Margaret (Amy Adams) s'enfuit, elle quitte son mari dans un sursaut de vie et embarque sa petite fille avec elle. Arrivée à San Francisco elle reprend goût à la vie et fauchée, tente de se faire un peu d'argent en peignant des portraits de passants contre quelques dollars.
C'est en peignant qu'elle fait la rencontre de Walter Keane (Christoph Waltz), artiste peintre lui aussi. Les tableaux de Walter sont éloignés des enfants aux yeux ronds de Margaret. Lui réalise des œuvres illustratives des rues de Paris assez insignifiantes. Mais curieusement ses tableaux se vendent mieux, simplement parce qu'il a le sens du commerce.
Walter donne confiance à Margaret et la persuade de l'épouser rapidement. Il n'est pas un bienfaiteur mais plutôt un escroc, Amy va l'apprendre à ses dépends. Très vite, Walter, persuadé que les tableaux naïfs de sa femme peuvent se vendre, s'en attribue la paternité et organise alors l'une des plus grande arnaques de l'histoire de l'art.
Tim Burton raconte l'histoire de ce succès incroyable (et discutable) basé sur le mensonge, il dresse le portrait d'un couple qui se déchire dans l'intimité et rayonne en public.
Le sujet est intriguant et promet une jolie réfléxion sur le commerce de l'art, un sujet diablement contemporain lorsque l'on voit comment la culture s'est industrialisée.
Et pourtant Burton n'en ressort curieusement pas grand-chose, lui qui s'était évertué à mettre en lumière le pire réalisateur de tous les temps dans Ed Wood, exécute ici un biopic sans saveur, bien trop lisse pour nous rendre les personnages intéressants.
Le réalisateur que l'on a connu si riche d'idées, si décalé dans sa manière de filmer, confirme son déclin depuis quelques films...
Big Eyes est terne, la mise en scène et le montage semblent tout droit venir d'une comédie romantique des années 90, étonnant pour un film qui traite de l'art.
Coincé dans son sujet et dans cette volonté de retranscrire les faits, Burton peine à dire autre chose que ce que l'histoire connaît déjà.
Quelques relents féministes pointent ci et là et parviennent à donner un peu de consistance au personnage de Margaret Keane mais le film retombe encore et toujours dans le « déjà vu » et laisse tout de même son personnage en position de victime. Christoph Waltz quant à lui s'en sort bien dans ce rôle de trublion, escroc sans talent, mais semble contraint également à ne pas trop en faire.
Big Eyes ne semble pas savoir ce qu'il veut dire, cantonné dans un décor aux couleurs des sixties, le film peine à montrer son âme, tout comme le genre usiné du biopic qui, ici, tombe malheureusement dans la caricature.
Pourtant les sujets de réflexion foisonnaient autour de cette histoire : qui décide de la qualité d'une œuvre ? A qui attribue-t-on sa paternité ? Est-ce que nos œuvres parlent pour nous ?
Bref, les tableaux naïfs, et assez insignifiants il faut le dire, de Margaret Keane donnaient matière à faire un film fort et actuel.
Malheureusement Big Eyes est lui aussi insignifiant, c'est d'autant plus agaçant lorsque l'on sait qui est derrière la caméra...
Heureusement que Burton a prit soin de signer le film, on aurait eu du mal à le reconnaître comme auteur.
Sarah Lehu
Titre original et français : Big Eyes
Titre québécois : Les Grands Yeux
Réalisation : Tim Burton
Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
Décors : Rick Heinrichs
Direction artistique : Chris August
Costumes : Colleen Atwood
Photographie : Bruno Delbonnel
Son : Oliver Tarney
Montage : Joseph C. Bond IV
Musique : Danny Elfman
Production : Scott Alexander, Tim Burton, Lynette Howell et Larry Karaszewski
Sociétés de production : Electric City Entertainment, Silverwood Films, Tim Burton Productions et The Weinstein Company
Société(s) de distribution : The Weinstein Company (USA), StudioCanal (France)
Budget : 10 000 000 de dollars2
Pays d’origine : États-Unis, Canada
Langues originales : anglaise, française et italienne
Format : couleur par Technicolor — 1,85:1 — son Dolby Digital
Genre : drame biographique
Durée : 106 minutes
Distribution
Amy Adams : Margaret Keane
Christoph Waltz : Walter Keane
Krysten Ritter (V.F. : Maïa Michaud) : DeeAnn
Terence Stamp : John Canaday
Jason Schwartzman : Ruben
Danny Huston (V.F. : Philippe Vincent) : Dick Nolan
Jon Polito : Enrico Banducci
Elisabetta Fantone : Marta
Leela Savasta : Hippie Chick
Desiree Zurowski (V.F. : Anne Rondeleux) : Tipsy Lady