relation contractuelle. En plus des dialogues approximatifs, pourtant moins niais que dans le roman dans l’ensemble, on ne décèle pas une once d’étincelle ou d’ampleur entre Christian et Anastasia. On a beau y mettre du notre, la réalisatrice ne nous laisse jamais le temps de nous installer dans une scène ou de nous attacher aux personnages. Du coup, on balaye d’un revers de main tout réalisme ou identification. L’erreur réside essentiellement dans ce manque d’alchimie évident entre les deux amants, un comble. Jamais on ne ressent cette tension sexuelle tant suggérée dans le roman puisqu’on passe toujours à l’acte. Leur attraction est éludée à l’écran par quelques images rabattues dans le roman, la lèvre mordue pour elle et les points serrés pour lui… On passe complètement à côté de l’intensité et de l’expectative que l’on aime à détester dans ce genre de film.

Pour en finir avec le scénario, l’un des soucis que l’on retrouve également dans le livre, c’est cette volonté permanente d’expliquer les tendances déviantes de Christian (mère prostituée accroc au crac, initiation sexuelle précoce par une adulte…) en expliquant sans cesse que ce goût particulier (contrôle, BDSM) provient d’une faille dans son système. D’accord, on ne va pas défendre la pratique mais cette approche psychologique des choses rend complètement nauséabonde ce moralisme et ce conservatisme qui prônent une sexualité normalisée.

Bref, passons au cœur du sujet. On ne va pas se le cacher, ce ne sont pas le futur professionnel d’Anastasia ou les secrets du tourmenté M. Grey qui nous intéressent ici mais bien ce sur quoi toute la promo a été basée, la relation sulfureuse entre les deux amants. Les scènes de sexe sont suggérées, joliment filmées. On aperçoit un poil pubien par ci, une paire de fesses par là, pas de “full frontal“ à déplorer, la morale est sauve. La nudité des deux acteurs est habilement escamotée dans des plans à mi-chemin entre les scènes de sexe épurées d’Hollywood (attention, elle retire le soutien-gorge !) et les détails précis d’E.L. James. L’équilibre est plutôt bien trouvé ici. La soumission en tant que telle n’est pas traitée aussi crument que dans Nymphomaniac, Anastasia est visiblement partante et complice dans ce petit jeu. On exclue de fait la souffrance. Fait regrettable, la réalisatrice passe un peu à coté la notion maitre/esclave et la sexualité comme jeu de rôle qui en découle. Seule la séquence de négociation autour du contrat arrive à dénoter ce double consentement et laisser entrer le spectateur dans ce petit jeu.

Côté esthétique et technique, rien de bien significatif à signaler. Le montage est réactif, et plutôt précis, habile dans les parallèles lors de l’intro ou des passages dans la “chambre rouge de la douleur“. Il est évident que la réalisatrice n’a pas essayé d’emprunter leur esthétique à Nicolas Winding Refn ou à Xavier Dolan mais l’exercice n’est pas complètement dénué d’âme. Du côté du casting, qui faisait couler beaucoup d’encre avant même le projet de film mis sur pied, on est partagé. D’un côté, Jamie Dornan, ex-mannequin aperçu dans la série The Fall, a certes le physique pour l’emploi : des yeux sombres, un physique sculpté… mais n’est visiblement pas à sa place dans la peau de Christian. Mal à l’aise dans les scènes de confrontation où il est censé révéler toute sa fragilité/domination, l’acteur manque cruellement d’intensité et d’envergure. Mais ne lui jetons pas la pierre pour autant, difficile d’incarner le fantasme de millions de femmes sans en décevoir quelques unes au passage… En face, la jeune Anastasia interprétée par Dakota Johnson est plutôt ressemblante à l’idée qu’on se fait de la jeune ingénue. Son sourire timide et ses grimaces ne lui vaudront pas un Oscar mais elle incarne avec justesse une Anastasia heureusement un peu moins niaise que dans le roman.

A l’arrivée, les fans du roman ne devraient pas être tous déçus. Tout ou presque dans l’histoire est respecté (du côté du déroulement j’entends), sans éluder les parties de jambe en l’air SM. Sur ce plan là, on est forcé de constater que c’est gagné. Pour les curieux qui auraient poussé la porte de la pièce sombre sans avoir préalablement lu et digéré les trois pavés, dur dur de tenir la longueur sans un soupir d’exaspération. L’action avance avec lenteur et le piquant n’est pas franchement au rendez-vous. Suite aux prochaines épisodes, déjà programmés…

Eve Brousse

Note du support : n/a
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Sous-titres :
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Fiche technique

·       Titre original : Fifty Shades Of Grey

·       Titre français : Cinquante nuances de Grey

·       Réalisation : Sam Taylor-Wood

·       Scénario : Kelly Marcel, d'après Cinquante nuances de Grey (Fifty Shades Of Grey) d'E. L. James

·       Direction artistique : Laurel Bergman et Michael Diner

·       Décors : Mark Bridges

·       Costumes : Mark Bridges

·       Photographie : Seamus McGarvey

·       Montage : Lisa Gunning

·       Musique : Danny Elfman

·       Production : Dana Brunetti, E. L. James et Michael De Luca

·       Sociétés de production : Focus Features, Michael De Luca Productions et Trigger Street Productions

·       Société de distribution : Focus Features (USA), Universal Pictures International (France)

·       Budget : 40 000 000 de dollars

·       Pays d'origine : États-Unis

·       Langue originale : anglais

·       Format : couleur

·       Genre : drame érotique

·       Durée : 122 minutes

·       Dates de sortie :

·       France : 11 février 2015

·       États-Unis : 13 février 2015

·       Classification :

·       États-Unis : R - Restricted (Interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un adulte)

Distribution

·       Jamie Dornan : Christian Grey

·       Dakota Johnson : Anastasia Steele

·       Eloise Mumford : Kate Kavanagh

·       Luke Grimes : Elliot Grey

·       Rita Ora : Mia Grey

·       Victor Rasuk : José Rodriguez

·       Max Martini : Jason Taylor

·       Dylan Neal : Bob Adams

·       Callum Keith Rennie : Ray Steele

·       Jennifer Ehle : Carla May Wilks

·       Marcia Gay Harden : Grace Trevelyan Grey

·       Andrew Airlie : Carrick Grey

·       Anthony Konechny : Paul Clayton

·       Emily Fonda : Martina

·       Rachel Skarsten : Andrea

·       Anne Marie DeLuise : Docteur Greene

·       Steven Cree Molison : Benson

Tom Butler : le président de l'Université WSU