Chouf

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Un film de Karim Dridi ,
Avec Sofian Khammes, Foued Nabba,

Genre : Drame psychologique
Durée : 1h48
France

En Bref

Chouf, regarde la ville tomber, la fureur ramper dans les rues du quartier prison dont tu ne sortiras pas. Le grand frère de Sofiane s’est sacrifié pour qu’il sorte de la cité et prenne son envol, suive des études. De retour dans le quartier, Sofiane retrouve ses potes, tous à la botte des caïds. Dealer en devenir, Chouf, guetteur sur les tours, donnant l’alerte du danger, flic ou concurrent indocile. Sofiane est loin de tout cela à la grande ville. Il suit des cours pour devenir un bon businessman, pour sortir de la vague noire qui emporte tous les mômes d’ici.

Prisonniers, ils n’en sortiront pas et finiront tas de sang sur le bitume un jour ou l’autre. L’assassinat de son grand frère pousse Sofiane sur la route de la vengeance. Il oublie le rêve de s’émanciper d’un monde qui ne peut vous conduire que dans les sombres méandres de la mort et du néant. Peu à peu, il monte les échelons grâce à ses connaissances du marché international qu’il applique à la dope et aux trafics. Il n’est pas sûr qu’au bout de la route il trouve une voie meilleure où le bonheur jetterait des étoiles dans les cieux. Il avance, la vengeance accrochée à ses tripes comme une relique qui demande l’expiation et le pardon dans la mort. On ne sort pas de l’enfer, le diable y veille tous les jours !

Loin des clichés et des stéréotypes véhiculés par l’actualité et le cinéma, Divines ou Dheepan par exemple, Karim Dridi parle vrai. Chouf peut s’inscrire dans une trilogie comprenant Bye-bye (1995) et Khamsa (2008), nous retrouvons les mêmes interrogations sur Marseille. Le réalisateur réussit l’exercice difficile du mélange des genres, à la fois documentaire-fiction et thriller. Il flirte même avec la romance sans se perdre dans sa narration. Tous servent à dénoncer cet enfermement dans un monde auquel on n’échappe que rarement. Le parcours de Sofiane se transforme et devient celui de la vengeance qui le conduit à pénétrer dans ce monde qu’il a fui. Il produit l’effet inverse de ce que souhaitait son grand frère et le sacrifice de ce dernier aura peut-être été vain.

C’est aussi un moyen de dévoiler de façon juste ce monde que le cinéma et la télé nous montrent souvent sous un angle tronqué. Karim Dridi tire sa force d’ateliers de comédie et de l’utilisation de comédiens non professionnels, souvent dans leur propre rôle. Alors qu’il montre une route sans retour, une grande partie des non-comédiens du film s’interrogent à la fin sur ce qu’ils feront de leur vie. La première partie ressemble à un documentaire avec la difficulté des parents, des filles, de la mère à comprendre ses enfants qui lui échappent. Cette génération plonge dans la violence et la délinquance alors que les ainés tentaient de trouver leur place par le labeur. Il pourrait apparaitre qu’aucun des deux n’ait réussi son intégration. De façon plus pertinente, la faute revient au système, à nous- mêmes qui n’avons peut-être jamais cherché à les intégrer autrement que comme étrangers.

C’est peut-être ce que nous dévoile le film, expliquant une partie de l’échec d’une société à bâtir son futur avec l’autre. La réalité est sans doute plus complexe et demanderait une analyse plus pertinente. Chouf a au moins le mérite de poser la question, à nous de trouver la réponse. La deuxième partie emprunte au code du thriller, du western urbain pour toucher un plus large public, sans jamais tomber dans la caricature. Le jeune Sofian Khammes, un des rares comédiens, traduit à merveille les ambiguïtés du personnage. "Dans ce film, il n'y a pas de mensonge, c'est la réalité", affirme Foued Nabba. On peut voir dans Chouf une tragédie moderne sur la fatalité du déterminisme social et de la vengeance.

Patrick Van Langhenhoven