Bonhomme

___

Un film de Marion Vernoux,
Avec Nicolas Duvauchelle, Ana Girardot, Béatrice Dalle,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h43
France

En Bref

Marylin et Piotr forment un couple ordinaire. Ils vivent dans la banlieue lilloise, travaillent dans la zone commerciale et le week-end, ils décompressent entre copains. Un peu de binouze, un peu de chichon, la routine quoi. Un soir de déveine, alors qu’ils se chamaillent dans la voiture, paf ! C’est l’accident, comme dans les spots de la Prévention routière. Le résultat aussi. Piotr est salement amoché. Trauma crânien avec lésions frontales. En français, cela signifie qu’il a pratiquement perdu l’usage du langage et qu’il n’a plus aucune inhibition à ses pulsions. En clair, il dit ce qu’il pense sans filtre et ne pense qu’à une chose : niquer niquer niquer !

Marion Vernoux n’est pas une dégonflée. Elle s’attaque à un thème qui, s’il n’est pas exactement tabou, est souvent traité sur le mode médical voire scientifique ou avec des trémolos compassionnels voire misérabilistes. Mais elle, c’est sur un mode aussi frontal que ce dont souffre Piotr qu’elle nous raconte le parcours.

L’univers de Piotr et Marylin c’est la zone commerciale. Leurs potes, leur taf, leurs galères ou leurs petites joies, tout vient de là. Lui c’est ou plutôt c’était le boss de la vente dans le magasin de meubles. Son challenge, sa fierté. Elle, à coup d’humour et de séduction elle officie dans une grande chaine d’équipements sportifs. Mais quand la tuile arrive, elle découvre vite qu’on ne va pas l’aider pour qu’elle puisse combiner son boulot et les visites à l’hôpital, puis plus tard, alors que Piotr est rentré à la maison, elle doit trouver des astuces pour le faire garder car il ne peut pas rester sans surveillance. Il est comme un enfant… Dans la tête, car sous la ceinture, « y a le feu ! »

Marion Vernoux fait le choix d’un décor banal, de personnages pas spécialement attachants. Et justement, c’est au fur et à mesure qu’on prend de l’intérêt. La capacité de Marylin à s’entêter, à ne pas lâcher nous bluffe. Elle y tient à son homme. Et elle y croit. Ça va forcément s’arranger. Soudain, le monde de la précarité ordinaire saute au visage du spectateur. Du coup, les combines qui en découlent relèvent de la résilience, de l’intelligence et l’humour s’invite dans ce qui est tout de même une situation pour le moins délicate. Les liens se nouent toujours de façon inattendue. Duvauchelle est excellent en homme redevenu enfant. Il est capable d’un grand naturel pour un rôle qui doit éviter d’en faire trop. Il parle avec peu de mots, et se trouve toujours en léger décalage. Or il finit le plus souvent par trouver sa place. Dans leur environnement, les décalés ne sont pas si rares.

Bonhomme prend le parti de l’humanité et de l’ouverture. Sans mièvrerie et sans pitié. Comme la vie. Et le résultat est bien plus respectueux envers ses personnages que certains films bien-pensants mais au final plein de la condescendance des dames patronnesses.

Françoise Poul