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affiche American Sniper

American Sniper

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Un film de Clint Eastwood,
Avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Luke Grimes,

Genre : Biographique
Durée : 2h12
États-Unis

En Bref

Tireur d'élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d'innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de "La Légende". Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu'il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l'angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s'imposant ainsi comme l'incarnation vivante de la devise des SEAL : "Pas de quartier !" Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu'il ne parvient pas à retrouver une vie normale.

Probablement en raison du climat international brûlant, American Sniper, sorti depuis un mois dans les salles outre-atlantique, n’a pas manqué de faire parler de lui. En particulier parce qu’il a était l’objet d’une récupération politique globale, où chacun y est allé de sa petite analyse pour coller aux idéaux de chaque clan. Un regrettable branle-bas de combat politique qui fait tâche alors qu’il sort dans l’hexagone ce 18 février. Pourtant, la dernière pépite signée Eastwood a tout du grand cinéma de l’homme : bouleversant, complexe et fondamentalement humain. Alors oui, les partisans de la guerre en Irak pourront toujours reprocher son manque de contexte et les pacifistes son parti-pris, d’autres y verront surement une vision très manichéenne de la chose. Mais soyons honnête, le cinéma est là.


Encore un exemple typique du paradoxe américain. Alors que les classes politiques se déchirent le film par médias interposés dans des joutes verbales enrobées, American Sniper récupère 6 nominations aux Oscars dont une pour le Meilleur Film et une pour le Meilleur Acteur et explose le box office américain comme international. Les critiques et les éloges fusent de toutes parts et conditionnent insidieusement les spectateurs à un message sous-jacent nébuleux. A l’évidence, American Sniper n’est appréciable qu’à une condition : apprécier l’œuvre à l’aulne de la filmographie de Clint Eastwood, un complément filmique qui vient supporter les obsessions et les thèmes récurrents du réalisateur.

Alors, plutôt que d’analyser American Sniper comme un pure produit de guerre, porté par les idéaux du bien et du mal, l’intérêt est donc de plonger tête la première dans le face-à-face du cinéaste qui, comme à son habitude, secoue sa propre morale et fouille les ombres de chacun. Ici encore, il est question de décortiquer un perdant flamboyant, un héro ordinaire, symbole d’une Amérique qui a perdu de sa superbe et qui se cherche, en permanence. A travers l’histoire de Chris Kyle, Eastwood va filmer un processus de déshumanisation qui fait froid dans le dos, où comment ce soldat, vivant dans le déni du réel et dans la seule optique de voir son pays conquérant et victorieux, va se faire bouffer jusqu’à l’os par la machinerie militaire et par le fantasme d’un rêve américain glaçant.

Derrière l’image du “héro américain“ qui entend profiter de son don pour sauver son pays et ses partenaires soldats, Eastwood va gratter, fouiller et se plonger dans la tête du patriote américain, révélant un film profondément ambigu. D’un côté, il déclare ouvertement vouloir pointer du doigt l’absurdité de la guerre en dévoilant ses aspects sordides et en levant le voile sur les violences exercées par les combattants islamistes sur la population irakienne. Derrière un point de vue impartial discutable, il va aussi critiquer l’engagement des Etats-Unis en Irak et la possession massive d’armes dans la société américaine. D’un autre côté, l’auteur ne développe aucune réflexion sur le conflit, il gomme tout contexte, au point que l’Irak et l’affrontement se résument à un simple décor. Une scénographie qui va être le témoin de la mise à mort, des exécutions sommaires opérées par des endoctrinés avides d’action et de puissance, initiés à la violence et au combat sur un coup de tête ou forgés à coup d’entrainements exténuants visant à te réduire au moins que rien que tu es. En tissant sa toile référentielle autour de la culture pop et la bande dessinée (tags de Punisher sur les véhicules, les jeunes lisant des BD à la base…), Eastwood rappelle plutôt subtilement les conséquences de toute une culture sur le combat et sur l’exécution. Comme toujours, Eastwood donne toute son ampleur à son héro grâce à une mise en scène introspective renversante. En naviguant entre passé et présent via des flashbacks montés au cordeau et au fil de liens diégétiques finement tissés à la toile narrative, l’auteur forge un personnage foncièrement « eastwoodien ». On se souvient de la torpeur qui déchirait et ankylosait Tim Robbins dans Mystic River et on retrouve chez Chris Kyle cette même incapacité à faire la part des choses entre son boulot, vraisemblablement traumatisant, et la vie « normale ». En atteste cette scène glaçante où Chris croise son jeune frère sur le tarmac de l’aéroport du pays en guerre, l’un héro à oeillères et fier de l’être et l’autre dépassé, meurtri et réduit à néant.

