En un instant, tout bascule, tout plonge dans un néant, une faille dans le temps immobile. C'est une histoire qui s'achève dans la neige tachée de rouge. Sandra Voyter, Samuel Maleski et leur fils malvoyant Daniel, âgé de 11 ans, vivaient dans ce coin reculé au cœur de la montagne. Un lieu propice au calme et à la sérénité de l'artiste pour composer avec son art. Un couple ordinaire avec ses engueulades, ses fractures, ses blessures, mais aussi ses petits bonheurs faits de riens s'épanouissant dans le silence. La joie peut aussi dissimuler bien des douleurs profondes qui, avec le temps, ne se referment pas. Samuel, un jour comme une autre, bascule dans le vide, happé par la mort. La police se trouve devant une affaire complexe. Homicide ? Suicide ? Inconnu dans la maison ? Coup de sang de Sandra ? Commence une enquête fouillant dans les âmes de Sandra et de Daniel pour trouver la vérité. Dans ce théâtre de la vie, quelqu'un ment forcément - ou pas.
Justine Triet, Palme d'or à Cannes largement méritée entreprend un voyage à l'os, au plus près de notre pays intérieur pour débusquer la vérité. La mise en scène ausculte la parole, examine les lieux, sans fioritures, portée par une image touchant l'essentiel. Cette anatomie pourrait paraître sans profondeur, juste un puits sans fond de détails, examinée à la loupe, avec son langage procédural. Il n'en est rien. Au contraire, en touchant l'âme, le cœur des non-dits au plus près, c'est un autre éclairage bien plus complexe qui se dévoile, les maux à travers les mots. C'est l’enfant aveugle dont le regard n’est plus, mais il lui reste la parole et les autres sens. Il tente d'analyser ce territoire secret en chacun de nous. Nous sondons l’esprit, cette petite voix intérieure et ses silences.
Il reste les masques que nous portons tous, les acteurs que nous sommes sur le grand théâtre de la vie.
On décortique toute une existence pour tenter de comprendre le moment de rupture qui conduit à l’impasse de la mort. La langue, française, allemande, est une forme de pensée qui diffère d'un pays à un autre. La pensée est la partie obscure, intérieure, personnelle. La parole est l’extérieur, ce qu’on dit, qui n’est pas forcément ce que l’on pense. C’est une part de cette anatomie que dévoile le film. Est-ce que l’on peut tout entendre et tout gérer ? C’est ce que la juge dit à un moment à Daniel. Nous découvrons toute la complexité d’un couple qui passe par différents stades, complicité, colère, harmonie, chaos, sexe, silence. Le temps joue sur leur histoire et ses sentiments. Le sujet principal me semble être celui des mots, la parole plus que les gestes, nue, confinée dans le tribunal. Elle devient le huis clos central autour duquel d'autres planètes tournent, soufflent pour lutter contre l’oppression.
Pourtant le film n’est jamais une mécanique intellectuelle. Les mots mènent aux sentiments, tout aussi complexes, donnant alors une autre lecture. Si on pouvait séparer les mots et les sentiments, nous aurions deux versions différentes. C’est impossible car ils sont le yin et yang, les deux faces de la même pièce, du même être, n’existant pas les uns sans les autres. L’écriture est une autre thématique en filigrane, encore les mots, ceux que l’on couche sur le papier. Un roman est-il la vérité d'une vie ou des passages d’une existence transformés par l’imaginaire ? Le titre définit bien le film, anatomie, autopsie pour comprendre une réalité qui nous échappe. Cette danse de vérité et de mensonge raconte une autre histoire. Cette anatomie change tout au long de sa progression, comme le temps, parfois orage, parfois brise, parfois pluie.
Patrick Van Langhenhoven
Note du support : n/a
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Titre original : Anatomie d'une chute
Réalisation : Justine Triet
Scénario : Arthur Harari et Justine Triet
Photographie : Simon Beaufils
Décors: Emmanuelle Duplay
Montage : Laurent Sénéchal
Son : Julien Sicart, Olivier Goinard, Jeanne Delplancq, Fanny Martin
Sociétés de production : Les Films Pelléas, Les Films de Pierre
Société de distribution : Le Pacte
Budget : 6,2 millions €
Pays de production : France
Langues originales : français, anglais et allemand
Genre : drame, policier
Durée : 150 minutes
Dates de sortie : 21 mai 2023 (Festival de Cannes) 23 août 2023 (sortie nationale)
Distribution Sandra Hüller : Sandra
Swann Arlaud : Vincent
Milo Machado Graner : Daniel
Antoine Reinartz : l'avocat général
Samuel Theis : Samuel
Jehnny Beth : Marge
Saadia Bentaïeb : Nour
Camille Rutherford : Zoé
Anne Rotger : la présidente
Sophie Fillières : Monica
Arthur Harari : l'animateur de l'émission littéraire
DistinctionsRécompenses Festival de Cannes 2023 : Palme d'or et Palme Dog
Festival du film de Sydney 2023 : Prix du public GIO du meilleur long métrage narratif international
Brussels International Film Festival 2023 : Prix du public de la Compétition Internationale
Nominations et sélectionsFestival international du film de Toronto 2023 : sélection « Special Presentations »