Le kidnapping d’un enfant et la séquestration de ses parents éveillent de vieux souvenirs dans le trou noir que l’on nommait l’oubli. Depuis toujours il revient comme un chœur fracassant le pas des vivants. Hanté par la disparition de son jeune frère, Nick Cafmeyer voit dans cette enquête comme un écho, un ricochet de son propre tourment. C’est l’enfance blessée, laminée par la perversion du Troll comme le nomment les petites victimes innocentes. Le démon les entraine au cœur des forêts monstrueuses pour les dévorer.
Nick retrouve leurs corps et son âme saigne, mais la traque continue jusqu'à ce que le bien ou le mal gagne. Alors la victoire reviendra aux âmes de bonne volonté ou aux ténèbres encore plus terrifiantes que nous ne les imaginions dans nos cauchemars d’enfants. Le mordeur ne laisse que l’empreinte de ses dents comme unique trace dans la douleur de la piste. Il n’est pas facile de remonter le sentier de sang dans ces conditions. Dans le cercle de la perversité, il existe un centre où l’agonie serait préférable à la douleur. Il faut expier jusqu’au fond de l’âme, vider les années de rancœur et de souffrance du miroir de la violence.
Dans ce sang, ce chant du mal, labouré par la lumière, toujours vainqueur mais à quel prix ? Il faudra apprendre à vivre avec le vide de l’ignorance, savoir ce que le frère d’hier est devenu, perdu pour sauver les petites lucioles des enfants d’aujourd’hui. Nick remonte le courant de douleur des victimes, de fausses pistes en faux coupables. Il s’approche peu à peu de la vérité aux prix des souvenirs qui le déchirent.
Le cinéma belge flamand ne fait pas dans la dentelle de Bruges, mais prend au cœur et au corps le spectateur dans un maelström de cinéma vérité. Cinéma intimiste, le film lie la traque d’un tueur des plus monstrueux, pédophile, à une ancienne histoire que porte le flic. Hans Herbots en joue de façon subtile pour égarer le voyageur au cœur des ténèbres. Il nous manipule, de fausses pistes en faux coupables que nous avons sous le nez. Trop préoccupés, emportés par notre empathie pour l’anti héros Nick Cafmeyer, nous ne saisissons à aucun moment la vérité. Adapté du Roman de Mo Hayder L’homme du soir nous retrouvons toute la noirceur et la qualité du récit, transposé de l’Angleterre à Anvers. La caméra choisit un cinéma vérité souvent collé au visage torturé de son héros comme pour mieux en saisir la descente aux enfers.
En effet, Nick porte en lui un feu qui ne veut pas s’éteindre et le consume, le poids d’un passé trop lourd pour un enfant. Son petit frère à été enlevé à l’âge de huit ans. On soupçonne le voisin qui depuis, lui envoie chaque année, à son anniversaire, des nouvelles vraies ou fausses. Nous imaginons facilement l’esprit supplicié du héros, ballotté par cette enquête qui le ramène en arrière. C’est tout le parcours d’un début de rédemption qu’effectue le personnage, comment ne pas laisser le passé envahir le présent pour sauver des innocents. La photographie de Frank Van den Eeden apporte toute la subtilité des ombres et des lumières qui se disputent notre humanité. C’est bien celle-ci avec l’innocence qui se retrouve au cœur du mélodrame. Comment le flic peut-il rester humain sans jamais sombrer dans le cœur de la bête.
Le film développe ce combat des origines, de toujours quand le noir et le blanc, la justice et la violence, luttent dans l’âme de l’homme de bien. Le Troll est un être immonde qui, depuis longtemps, a perdu toute ces notions et pourtant… Le réalisateur transpose la même lutte dans cet esprit ravagé par la folie. Qu’est-ce qui fait de nous des hommes civilisés ne basculant pas dans l’antre de la bête, la bestialité, la barbarie. Nous trouverons la réponse dans le cheminement de Nick Cafmeyer, avec colère mais sans haine. Un personnage nuancé, semblable à nous, c’est donc sans peine que nous nous identifions à sa descente aux enfers. L’autre thématique est l’innocence, la perversité, déjà dans le roman que le réalisateur transcrit dans un récit hyper réaliste.
Les images ne sont pas à mettre dans toutes les pupilles. La perte de l’innocence se décline à plusieurs niveaux, les seules épargnées semblent être les mères, pas les femmes. Le personnage de Nancy est dénué de toute compassion, d’amour d’autrui, l’argent est sa religion et la perversité son église. Le choc vient de la perte de l’innocence des enfants, fragiles lucioles, elles s’éteignent sous la perversité des pédophiles et de l’homme du soir. Il semble impossible qu’ils puissent un jour retrouver le chemin de l’innocence. Dans la lignée des Seven et autres films sombres, The Beast arrive à renouveler le genre et à nous faire prendre conscience de la perversité d’une part de l’humanité. A la fin, il n’existe nulle victoire, que des défaites car le mal a planté sa graine dans le cœur des hommes.
Patrick Van Langhenhoven
Titre français :
◦ Belgique : Le Traitement
◦ France : The Beast
• Titre original : De Behandeling
• Réalisation : Hans Herbots
• Scénario : Carl Joos, d'après le roman The Treatment3 de Mo Hayder
• Producteur : Peter Bouckaert
• Montage : Philippe Ravoet
• Photographie: Frank van den Eeden
• Musique : Kieran Klaassen, Melcher Meirmans, Chrisnanne Wiegel
• Costumes : Nathalie Leborgne
• Production : Eyeworks Film & TV Drama
• Pays de production : Belgique
• Genre : thriller
• Durée : 120 minutes
• Langue : néerlandais
• Dates de sortie :
◦ Belgique : 29 janvier 2014
Distribution
• Geert Van Rampelberg : Nick Cafmeyer
• Laura Verlinden : Steffi Vankerkhove
• Johan Van Assche : Ivan Plettinckx
• Ingrid De Vos : Nancy Lammers
• Tibo Vandenborre : Alex Simons
• Brit Van Hoof : Cindy Simons
• Michael Vergauwen : Chris Gommaer
• Dominique Van Malder : Roland Claeren
• Ina Geerts : Danni Petit