Cine-Region.fr
affiche Belles Familles

Belles Familles

___

Un film de Jean-Paul Rappeneau,
Avec Mathieu Amalric, Marine Vacth, Gilles Lellouche,

Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h53
France

En Bref

Rappeneau, du haut de ses quatre-vingt-trois ans, respire encore le cinéma. Son retour - douze ans après sa dernière réalisation et le peu convaincant Bon voyage - flotte entre classicisme et risques, avec la vitesse d’une jeunesse qui perdure. Rappeneau respire surtout les ambivalences. Belles familles mêle un style, un rythme presque choral, rappelant un temps d’antan, à un sujet commun et un montage effréné, tous deux très contemporains.

Jérôme, expatrié en Chine - interprété par le toujours juste Mathieu Amalric - de passage en France, rend visite à sa famille. Le moment est venu de faire le point sur ces affaires de famille, sujettes aux disputes et aux tabous. Ce sont ces tableaux de famille poussiéreux ressortis, que l’on se surprend à étudier puis apprécier. Le sujet commun, voire désuet, met du temps à se décanter mais finit par laisser émerger une énergie, une ironie particulières, dans un récit prévisible où chacun retrouvera sa part d’intime.


On dit de Rappeneau que ses silences s’apparentent à un travail scénaristique pointilleux - réalisé avec son fils Julien. L’ancrage de ce récit, un contentieux judiciaire, n’a vocation qu’à lancer l’intrigue. Le réalisateur va s’en éloigner et la lenteur de l’écriture contraste avec ce scénario sans temps morts et son action rapide à base d’ellipses. La véritable intrigue est cette réhabilitation familiale, les rapports houleux, où le slogan « on ne choisit pas sa famille » prend son véritable sens. Avec évidemment l’amour impossible comme chef d’orchestre, Rappeneau réussit à étirer le temps, s’amuser avec un rythme effréné. Le rythme - du montage, du récit et de la musique - ressort comme le point central de ce film. Violent (trop ?) dans son ouverture, allié à une théâtralité prononcée, le montage peut dérouter.

Les plans s’enchainent avec une fluidité lui conférant passagèrement un défaut de véracité, comme par exemple pour la dispute entre les deux frères se saisissant par la gorge. La future femme chinoise de Jérôme, en contre-plan, se voit le temps d’une seconde mimer la surprise, quand la mère, elle, exprime dans ce même format la stupéfaction. Sans vouloir imposer du réalisme à tout prix, cela tiendrait presque du film muet, où un unique geste est capté, mis en exergue, pour accentuer le sentiment général. Cela se dissipera quelque peu par la suite et inculque néanmoins au film un ton cohérent, où la littérature et le théâtre semblent conviés à la table du septième art. Cette famille plonge dans le passé pour construire son présent, comme le réalisateur finalement. La scène finale a tout d’un happy-end passé de mode, forçant le sourire, mais les volontés scénaristiques, le contexte et les rires précédents apportent une certaine indulgence.

Les rires, oui, car Jean-Paul Rappeneau parvient avec brio à donner à cette comédie de famille où règnent les fantômes - des morts, des liens de sang, de cœur - une tournure ironique, quasi grotesque. Beaucoup se déroule dans le travail réalisé autour des personnages. Les acteurs sont le cœur même du film, pour lesquels le dévouement entier du réalisateur ne fait peu de doute. Les rôles, travaillés à l’extrême, s’enfilent pour chacun des acteurs comme des gants. Ils s'échangent admirablement la tête de l'affiche selon les scènes. Ils restent néanmoins dans un registre classique, un peu trop polis par le scénario, les rendant trop théâtraux, parfois caricaturaux. Le geste ne semble que trop peu naturel. Même Mathieu Amalric, pendant un temps, tâtonne. Belles familles réussit quand même, par l’intermédiaire de ce dernier, à changer de tournure. Le spectateur finit par trouver une certaine connivence avec ce dernier : l’entrée dans la famille se fait à ses côtés, avec l’ellipse comme souveraine sur les terrains minés des souvenirs. Ses face-à-face avec Marine Vacth, entre tension (sexuelle) et délicatesse, prennent le dessus. C’est encore par le scénario et le montage alternant que vient la salvation. Le réalisateur donne à cette histoire un éveil tardif, le corrélant aux découvertes familiales du personnage de Jérôme et à un humour de plus en plus marqué.

