Les gens ordinaires cachent parfois des histoires extraordinaires portées par les riens du quotidien. David et Sandrine regardent la vie s’écouler à l’aune des jours heureux, bercés par des petits bonheurs doux. Elle s’occupe de sa fille Amanda, jeune pousse en construction qui cherche le chemin vers les terres de demain. Elle donne des cours d’anglais, sans doute pour garder le lien avec une mère partie sans prévenir. David laisse le temps filer comme l’eau du ruisseau entre ses doigts. Il gère des logements, accueille les touristes ou les nouveaux locataires comme Léna. Les jours se parent des couleurs de la fin de l’été, mélancolie qui s’effiloche comme un vieux pull trop porté. C’est dans cette vie qui ne demande qu’à germer, grandir, prendre l’éclat de la joie de vivre à deux que le drame explose. Un pique-nique ordinaire et la mort, au nom de quoi, de qui, emporte les espoirs de se construire avant de s’effacer. David se retrouve seul avec Amanda sans Sandrine, cette sœur à qui l’on pouvait s’amarrer comme un navire perdu. Il va falloir choisir et assumer un horizon au soleil voilé. Il reste la question d’Amanda, petite fille qui n’a rien demandé, broyée par l’horreur de l’actualité.
Mikhael Hers apparaît avec ce troisième long métrage, surtout après Ce sentiment de l’été, comme le réalisateur de la mélancolie et de l’errance. Il se révèle dans son premier, Memory Lane, confirmé dans Ce sentiment de l’été. David et Amanda deviennent le cœur du récit, entre la mort et la quête d’une vie sans horizon. C’est l’allégresse des jours ordinaires qui éclate sous l’impact d’un drame, ici le bouleversement causé par des terroristes. C’est déjà dans un parc que Sasha s’écroule sans raison. Les lieux sont aussi importants que les personnages, ils déterminent le poids de leurs errances, et de leurs douleurs enfouies qui ne peuvent jaillir. La première partie dévoile une vie simple où chacun tente de construire son petit bonheur, fait de choses humbles.
La lumière est celle de l’été indien, plus proche de l’aube, l’aurore, ligne de frontière entre le jour et la nuit, comme la mélancolie entre la joie et la tristesse. C’est dans cet espace, entre le rien et le tout que se place le cinéma de Mikhael Hers. Les personnages de ses histoires voyagent autant dans leur âme que dans la ville qu’ils parcourent en quête de l’autre perdu. C’est le cas pour Ce sentiment de l’été et pour Amanda. On découvre des lieux souvent inconnus. Ils sont comme un écho du récit qui se déroule sous nos yeux et envahit notre cœur. Dans Amanda, le parc ressemble au paradis, au Déjeuner sur l’herbe de Manet, transformé en un cauchemar ouvrant sur l’enfer. La caméra, dans un premier temps, regarde ce monde avec un peu de recul pour se resserrer par la suite. Le paysage révèle un décor où le bonheur pouvait trouver sa place, mais pour un temps, marque une empreinte de douleur.
La deuxième question est celle de la filiation aussi bien à travers la jeune Amanda qu’auprès de David et Sandrine. La position du père et de la mère s’annonce plus cruciale dans cette quête de reconstruction quand il n’existe plus aucun port pour le navire pris dans la tempête. C’est sur le fil que le funambule avance pour finir par toucher terre. L’amour, une petite fille sans repère sont bien plus importants pour donner un sens à la mort des êtres chers et à la réédification d’un avenir bercé par leurs souvenirs. C’est vers les vivants et l’espoir que se porte notre attention. Il reste envers les trépassés notre douleur et la promesse de ne pas les oublier.
Patrick Van Langhenhoven
Bonus:
C’est pourquoi Mikhaël Hers a voulu faire de Paris post attentats un des personnages du film…
Interview réalisé lors du 27 festival du film de Sarlat.
Titre original : Amanda
Réalisation : Mikhael Hers
Scénario : Mikhael Hers, Maud Ameline
Décors : Charlotte de Cadeville
Costumes : Caroline Spieth
Photographie : Sébastien Buchmann
Son : Dimitri Haulet, Daniel Sobrino, Vincent Vatoux
Montage : Marion Monnier
Musique : Anton Sanko
Production : Pierre Guyard ; Philip Boëffard et Christophe Rossignon (producteurs associés)
Sociétés de production : Nord-Ouest Films ; Arte France Cinéma (coproduction)
Sociétés de distribution : Pyramide Distribution ; Cinéart (Belgique), JMH Distributions SA (Suisse romande)
Pays d’origine : Drapeau de la France France
Genre : drame
Durée : 107 minutes
Dates de sortie : 21 novembre 2018
Distribution
Vincent Lacoste : David
Isaure Multrier : Amanda
Stacy Martin : Léna
Ophélia Kolb : Sandrine
Marianne Basler : Maud
Jonathan Cohen : Axel
Greta Scacchi : Alison
Nabiha Akkari : Raja
Raphaël Thiéry : Moïse
Claire Tran : Lydia
Elli Medeiros : Eve
Zoé Bruneau : L'assistante sociale
Lily Bensliman : La journaliste
Lawrence Valin : Le père indien
Missia Piccoli : La mère au lycée