C’est une histoire qui devrait plaire aux jeunes filles et plus particulièrement à celles enfermées par quelques Thénardier de mauvais aloi. Elles trouveront dans cette histoire matière à changer leur destin. Elle commence par la formule magique « il était une fois ». Une jeune fille charmante agréable en tout qui vivait auprès de sa mère et de son père, un marchand parcourant le monde. Il lui ramenait des papillons aux multiples couleurs virevoltant dans l’air ou près des fleurs embaumant la maisonnée. Maitre malheur frappe un jour à leur porte pour emporter dans son carrosse de nuit la pauvre maman dans un pays d’où l’on ne revient pas. Restés seuls, Ella et son père tentent de faire taire leur douleur et de continuer à vivre comme autrefois.
Un jour il ramène à la maison une nouvelle femme aigrie et ses deux pimbêches de filles. Désormais elles s’installent à demeure et partagent le quotidien de la pauvre Ella. De nouveau, le carrosse de l’Ankou passe par là et emmène son père rejoindre aux Champs Élysées sa mère. Restée seule avec la marâtre et les jeunes acariâtres, la voilà destinée à s’occuper de la demeure. Elle ne possède pour compagnes qu’un groupe de souris et dort auprès de la cheminée quémandant un peu de chaleur.
Chaque matin un voile de cendres macule sa face, Cendrillon, nouveau nom pour une nouvelle douleur. Elle prend avec courage et bienveillance son nouveau rôle de servante, couchant dans la mansarde sous les toits au grenier. Si le malheur lui ravit ses parents, le bonheur bonne étoile bienveillante, lui réserve un autre destin. Un bal et un soulier de verre, une bonne fée aux habits de lumière transforment la souillon en une princesse des contes de fées.
Les traces les plus anciennes que nous retrouvons du conte de Cendrillon remontent en Chine. Kenneth Branagh suit la version du dessin animé de Disney de 1950, inspiré de Perrault plus bienveillant que les frères Grimm. Il s’adresse donc aux enfants en priorité et plus particulièrement aux petites filles le trouvant super. Dixit les petites princesses de la salle s’écriant d’une même voix à la fin du film « c’était super ! » Les adultes sont donc priés d’aller voir ailleurs et garder leurs commentaires dignes de la marâtre dans leur escarcelle. Le réalisateur propose une réalisation sage, mais baroque où tout est magnifié, proche de l’univers de Sissi. Le film utilise les décors et costumes pour construire un monde merveilleux où les robes à crinolines glissent sur le parquet des bals royaux.
Il gratte toutefois deux ou trois aspects sociaux de l’époque, la condition des princes et de leurs mariages arrangés, la différence de classes, la bourgeoisie. Cendrillon est un conte où souffle le vent de la liberté, les deux sœurs se retrouvent engoncées dans leur cage et leur crinoline. Cendrillon, elle, vole dans sa robe légère que le vent caresse librement. Elle est bleue comme la voûte azurée. De la même façon, son carrosse est de verre comme sa chaussure, transparent et proche des nuages dans le ciel. Elle parle aux souris et la bonne fée s’apparente à la lumière descendant pour l’aider dans sa quête de l’amour idéal. Deux mondes s’affrontent, celui de l’esprit libre, la famille du cœur et du bonheur et celui de l’argent, prisonnier de son univers mesquin. La nature où elle rencontre le prince la première fois et le monde moderne, l’aube des nouvelles technologies et de l’industrie. Cendrillon est la fille de la nature, des forêts profondes. Sous son apparence sage, le film distille beaucoup d’éléments si nous savons regarder au-delà du doigt montrant la lune. Des hommages ou clins d’œil à d’autres contes envahissent le récit, La Belle et la Bête avec les cadeaux à rapporter. Les sœurs souhaitent de la dentelle et des corsets, elle une branche remplaçant la rose. A la fin, la marâtre est obsédée par la beauté, comme celle de Blanche Neige.
Le thème des apparences parcourt le récit. Nous nous fions à celles-ci, or, le costume ne fait pas la princesse. C'est bien son âme et son aptitude à régner. La phrase de la fin conclut sur ces mots : « le plus grand risque dans la vie est de se montrer comme on est ». La bonté, la bienveillance envers autrui et le courage deviennent la morale de cette histoire. Le mal et la laideur ne triompheront pas du bonheur. Pour Bruno Bettelheim, vivre la belle-mère comme une figure terrifiante permet à l’enfant de faire face à ses fantasmes inconscients de haine et de dégoût envers ses propres parents, sans se sentir coupable.
C’est donc la place de l’enfant au sein de la fratrie que nous révèle le conte de Cendrillon et plus spécialement des femmes. Le conte dans notre inconscient nous aide à franchir le pas et nous insérer au sein de la famille. En épousant le prince, elle fonde sa propre famille et trouve sa place. Cate Blanchett compose une marâtre crédible sans forcer le trait comme les deux sœurs, Lily James dans le rôle de Cendrillon manque d’un petit plus pour nous envoûter. Le prince reste lisse dans une prestation banale. Ce ne sont bien entendu que des propos d’adulte qui ne sait pas voir au-delà du cœur vous diront les petites filles du rang derrière moi.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
Court métrage : "La Reine des Neiges : Une fête givrée" (2015 - 8')
Titre original : Cinderella
Titre français : Cendrillon
Réalisation : Kenneth Branagh
Scénario : Chris Weitz
Production : David Barron, Simon Kinberg et Allison Shearmur
Photographie : Haris Zambarloukos
Montage : Martin Walsh
Musique : Patrick Doyle
Décors : Casey Banwell et Francesca Lo Schiavo
Costumes : Sandy Powell
Casting : Lucy Bevan
Genre : fantastique
Langue : anglais
Durée : 112 minutes
Distribution
Lily James : Cendrillon
Cate Blanchett (VF : Juliette Degenne) : Madame Trémaine, la méchante belle-mère de Cendrillon
Richard Madden (VF : Stéphane Fourreau) : Kit le Prince charmant
Holliday Grainger (VF : Audrey Sablé) : Anastasie Tremaine
Sophie McShera : Javotte Tremaine
Derek Jacobi : le roi
Hayley Atwell (VF : France Renard) : la mère de Cendrillon
Ben Chaplin : le père de Cendrillon
Helena Bonham Carter (VF : Laurence Breheret) : la marraine-fée de Cendrillon