Marine Vacth, dans son second rôle principal, un peu plus bavard - après celui marquant dans Jeune et jolie d’Ozon - dégage un magnétisme incroyable dans le rôle de Louise, la copine de l’ami d’enfance de Jérôme, mais surtout la belle-fille de son père. Elle fascine dans sa troublante façon de paraître désinvolte et enfantine, où seuls les bras d’Amalric lui servent de refuge. Son talent d’actrice saute aux yeux mais cela aurait été intéressant de ne pas - au-delà de sa beauté évidente - l’érotiser à ce point. C’est notamment le cas, après son accident, allongée en belle endormie. Nombreux et développés, les personnages fleurissent constamment et font leur apparition progressive, comme au théâtre. À leur côté, un Dussolier pittoresque en papi-maire gaga, une Nicole Garcia, matrone solitaire, un de Tonquédec aristocrate coincé, un Lellouche calculateur et sanguin et enfin une Karine Viard excitée et humaine, rayonnent. L’humour est dans l’exagération, la presque répétition et la capacité à captiver même en ne surprenant pas.

Dans cette comédie en mouvement, Amalric ne cesse de répéter qu’il doit partir mais se fait submerger par l’omniprésence de la féminité dans ce petit village d’Ambray et la sensation que son combat se passe ici. Le réel virevolte et la parole n’a pas de temps pour se reposer ; les sentiments humains, la mélancolie imprègnent peu à peu le récit. La musique a ce rôle de liant entre les sentiments et dans l’assimilation des scènes - que ce soit dans la très belle scène du concert ou dans fuite qui s'ensuit.

Composée par Martin, le fils du réalisateur, cette dernière abondante et ronflante sature par moment l’image. La notion d’héritage est donc particulièrement présente : que ce soit avec les acteurs, mélangeant habilement les générations, évoquant de nombreuses familles de cinéma ; que ce soit également dans le sujet, évidemment ; et enfin que ce soit une affaire familiale où Rappeneau engage ses fils pour l’écriture du scénario et de la musique. Dans ces paysages d’une France pas forcément montrée au cinéma, semblable à un ressourcement, le réalisateur dresse une fable d’un autre temps, légère et rythmée, non sans imperfections. En donnant clairement sa préférence au romanesque, il continue de croire en cette vie haute en couleur et en rebondissements - même exagérée, tel un vaudeville ou une comédie de Beaumarchais - conjuguant cinéma populaire et intelligence d’écriture et de réalisation.

 Clément SIMON

Support vidéo :
Langues Audio :
Sous-titres :
Edition :


Titre : Belles Familles

    Réalisation : Jean-Paul Rappeneau

    Scénario : Philippe Le Guay, Jean-Paul Rappeneau, Julien Rappeneau

    Directeur de la photographie : Thierry Arbogast

    Producteurs : Laurent Pétin, Michèle Pétin

    Dates de sortie : 14 Octobre 2015

Distribution

Principale

    Mathieu Amalric : Jérôme Varenne

    Marine Vacth : Louise

    Gilles Lellouche : Grégoire Piaggi

    Nicole Garcia : Suzanne Varenne

    Karin Viard : Florence

    Guillaume de Tonquédec : Jean-Michel Varenne

    André Dussollier : Pierre Cotteret

    Gemma Chan : Chen-Lin

Secondaire

    Jean-Marie Winling : Vouriot, le notaire

    Claude Perron : Fabienne

    Yves Jacques : Maître Ribain

    Morgan Niquet : Le voiturier