American Sniper arrive à toucher là où d’autres ont mollement échoués. Et pour cause, Clint Eastwood fait de sa mission première de gommer les frontières de lieu et de temps entre Irak et Etats-Unis. En estompant l’orée entre le foyer familial et le champ de bataille, offrant ainsi quelques plans d’anthologie durant lesquels l’un et l’autre se vampirisent, Eastwood maitrise la cinégénie des espaces et des objets et réussit à transposer toute l’intensité et l’émotion qui se jouent dans les deux espaces, dans la famille Kyle et chez les vétérans. En confiant à Bradley Cooper le rôle de Chris Kyle, benêt texan entêté et foncièrement généreux, le cinéaste a là encore réalisé un coup de génie. L’acteur de 40 ans révélé par la saga Very Bad Trip, qui s’est notamment illustré dans des rôles dramatiques forts (Limitless, Happiness Therapy, The Places Beyond the Pines…), relève ici un nouveau défi d’interprétation à la fois physique et mental. L’acteur irradie l’écran de sa présence sombre et de sa musculature imposante et signe sans conteste l’un de ses plus belles performances en apportant le supplément d’âme au film.

American Sniper rend toute son ampleur au poids qui pèse sur les épaules de cet homme, témoin des horreurs de la guerre et de ses dégâts, durant l’après, qui dépassent le simple champ de bataille. Le film dresse avec humilité et aisance le parcours de cet homme lambda, porté aux nues et enrôlé malgré lui dans un système sans issue heureuse. Film patriotique ou dénonciateur, American Sniper est surtout une œuvre ambivalente qui laisse une curieuse impression de simplification de l’Histoire afin de pouvoir se concentrer sur son personnage, reflet d’un rêve américain bafoué et idéalisé.

Eve Brousse

Note du support :
4
Support vidéo : Format 16/9 compatible 4/3, Format cinéma respecté 2.35, Format DVD-9
Langues Audio : Français Dolby Digital 5.1, 2.0, Audiodescription (pour malvoyants)
Sous-titres : Français
Edition : Warner vidéo

Bonus:

Copie digitale offerte au format UltraViolet
"L'histoire d'un soldat : le parcours de l'American Sniper"

Fiche technique

    Titre original : American Sniper

    Titre québécois : Tireur d'élite américain

    Réalisation : Clint Eastwood

    Scénario : Jason Dean Hall, d'après American Sniper : l'autobiographie du sniper le plus redoutable de l'histoire militaire américaine de Chris Kyle

    Direction artistique : Charisse Cardenas et James J. Murakami

    Décors : Harry E. Otto et Dean Wolcott

    Montage : Joel Cox et Gary D. Roach

    Photographie : Tom Stern

    Son : Alan Robert Murray

    Production : Bradley Cooper, Clint Eastwood, Andrew Lazar, Robert Lorenz et Peter Morgan

    Sociétés de production : 22 & Indiana Pictures, Mad Chance Productions et Malpaso Productions

    Sociétés de distribution :États-Unis Warner Bros.,  France Warner Bros. France

    Pays d’origine :  États-Unis

    Langue originale : anglais

    Format : couleur - 2,35:1 - son Dolby numérique

    Genre : guerre, biopic

    Durée : 132 minutes

    •classificationːfilm tous public avec avertissement lors de sa sortie en salles en france

Distribution

    Bradley Cooper (V.F. : Alexis Victor) : Chris Kyle

    Sienna Miller : Taya Renae Kyle

    Jake McDorman  : Ryan Job

    Luke Grimes (V.F. : Thibaut Lacour) : Marc Lee

    Kyle Gallner  : Winston

    Keir O'Donnell (V.F. Arnaud Laurent)  : Jeff Kyle

    Eric Close  : DIA Agent Snead

    Sam Jaeger  : le capitaine Martens

    Owain Yeoman (VF : Thibaut Belfodil) : le ranger

    Brian Hallisay  : le capitaine Gillespie

    Marnette Patterson : Sarah