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affiche Chemin de croix

Chemin de croix

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Un film de Dietrich Brüggemann,
Avec Lea van Acken, Franziska Weisz,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h50
Allemagne

En Bref

Chemin de croix, c’est le chemin de croix de Jésus dans la religion catholique. Mais c’est aussi ici le chemin de croix d’une jeune fille naïve et passionnée, pas nommée par hasard Maria. Elle qui, dans le creux de l’adolescence, va choisir la voie sacrée. Tout ou presque la pousse à faire ce choix et surtout son cadre familial.

Récompensé à Berlin par un Ours d’argent, ce film allemand du réalisateur Dietrich Brüggeman décrypte une famille d’une communauté intégriste, prônant un retour à la tradition, tant dans l’Eglise que dans le mode de vie. Et pour cela, un parti pris est clairement affirmé dans la mise en scène et les mouvements de caméra dégageant une ambiance intéressante,  particulière et froide mais ne gommant pour autant pas l’ennui ni le manque de puissance du traitement du sujet.


L’un des aspects importants est dans la mise en scène et cette caméra constamment fixe interpelle. Le premier plan est l’illustration de ce qui attend le spectateur pendant tout le film. Presque 15 minutes, dans une salle sombre d’une paroisse, où les enfants suivent un cours de catéchisme. Le prêtre va alors poser les bases de ce mouvement religieux et la personnalité de cette fillette omnisciente et réfléchie, étonnamment mature sur ces thèmes. Tout est donc dans la sobriété, comme par ailleurs dans la vie de ces hommes, qui la consacrent à une seule cause : celle de Dieu.

Un climat s’installe véritablement. L’idée paraissant originale d’épurer, pour vivre ce chemin de croix métaphorique comme tel, vire à la sensation d’un classicisme, une version simpliste du cinéma. Et malgré des dialogues non très rythmés mais loin d’être creux, l’ennui est de mise beaucoup trop rapidement. La longueur des scènes y joue un grand rôle et certaines plus courtes donnent une meilleure efficacité.

Néanmoins, de cette caméra fixe se dégage logiquement des plans intéressants, le réalisateur jouant sobrement avec le hors-champ. Ce sont par exemple les scènes de la photographie de famille du dimanche après-midi tout comme celles de son malaise à l’église, où on ne voit pas le centre du problème, uniquement les réactions des personnes l’entourant. Il y a aussi de ce fait un passage important du hors-champs au champ de la caméra et inversement.

Deux mouvements de caméra seulement sont à noter dans l’intégralité du film. Un premier travelling horizontal lors de sa communion, suivant Maria se rapprochant du prêtre et de Dieu. Puis il y a ce dernier plan, avec ce travelling mais cette fois-ci latéral...

Au-delà de la forme, il y a le fond. Maria est l’aînée d’une famille de quatre enfants ayant rejeté le concile Vatican II et continuant dans une tradition toujours plus forte avec notamment la messe en latin. Il y a là l’influence d’une famille sur leurs enfants, privés de liberté et finissant finalement à croire plus que leurs propres parents.

Ce poids, comme ces interrogations vite évaporées par sa famille, pèse lourdement sur les épaules de Maria. Et cette jeune fille est interprétée remarquablement par une parfaite inconnue, Léa van Acken dans son premier film.

Il n’y a dans cette famille pas de liberté de pensée, Dieu apparaissant comme l’évidence. Leurs propos résonnent avec violence et semblent loin des valeurs contemporaines du catholicisme. Chaque individu n’étant qu’un bon soldat devant convertir les autres, touchés par Satan. Certaines personnes tentent et déstabilisent cette évidence. Bernadette la nourrice remettant en cause leur extrémisme à table, et de ce fait leur autorité lorsque Maria pleure de son mensonge. C’est également Christian, un camarade d’une autre classe de 3e l’appréciant et insistant pour l’emmener à la chorale. A chaque fois, l’hésitation est apparente chez Maria, effacée nettement par la famille. La confrontation d’une minorité d’où l’on ne peut  sortir à une société est analysée. Comment ne pas être dans la norme et arriver à garder sa ligne de conduite, qu’elle soit bonne ou mauvaise ?

Il y a une forme d’hypocrisie dans cet intégrisme, et les limites en sont visibles à la fin. Les parents de Maria semblent forts, puis d’un coup, le père s’échappe, la mère affirmant auparavant « ne pas être triste » s’effondre en larmes.

L’émotion peut apparaître, comme ici, mais n’est que superficielle. Il y a une tendance à l’exagération et on s’interroge par moments sur les buts véritables du réalisateur, au-delà de dénoncer ce genre de pratiques. Peut-être le bel altruisme de Maria, prête à se sacrifier pour la vie de son frère. La lutte contre le satanisme, à travers notamment les chansons, revient constamment et semble un peu succincte.

Brüggeman offre un concept intéressant et audacieux dans un milieu difficile à filmer et un thème où il pouvait rapidement s’attirer les foudres. Son père a un temps suivi cette communauté. Il réalise une œuvre peu commune, malheureusement pas aboutie. Nous nous trouvons à regarder un film pas nécessairement détestable mais qui, dans la veine allemande d’Un Ruban Blanc, côté mise en scène froide et traitement sociétal, n’atteint pas sa grandeur et oublie sa profondeur.

Clément SIMON

Note du support : n/a
Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :


Distribution

    Hanns Zischler : l'entrepreneur

    Birge Schade : la professeur de sport

    Florian Stetter : père Weber

    Franziska Weisz : la mère

    Ramin Yazdani : le médecin

    Lucie Aron : Bernadette

    Moritz Knapp : Christian

    Klaus Michael Kamp : le père

    Lea van Acken : Maria

    Georg Wesch : Thomas