Benni est une petite fille de neuf ans survoltée qui ne tient pas en place. Les services sociaux et particulièrement madame Bafané, l’assistante sociale, peinent à lui trouver un havre de paix. La petite ne possède qu’un but, fuir les foyers d’accueil, les centres sociaux pour retrouver sa mère. Cette dernière, perdue, emportée par le maelström des retrouvailles, ne résiste pas bien longtemps avant de craquer. Toutes les solutions semblent mener à la fuite en avant, rien ne stoppe ce tsunami. Cette fois, Benni se retrouve face à la solution extrême, sans retour en arrière. Il reste pour madame Bafané une dernière solution à tenter, un chemin peu ordinaire : Micha, un éducateur spécialisé. Il propose la tentative de la dernière chance. Est-ce son dernier coup d’archet ou la voie qui enfin permettra à une petite fille perdue de retrouver, renouer le lien social ?
Benni est un film de bruit et de fureur, violent dans son désespoir, sa course éperdue, vers une quête sans fin. La petite fille tourne en rond comme cette obsession dans sa tête de retrouver une vie ordinaire. C’est la fracture sociale d’une famille arrivée à bout, épuisée, mais aussi sans armes. Il existe en premier lieu le tempérament de Benni, la demande d’un amour trop grand pour être assouvi. Il y a sans doute de l’hyperactivité dans son caractère, mais cela n’explique pas tout. Le désespoir se mue en une course folle chez cette gosse de neuf ans. Chaque famille tente, tant bien que mal, avec ses outils souvent inadéquats, de compenser le manque, le vide, le néant qui l’habitent. Le film pose clairement la question de la place de la mère dans ces familles décomposées, fracturées.
La réponse ne s’avère jamais simple, mais au final, rien ne remplace l’amour maternel. Madame Bafané est une assistante sociale remarquable qui tente l’impossible. Elle n’abandonne jamais, contrairement au système. Ce dernier a déjà condamné Benni qui ne rentre dans aucune case du dispositif. Il reste une dernière route, peu ordinaire, qu’emprunte Michael, l’éducateur. Elle passe par la nature et surtout un long cheminement pour l’apprivoiser, la comprendre. Une fois de plus, il faut laisser du temps au temps. Nora Fingscheidt se démarque en creusant le sillon de la réalité et en nous emportant un peu comme Cours, Lola, cours (Tom Tikwer 1999). La force du film est sa vitalité, son regard sur le monde, et la prestation d’Helena Zengel dans le rôle de Benni, remarquable.
Il creuse avec force son regard juste sur un système qui ne possède pas toutes les réponses. La deuxième partie, après une course folle en cercle, se rapproche plus de l’apprentissage de la vie à travers la nature. Nous quittons l’espace urbain pour celui de la forêt où la fuite devient moins évidente. La faiblesse du film est son enfermement dans une fuite répétitive qui finit par agacer. C’est peut-être un choix de sa réalisatrice, nous plaçant au cœur de cette folle embardée dans la vie de Benni ? Nous montrant combien elle peut être touchante et agaçante. Il reste un film passionnant qui nous interroge une fois de plus sur notre regard à l’autre et balaye nos idées reçues.
Patrick Van Langhenhoven
Titre original : Systemsprenger
Titre français : Benni
Réalisation et scénario : Nora Fingscheidt
Costumes : Ulé Barcelos
Photographie : Yunus Roy Imer
Montage : Stephan Bechinger et Julia Kovalenko
Musique : John Gürtler
Pays d'origine : Allemagne
Format : Couleurs - 35 mm
Genre : drame
Durée : 118 minutes
Dates de sortie : 22 juin 2020
Distribution
Helena Zengel (de) : Bernadette (Benni)
Albrecht Schuch : Michael (Micha) Heller
Gabriela Maria Schmeide : madame Bafané
Lisa Hagmeister : Bianca Klaaß
Melanie Straub : le docteur Schönemann
Victoria Trauttmansdorff : Silvia, la mère adoptive
Distinctions
Berlinale 2019 : Prix Alfred-Bauer1
Festival international du film de Transylvanie 2019 : prix du public
Prix du cinéma européen 2019 : Meilleur compositeur pour John Gürtler
Festival de cinéma européen des Arcs 2019 : prix du public
Deutscher Filmpreis 2020
Meilleur film
Meilleure réalisation
Meilleur scénario
Meilleure actrice pour Helena Zengel
Meilleur acteur pour Albrecht Schuch
Meilleure actrice dans un second rôle pour Gabriela Maria Schmeide
Meilleur montage
Meilleur son