Mike Howell mène une vie paisible et sans ambition avec sa petite amie Phoebe dans une petite ville de Virginie. À sa grande surprise, il va découvrir au détour d’une situation fortuite qu’il est en fait un agent dormant surentrainé dont la mémoire a été effacée. En un clin d’œil, son passé refait surface et Mike se retrouve au milieu d’une opération gouvernementale visant à l’éliminer. Il va alors devoir faire appel à ses capacités insoupçonnées d’agent secret pour survivre.
Véritable ovni débarqué de nul part avec ses deux stars “bankable“ en tête d’affiche, American Ultra assume dès son annonce son parti-pris loufoque. Transgenre, le film s’inscrit dans la lignée des Kick-Ass et autre Kingsman dans la parodie déjantée mais son cocktail teen-movie/suspense/horreur/action/romance décomplexé a le mérite de surprendre. Mais qui dit fourre-tout, dit souvent éparpillement et Nima Nourizadeh (Projet X) ne va pas nous contredire. A voir surtout pour le contre-emploi grunge bizarroïde de ses deux losers.
Derrière un pitch somme toute assez banal se cache un scénario hallucinogène signé Max Landis (Chronicle) qui essaie visiblement de se détacher des blockbusters hollywoodiens d’action en dépeignant une Amérique coupée du monde, où phénomènes étranges côtoient affaires d’état durant une nuit de folie. Loser enfumé, Mike est l’anti-héro par excellence, de ces zonards qui deviennent comme par miracle invincibles face à un groupe d’hommes armés jusqu’aux dents. Une façon peu subtile – et très plébiscitée par le cinéma américain –, de sous-entendre que dans chaque ado boutonneux se cache un surhomme formidable. Ici, Mike se révèle être un véritable soldat surentrainé jusqu’alors gardé « en sommeil » pour sa propre sécurité. Réactivé juste à temps par un agent de la CIA, le jeune demeuré va retrouver peu à peu ses facultés sous forme de flash. Si l’argument sert quelques scènes plutôt cocasses, il vient directement contredire un des fils rouges du film, à savoir l’accès à l’engagement et à la maturité du héro. En effet, Mike n’a rien demandé à personne, tous ses nouveaux talents lui sont donnés sur un plateau, ne lui demandant aucun effort pour grandir. Ainsi, comme tout est inné, tout l’intérêt pour son évolution est tué dans l’œuf. L’objectif du personnage principal étant d’office mis hors course, le film s’attèle à étirer sa course-poursuite à travers la ville avec des injonctions d’ultra violence (très à la mode), des accès psychédéliques et un humour noir malade plutôt maladroit avec un Walton Goggins en ersatz de Nicholson dans Shining.
L’aspect comique du film est du coup assez succinct et se résume au contre-emploi grotesque de John Leguizamo en dealer blanc nounours et au contraste entre l’innocence et l’apparence inoffensive du loser face à la force de frappe mise en place pour l’abattre. D’ailleurs, le film se joue constamment de ce contraste, offrant à Jesse Eisenberg quelques répliques bien troussées entre ses prises de conscience et sa phase « je baisse les bras ». Petite plus-value, cette mélancolie qui nimbe la besogne et qui va permettre de décliner à l’infini les ruses pour évincer les méchants dans un défoulement jubilatoire.
Coutumier du fait, Nima Nourizadeh, qui avait déjà fondé son Projet X sur le parti de mener une fête de banlieue à l’apocalypse, reprend un peu le même schéma. Cette fois-ci, le cinéaste justifie sa folie et son absurdité dans un genre bien connu, le stoner film dont les pépites sont sans conteste The Big Lebowsky et Las Vegas Parano. A côté de ces pontes du genre, American Ultra fait plutôt pâle figure autant dans ses excentricités de forme que sa bêtise branchée. Fort heureusement, Jesse Eisenberg et Kristen Stewart sont là pour garantir le spectacle. Le premier est habitué à ces rôles de jeune benêt en proie aux doutes (Adventureland, 30 minutes maximum, Bienvenue à Zombieland) et son rôle de zonard complètement dépassé par les évènements lui va comme un gant. Plus inattendue dans le projet, sa partenaire dans Adventureland, Kristen Stewart, incarne avec décontraction et piment cette jeune grunge totally in love qui n’est pas sans ressources. En face de ce duo pétaradant, les seconds rôles font pâle figure à l’image de Topher Grace (That ‘70s Show) qui en fait des tonnes dans le machiavélisme ou de Connie Britton et sa « poker face » peu crédible.
Avec son script décomplexé et ses personnages très cartoon, American Ultra joue la carte du défoulement et mise tout son potentiel sur l’originalité. On se laisse prendre par la perplexité du héro face à la débâcle et par le climat d’étrangeté distillé par son ambiance nocturne. Mais l’artifice ne fait pas tout, et derrière ces quelques bons points, la besogne comporte quelques rouages bien rouillés et la caricature ne passe pas toujours. Malgré tout, American Ultra fait le job et distille un peu de fun sur cette fin d’été un peu morne.
Eve Brousse
Bonus :
Comment exploser un budget
Bêtisier
Entretien avec Kristen Stewart et Jesse Eisenberg
Commentaire audio du réalisateur Nima Nourizadeh (VOST)
Fiche technique
Titre original : American Ultra
• Réalisation : Nima Nourizadeh
• Scénario : Max Landis
• Direction artistique : Richard Bridgland
• Décors : Jon Danniells
• Costumes : David C. Robinson
• Photographie : Michael Bonvillain
• Montage : Andrew Marcus
• Musique : Marcelo Zarvos
• Production : David Alpert, Anthony Bregman, Kevin Scott Frakes, Britton Rizzio et Raj Brinder Singh
Producteurs délégués : Ray Angelic, Steffen Aumueller, Robert Ogden Barnum, Jonathan Gardner, Zülfikar Güzelgün, Buddy Patrick, Eyal Rimmon et Gideon Tadmor
Coproducteur : Mark Fasano
• Sociétés de production : PalmStar Media, The Bridge Finance Company, Circle of Confusion, Likely Story et Merced Media Partners
• Sociétés de distribution : Lionsgate (États-Unis), Elevation Pictures (Canada), Metropolitan Filmexport (France)
• Pays d'origine : États-Unis
• Langue originale : anglais
• Format : couleur
• Genre : comédie d'action
• Dates de sortie1 : France : 19 août 2015
Distribution
• Jesse Eisenberg (VF : Donald Reignoux) : Mike Howell
• Kristen Stewart (VF : Noémie Orphelin) : Phoebe Larson
• Topher Grace (VF : Alexandre Gillet) : Adrian Yates
• Connie Britton : Victoria Lasseter
• Bill Pullman : Raymond Krueger
• John Leguizamo (VF : Bernard Gabay) : Rose
• Tony Hale (VF : Nessym Guetat) : agent Petey Douglas
• Walton Goggins : Laugher
• Monique Ganderton : Crane
• Stuart Greer : shérif Bernie Watts
• Michael Papajohn : Otis
• Lavell Crawford : Big Harold
• Nash Edgerton : Beedle